A un moment donné de l’histoire, il appartient à un groupe d’individus dévoués d’accomplir certaines tâches que les gens clairvoyants ont jugées nécessaires mais que personne d’autre ne veut entreprendre.


A. Huxley,
Les Portes de la perception,
Archives de la Mnefmothèque.


Après avoir vu Scudi dévisser le couvercle de la boîte centrale de répartition, identifier les commandes des portes étanches et repérer les circuits de la porte d’entrée, Brett n’était pas loin de considérer sa nouvelle amie comme un génie. Elle protesta brièvement quand il le lui dit.


- Nous apprenons tous à faire ça quand nous sommes gosses, fit-elle avec un petit rire. Si tes parents t’enferment dans le…

- Pourquoi t’enfermer?

- Par punition. Par ex… (Elle s’interrompit, actionna un commutateur et remit le couvercle en place.) Vite! fit-elle en se penchant à l’oreille de Brett. On vient! J’ai mis la sortie de secours sur circuit manuel, et la même chose pour la grande porte. L’issue de secours, c’est le petit panneau au milieu du grand panneau ovale.

- Où allons-nous en sortant d’ici?

- Rappelle-toi la carte. Il faut que nous soyons dehors avant qu’ils s’aperçoivent de ce que j’ai fait.


Elle lui prit la main et l’entraîna dans le couloir qui menait à la pièce principale. Hastings et Lonfinn étaient là, plongés dans une conversation animée avec le juge Keel. Ce dernier était en train d’élever la voix au moment où Scudi et Brett entrèrent :


- En outre, si vous essayez de faire porter sur les Iliens la responsabilité du massacre de Guemes, j’exigerai la constitution immédiate d’une commission d’enquête; une commission dont vous ne nommerez pas les membres!


Keel se frotta les yeux des deux mains. L’œil qu’il tenait fixé sur Hastings avait un éclat dur et Keel se prit à savourer le frisson que son interlocuteur ne put retenir.


- Monsieur le Juge, votre attitude n’améliore pas votre cas, ni celui de ces deux jeunes gens, fit Hastings en jetant un regard rapide à Scudi et Brett, qui venaient de s’immobiliser au milieu de la salle.


Keel l’étudia pendant quelques instants en songeant que les choses avaient vite tourné au vinaigre. Deux hommes de main! Et ils s’étaient placés ostensiblement entre lui et la porte.


- On m’avait dit qu’il n’y avait pas d’insectes nuisibles ici, fît-il.


Hastings fronça les sourcils, mais l’autre demeura impassible.


- A votre place, je ne plaisanterais pas ainsi, dit Hastings. L’ambassadrice Ale nous a demandé de…


- Qu’elle vienne me le dire elle-même! Voyant qu’il ne répondait pas, Keel ajouta, furieux :


- Elle m’a attiré ici sous un prétexte mensonger. Elle a fait en sorte que personne ne m’accompagne. Ses raisons, minces comme elles sont, ne tiennent pas debout. Je dois en conclure que je suis votre prisonnier. Allez-vous le nier?


De nouveau, il jeta un coup d’œil glacé aux deux hommes qui lui barraient le passage.


- Nous sommes obligés de prendre certaines mesures pour assurer votre protection, soupira Hastings. Vous êtes une personnalité importante. Une crise vient de se produire…

- Ma protection? interrompit le juge. Protection contre qui?


Il lut l’indécision sur les traits de Hastings. Plusieurs fois, l’homme ouvrit la bouche pour répondre, mais se ravisa et demeura muet. Le juge Keel se frotta la nuque à l’endroit où sa prothèse recommençait à le blesser après le bref repos qu’il s’était accordé.


- Faut-il que vous me protégiez contre ceux qui ont détruit Guemes? demanda-t-il.


Les deux Siréniens échangèrent un regard sans expression. Hastings se tourna de nouveau vers Keel.


- J’aimerais vous parler plus librement, mais cela ne m’est pas permis.

- Je connais déjà à peu près le contexte, fit Keel. Des forces politiques importantes sont en train de s’affronter chez vous.

- Et côté surface également! lança Hastings.

- Oui, je sais. Les deux cartes incontrôlables. Ma Commission et les Fidèles. L’annihilation de Guemes est un mauvais coup porté aux Fidèles. Mais ce n’est pas en me liquidant que vous arrêterez la Commission. Je peux être remplacé. Il est plus efficace pour vous de me mettre au secret pendant quelque temps. D’un autre côté, si j’étais liquidé, les Iliens seraient suffisamment occupés par l’élection de mon successeur pour que vous puissiez mettre à profit la confusion qui s’ensuivrait. Non; je ne peux plus rester ici. J’ai décidé de retourner côté surface.


Hastings et son compagnon tressaillirent.


- J’ai bien peur que ce ne soit impossible pour le moment, fit Hastings.

- C’est Carolyn Bluelove qui prendra ma succession, dit le juge en souriant. Je serais étonné que vous ayez plus de chance avec elle qu’avec moi.


C’est l’impasse, songea-t-il.


Un lourd silence s’établit tandis que Hastings et Lonfinn considéraient le juge Keel pouvait voir sur le visage de Hastings les arguments se former pour être aussitôt écartés. Ils avaient besoin de la coopération du juge, mais d’une coopération aveugle. Ils voulaient qu’ils soient d’accord avec eux sans lui dire sur quoi il devait être d’accord. Hastings croyait-il qu’un vieux renard comme lui n’était pas capable de percevoir ce dilemme?

Scudi et Brett avaient attentivement suivi la discussion. Scudi se pencha pour murmurer à l’oreille de Brett :


- La porte des toilettes est derrière toi sur la droite. Vas-y tout de suite et ouvre la boîte de connexions au-dessus de l’entrée. Jettes-y un verre d’eau. Le court-circuit plongera ce secteur dans l’obscurité. Je m’occupe d’ouvrir l’issue de secours. Tu la trouveras dans le noir?


Il acquiesça d’un mouvement de tête.


- Nous serons dans la coursive avant qu’ils s’aperçoivent que nous fuyons, poursuivit-elle en chuchotant.

- Les lumières extérieures vont éclairer la pièce quand tu ouvriras le panneau de secours.

- C’est pourquoi nous devrons faire vite. Ils essaieront d’utiliser les commandes principales. Il leur faudra à peine un battement pour se rendre compte qu’elles sont sur le mode manuel.


Il hocha de nouveau la tête.


- Tu me suivras en courant le plus vite possible, dit-elle.


Face à Keel, Hastings avait décidé de dévoiler une partie de ce qu’il savait.


- Vous vous trompez sur l’identité du prochain Juge Suprême, dit-il. Ce sera Simone Rocksack.

- C’est elle que GeLaar Gallow a choisie? répliqua le juge, mettant à profit ce qu’il avait appris devant le pupitre com de Ryan Wang.


Hastings, surpris, