L’hybernation est à l’hibernation ce que la mort elle-même est au sommeil. Plus proche de la mort que de la vie, l’hibernation ne peut être levée que par la grâce de Nef.


Les Historiques.


Tandis que Brett le maintenait immobile, Kareen Ale ligatura le moignon de Bushka avec une sangle empruntée à leurs équipements de plongée. Bushka était juste devant le panneau d’accès principal et la surface de l’océan était visible par le hublot de plaz à l’arrière de l’hydroptère. Le Grand Soleil, qui venait d’entrer dans son quadrant vespéral, peignait des volutes huileuses dans les frondaisons du varech obscurcies de temps à autre par le passage des nuages.


Bushka laissa entendre un gémissement.

L’hydroptère était bercé par une houle paisible. Kareen Ale s’était adossée à la cloison pour conserver son équilibre tout en utilisant ses deux mains.


- Voilà, dit-elle en achevant de fixer le garrot. Il y avait du sang partout sur le pont autour d’eux et sur leurs combinaisons de plongée. Kareen se tourna vers la coursive en criant :

- Tu as la civière, Shadow?

- Je l’apporte tout de suite!


Brett prit une inspiration profonde et contempla, par le hublot de plaz, l’étendue de varech à l’aspect si paisible, si inoffensif. L’horizon était d’un gris absurdement teinté de rose à l’endroit où le Petit Soleil allait bientôt se lever pour rejoindre son compagnon géant.

Durant la demi-heure qui venait de s’écouler, l’enfer s’était déchaîné.

Bushka, allant et venant d’un air résigné dans la cabine, leur avait fait peu à peu oublier toute méfiance. Mais brusquement, il s’était rué dans la coursive et avait enclenché la commande manuelle d’ouverture du panneau principal. L’eau s’était engouffrée à l’intérieur sous la pression des trente-cinq mètres de profondeur où ils se trouvaient alors. Bushka s’était préparé. Plaqué à la paroi pour éviter la trombe, il s’était emparé de la bouteille de plongée rangée près de la sortie pour les cas d’urgence et l’avait endossée rapidement.

Brett et Panille, lancés à sa poursuite, avaient été renversés puis refoulés par le flot rugissant qui envahissait la cabine. Seule la présence d’esprit de Scudi, qui avait abaissé une cloison étanche entre eux et la sortie, avait sauvé l’hydroptère et ses occupants.

Bushka, d’un coup de palme, s’était enfoncé sans peine dans la jungle de varech qui entourait l’hydroptère posé au fond de la mer.

Scudi, luttant contre les tonnes d’eau qui s’étaient engouffrées à bord, avait vidé les ballasts et mis toutes les pompes en action. Puis elle avait crié à Kareen d’aider Brett et Shadow. Peu à peu, l’hydroptère s’était soulevé du fond, environné de varech.

Brett et Panille, aidés par Kareen Ale, avaient regagné la cabine en pataugeant dans la coursive inondée. Scudi, après avoir jeté un bref coup d’œil à Brett pour s’assurer qu’il n’avait rien, reporta son attention sur le monde sous-marin visible par les hublots de la cabine.


- Il est en train de le mettre en pièces! s’écria-t-elle.


Les autres se rapprochèrent du siège de pilotage pour regarder dans la même direction qu’elle. L’hydroptère grimpa encore au milieu des frondaisons géantes et ils aperçurent Bushka tout près du hublot dans l’eau glauque. Un tentacule géant le maintenait par le milieu du corps tandis qu’un autre s’enroulait autour de son bras gauche. Soudain, l’eau devint trouble et foncée au niveau de l’épaule de Bushka.

Kareen Ale poussa un cri étouffé.

Brett comprit alors. C’était du sang qui troublait l’eau. Le bras de Bushka avait été arraché.

Comme s’il le recrachait, le varech repoussa Bushka vers la surface avec ses tentacules.

Scudi inclina l’hydroptère et remonta rapidement vers la surface. Ils ne mirent pas longtemps à retrouver Bushka, à moitié inconscient, perdant son sang à profusion. Déjà, une meute de capucins, attirés par l’odeur du sang, arrivait sur les lieux, mais le varech semblait lui faire barrage de ses tentacules.

Plus tard, lorsque Kareen eut soigné Bushka, Brett et Panille l’attachèrent sur la civière et le transportèrent à l’avant. Kareen les suivit peu après.


- C’est un miracle qu’il s’en soit sorti, dit-elle. Il a perdu la moitié de son sang. L’artère brachiale était béante.


Scudi était restée aux commandes. Elle n’avait accordé qu’un bref regard à Bushka lorsque la civière avait été déposée derrière elle au milieu de la cabine. L’hydroptère faisait des cercles dans une zone à peu près libre de varech. La houle légère clapotait contre la coque. Toute l’eau embarquée par l’hydroptère avait été évacuée mais les ponts étaient encore mouillés.

Scudi ne pouvait s’empêcher de revoir sans cesse en imagination l’horrible scène à laquelle elle avait assisté.


Que Nef nous vienne en aide! pensait-elle. Le varech est devenu mauvais!


Panille s’était penché sur Bushka. Le visage de l’Ilien était gris mais il paraissait conscient. Voyant cela, Panille lui demanda :


- Que vouliez-vous faire?

- Chut! souffla Kareen Ale.

- Ça va… réussit à dire Bushka. Voulais… tuer… Gallow.


Panille fut incapable de réprimer son indignation.


- C’est nous que vous avez failli tuer! Kareen le tira en arrière.


Brett prit place à côté de Scudi sur le siège du copilote. Il regarda la masse sombre de l’avant-poste à la base entourée d’écume. Le Petit Soleil s’était levé et l’eau reflétait une double lumière.


- Le varech… dit Bushka.

- Ne parlez pas, fit Kareen Ale. Economisez vos forces.

- Dois parler… les morts de Guemes… avec le varech… tous… Le varech a dit… j’ai arraché un bras… à l’humanité… suis puni… de la même façon… Merde!


Il essaya de regarder l’endroit où manquait son bras, mais les liens qui le retenaient sur la civière l’en empêchèrent.

Scudi regarda Brett d’un air effaré. Etait-il possible que le varech eût acquis la personnalité de tous les morts qu’il avait absorbés? Tous les vieux comptes allaient-ils être réglés? Ayant finalement retrouvé sa conscience et ses moyens d’expression, le varech avait choisi de s’exprimer par la violence. Scudi frissonna en contemplant les frondaisons vert sombre qui entouraient l’hydroptère.


- Il y a des capucins partout, dit-elle.

- Où… où est mon bras? gémit Bushka.


Il avait les paupières closes et sa grosse tête paraissait encore plus énorme contre le tissu pâle de la civière.


- Il est dans la glace, répondit Kareen Ale. Nous interviendrons aussi peu que possible sur les tissus de la plaie afin de préserver toutes les chances de le remettre en place.

- Le varech sait… que je ne suis qu’un imbécile… dont s’est servi Gallow, grogna Bushka en tournant la tête d’un côté puis de l’autre. Pourquoi s’en est-il pris… à moi?


A ce moment-là, une forte rafale secoua l’hydroptère et le rabattit en direction du varech. H y eut un grand bruit contre la coque et le bâtiment gîta dangereusement puis se redressa avec un grincement prolongé.


- Qu’est-ce que c’est? demanda Ale. Que s’est-il passé ?


Brett pointa l’index en direction du ciel, au-dessus de l’avant-poste.


- Je crois qu’on a voulu attirer notre attention sur quelque chose. Regardez. Jamais je n’avais vu autant d’aérostats à la fois!

- Aérostats, mon œil! fit Panille. Par Nef! Ce sont des gyflottes, des milliers de gyflottes!


Brett était bouche bée. Comme tous les enfants îliens, il avait déjà vu des représentations holo de ces vecteurs de spores de l’ancien varech. Mais ce phénomène n’avait pas été observé dans le ciel de Pandore depuis des générations.


Panille a raison. Des gyflottes!


- Elles sont magnifiques, murmura Scudi. Brett était obligé de l’admettre. Ces énormes poches à hydrogène organiques dansaient à la lumière des deux soleils, parées de toutes les couleurs de l’arc-en-ciel. Elles passèrent haut au-dessus de l’avant-poste, poussées par un vent régulier en direction du sud-ouest.


- Nous n’avons plus besoin de nous en occuper désormais, dit Panille. Le varech assure sa propre propagation.

- Elles descendent, dit Brett. Regardez. Certaines laissent traîner leurs tentacules dans l’eau.


Le vol des gyflottes, qui avait largement dépassé l’avant-poste, revenait obliquement frôler la crête des vagues.


- On dirait qu’elles sont dirigées par quelqu’un, fit Scudi. Voyez comme elles se déplacent ensemble.


Une nouvelle fois, il y eut un cognement sonore contre la coque. Un chenal s’ouvrit de part et d’autre de l’hydroptère, filant en ligne droite dans la direction où étaient les gyflottes. D’abord lentement, puis de plus en plus vite, l’hydroptère fut entraîné par le courant.


- Autant se laisser porter, dit Panille.


- Mais Twisp est toujours là-bas! protesta Brett.

- Le varech a pris les choses en main. Votre ami devra s’en sortir par ses propres moyens.

- Je crois que Shadow a raison, déclara Scudi en montrant du doigt l’avant-poste. Vous voyez? Il y a d’autres gyflottes qui arrivent. Elles touchent presque la falaise.


- Mais si Twisp revient et qu’il ne nous…


- Je ferai demi-tour dès que le varech nous le permettra, fit Scudi en mettant les statos en marche.

- Non. Je vais prendre des bouteilles et…

- Brett! dit-elle en posant une main sur son bras. Tu as vu ce qu’il a fait à Bushka.

- Mais moi, je ne lui ai pas fait de mal… ni à personne.

- Nous ne pouvons pas savoir comment il réagira.

- Elle a raison, intervint Panille. Vous ne seriez pas d’un très grand secours à votre ami, sans vos bras.


Brett se laissa retomber sur son siège.

Scudi augmenta la vitesse et sortit les foils. L’hydroptère glissa bientôt à toute allure dans le chenal en direction des gyflottes qui tournaient au ras des flots.

Brett s’était renfrogné. Il avait l’impression que tous ses amis Siréniens, même Scudi, s’étaient ligués contre lui. Comment pouvaient-ils savoir ce que voulait réellement le varech? D’accord, il avait ouvert un chenal à travers ses épaisses frondaisons; d’accord, il avait fait passer un courant dans ce chenal. Mais Twisp avait peut-être besoin de lui en ce moment à l’endroit où ils étaient censés l’attendre.

Soudain, il secoua la tête. Il savait comment Twisp lui-même aurait réagi devant son mouvement d’humeur. Ne fais pas l’idiot! Le varech s’était exprimé sans risque de malentendu. Bushka… le chenal… le courant… des mots n’auraient pas pu mieux expliquer ce qu’il fallait faire maintenant. Scudi et les autres l’avaient compris et accepté plus vite que lui, voilà tout.

D’un geste vif du tranchant de la main, Scudi venait de couper les gaz. L’hydroptère retomba sur une houle forte qui faisait monter des gerbes d’écume de chaque côté de la coque.


- Le passage est bloqué, dit-elle.


Ils regardèrent devant. Non seulement le varech avait refermé le chenal qui les avait amenés jusqu’ici, mais une barrière de tentacules et de thalles hérissés émergeait, menaçante, à quelques mètres d’eux. Leur route était bloquée dans toutes les directions par une forêt vert sombre, dense et basse.

Brett regarda sur sa gauche. L’avant-poste se dressait à moins de trois cliques de là. Les gyflottes continuaient de descendre et de tourner au-dessus de la mer, en masse, à une clique de l’hydroptère.


- Elles n’étaient pas aussi colorées dans les reproductions holo, dit Panille derrière Brett.

- Une nouvelle espèce, sans doute, approuva Kareen.

- Que faisons-nous? demanda Brett.

- Nous attendons de savoir pourquoi le varech nous a fait venir ici, lui répondit Scudi.


Brett leva les yeux vers les gyflottes qui continuaient à descendre. Leurs tentacules noirs pendaient en direction de l’eau et la lumière des deux soleils irisait leurs poches gonflées.


- Les historiques racontent que le varech produit son hydrogène à peu près de la même manière que les Iliens d’aujourd’hui, expliqua Panille. Les enveloppes sont formées par extrusion à de grandes profondeurs puis gonflées et lâchées dans l’atmosphère pour disséminer leurs spores. Un de mes ancêtres a volé avec une gyflotte, ajouta-t-il à voix basse. Elles m’ont toujours fasciné. J’ai souvent rêvé d’un jour comme aujourd’hui.

- Que font-elles ici? demanda Scudi. Leurs spores sont inutiles. Il y a déjà du varech partout.

- Tu parles comme si elles étaient dirigées par une volonté intelligente, lui fit remarquer Kareen. Elles vont probablement là où le vent les porte.


Panille secoua énergiquement la tête.


- Détrompe-toi. Qui contrôle les courants contrôle la température à la surface de l’eau, et par conséquent dirige les vents.

- Alors, pourquoi sont-elles ici? insista Scudi. Elles ne flottent pas au gré du vent, on dirait plutôt qu’elles se rassemblent.

- Les caissons hyber? demanda Kareen.

- Mais comment le varech… commença Scudi avant de s’interrompre, une main sur la bouche, pour ajouter : C’est ici que les caissons doivent descendre ?

- Approximativement, dit Kareen. Shadow?

- C’est exactement le quadrant prévu, confirma Panille en jetant un coup d’oeil à la montre de bord. D’ailleurs, ils ont déjà du retard par rapport à l’horaire fixé à l’origine.

- Il y a une gyflotte qui n’est pas comme les autres, dit Brett en collant presque son doigt au plaz pour la montrer. A moins que ce ne soit un aérostat ?

- Un parachute! s’écria Panille. Par le ventre de Nef! C’est le premier caisson qui descend!

- Regardez les gyflottes, fit Scudi.


Les grandes outres colorées s’étaient mises à tournoyer en laissant un espace libre en leur centre. L’ensemble se déporta vers le sud et légèrement à l’ouest, formant un filet au niveau de la mer juste au-dessous du parachute.

Ils apercevaient maintenant quelque chose qui se balançait sous la corolle du parachute. Un cylindre argenté qui captait les reflets aveuglants des deux soleils.


- Par Nef! Ce truc-là est énorme! s’écria Panille.

- Je me demande ce qu’il contient, chuchota Kareen.

- Nous allons le savoir bientôt, dit Brett. Regardez… j’en vois un deuxième… et puis un troisième…

- Oooh! si seulement je pouvais en toucher un… rien qu’un! murmura Panille.


Le premier caisson hyber n’était plus qu’à une centaine de mètres de la surface. Il disparut au milieu des gyflottes et ils ne le virent pas toucher l’eau. Un deuxième caisson tomba dans le cercle, suivi de plusieurs autres. Ils en comptèrent vingt en tout. Certains étaient plus gros que l’hydroptère.

Le cercle de gyflottes se referma lorsque le dernier caisson eut percuté l’eau. Aussitôt, un chenal s’ouvrit dans le varech, reliant l’hydroptère à l’endroit où s’étaient rassemblées les gyflottes.


- On nous demande là-bas, constata Scudi. Elle remit les statos en marche et l’hydroptère avança sur sa coque à la limite de portance des foils. Son étrave fendait les flots et, à mesure qu’il se rapprochait des gyflottes, celles-ci s’écartaient pour le laisser pénétrer dans le cercle d’eau libre où les énormes cylindres étaient ballottés par la houle.


Les occupants de l’hydroptère contemplaient, émerveillés, le spectacle qui s’offrait à eux. Les tentacules des gyflottes actionnaient le mécanisme d’ouverture des caissons et se glissaient à l’intérieur. De grands panneaux courbes s’ouvraient. Brusquement, l’un des caissons ouverts bascula et l’eau s’engouffra à l’intérieur. Des mammifères marins au ventre blanc en sortirent et plongèrent immédiatement sous l’eau.


- Des orques! souffla Panille. Regardez! Des jubartes! Exactement comme dans les représentations holo!

- Mes baleines… murmura Scudi.


Le chenal qui s’était ouvert devant l’hydroptère s’incurvait à présent sur la gauche et les dirigeait vers un groupe de six caissons maintenus bord à bord par une concentration de varech. Des tentacules de gyflottes traînaient dans l’eau. Certains s’entortillaient autour des caissons et pénétraient à l’intérieur.

Au moment où l’hydroptère se rapprochait des cylindres, un tentacule noir ressortit de l’un d’eux en hissant dans les airs une forme humaine qui se débattait, pâle et nue comme un ver. Puis un autre tentacule remonta un autre humain et ainsi de suite, jusqu’à ce que toutes les couleurs de peau fussent représentées au ras des flots, du plus noir que Scudi au plus pâle que Kareen Ale.


- Que font les gyflottes avec ces malheureux? demanda Kareen.


Les visages de ceux qui venaient de sortir des caissons étaient terrorisés, mais les occupants de l’hydroptère les virent peu à peu devenir sereins. Les gyflottes flottaient lentement vers l’appareil avec leur fardeau humain.


- Voilà pourquoi on avait besoin de nous, dit Brett. Venez, Shadow. Allons leur ouvrir la porte.


Scudi coupa les réacteurs de l’hydroptère.


- Nous ne pouvons pas prendre tout ce monde en charge, dit-elle. Ils nous feraient couler!


Elle montrait du doigt l’endroit où les gyflottes continuaient à retirer les humains un à un des caissons. Il y en avait déjà plus d’une centaine en train de se balancer au bout d’un tentacule, et leur nombre augmentait à chaque seconde.

Brett, hésitant dans la coursive, s’était retourné pour voir le spectacle.


- Nous les remorquerons au moins jusqu’à l’avant-poste, dit-il. Il faut essayer de leur lancer un filin.


Il fit volte-face et s’élança dans la coursive. Panille le suivit en courant.

Les gyflottes étaient déjà à hauteur du panneau d’accès lorsque Brett l’ouvrit. Un tentacule se glissa à l’intérieur et s’enroula autour de lui. Il se figea. Des mots surgirent alors dans son esprit, d’une clarté parfaite, sans aucune distorsion ni aucun bruit de fond :


- Gentil humain qui es l’ami de la chère Scudi d’Avata, ne crains rien. Nous t’apportons ces Nefclones pour qu’ils vivent en paix aux côtés de tous ceux qui partagent Pandore avec Avata.


Brett respirait très fort. Il sentit les pensées de Panille à côté de lui, mais elles étaient troubles, sans commune mesure avec les paroles cristallines qui pénétraient ses sens par l’intermédiaire des tentacules lovés autour de lui. Panille projetait des idées d’angoisse, de peur, des images holo de son enfance représentant des gyflottes, des souvenirs de famille centrés autour du premier Panille pandorien, son ancêtre Kerro… et aussi la crainte que le poids de tous ces humains que leur confiaient les gyflottes ne fasse sombrer l’hydroptère.


- Les gyflottes vous soutiendront, transmirent les tentacules. N’ayez aucune crainte. Quelle merveilleuse journée! Quelles étonnantes surprises nous sont tombées du ciel par la grâce de Nef!


Progressivement, Brett recouvrait l’usage de ses propres sens. Il vit qu’il était entouré par une spire de tentacules noirs et luisants. Des humains nus étaient introduits l’un après l’autre par le panneau d’accès. Comme ils étaient grands! Certains devaient se baisser pour avancer dans la coursive.

Panille était lui aussi maintenu par des tentacules. Il faisait signe aux nouveaux arrivants d’emprunter la coursive en direction de la cabine de pilotage.


- Vous pouvez aussi aller dans la soute, de ce côté, leur dit Brett.


Ils obéissaient tous sans discuter aux directives de Brett et de Panille. Ils semblaient être dans un état de stupeur consécutif à leur réveil dans les tentacules des gyflottes.


- Elles nous remorquent vers l’avant-poste, dit Panille en montrant les gyflottes.


Les falaises noires étaient visibles par le panneau ouvert et le bruit du ressac à la base de l’avant-poste se faisait déjà entendre.


- Et Gallow? s’écria Brett.


Au moment même où il parlait, les tentacules le relâchèrent. Panille fut libéré en même temps. Autour d’eux, tout l’espace était occupé par les humains nus et silencieux. D’autres arrivaient encore, suspendus aux tentacules des gyflottes qui encadraient le panneau d’accès. Lentement, Brett commença à se frayer un chemin vers la cabine à travers la masse humaine qui s’écartait docilement pour lui laisser le passage.

Il y avait moins de monde dans la cabine que dans la coursive. Autour de la civière où se trouvait Bushka, inconscient, un espace était resté libre. Les sièges de pilotage, occupés par Scudi et par Kareen Ale, étaient également dégagés. Le pare-brise était presque entièrement obstrué par un réseau de tentacules entrelacés. Seuls quelques trous laissaient apercevoir les falaises de l’avant-poste entourées d’écume.


- Le varech est sur la falaise, dit Kareen. Regardez! Il y en a partout!


L’un des humains nus, un homme si grand que sa tête touchait presque le plafond de la cabine, s’avança jusqu’au pare-brise et se pencha pour regarder par une fente dans la muraille de tentacules. Il se retourna au bout d’un moment puis baissa les yeux vers les orteils palmés de Scudi et ceux de Kareen, à peu près identiques. Il considéra ensuite les grands yeux de Brett.


- Nef ait pitié de nous! s’écria-t-il. Si nous nous reproduisons sur cette planète, nos enfants seront tous difformes?


Brett fut d’abord frappé par son accent, étrangement mélodieux, puis par le contenu de ses paroles. Cet homme considérait visiblement les Siréniens et les Iliens avec la même répugnance indignée.

Kareen, choquée, échangea un regard avec Brett puis se tourna vers les géants massés dans la cabine. Ils étaient peu à peu en train de perdre leur expression hébétée. Mais comme tous ces visages étaient semblables! Elle se demandait comment ils faisaient pour se reconnaître entre eux… à part les variations dans la couleur de leur peau. Ils étaient tous faits au moule!

Elle comprit alors qu’elle avait devant elle les humains de Nef, les humains normaux. C’était elle, avec sa petite taille et ses orteils à moitié palmés, qui était le monstre.

Par Nef! Comment tous ces nouveaux venus allaient-ils réagir quand ils verraient des gens comme le Juge Suprême, ou même Queets Twisp, avec ses bras démesurés? Qu’allaient-ils dire en voyant la tête de la Psyo?

L’hydroptère, à ce moment-là, racla le fond à plusieurs reprises. Puis il fut doucement soulevé et posé sur une surface solide.


- Nous sommes arrivés, dit Scudi.

- Et maintenant, il nous reste à affronter GeLaar


Gallow d’une manière ou d’une autre, déclara Panille.


- Si le varech ne l’a pas déjà fait à notre place, murmura Kareen.

- On ne peut pas savoir ce qu’il est capable de faire, dit Panille. Je crois que Twisp avait raison. Il est impossible de lui faire confiance.

- En tout cas, il est drôlement convaincant, fit Brett en se rappelant le contact des gyflottes devant le panneau d’accès.

- C’est là que réside le véritable danger, dit Panille.


L'effet Lazare
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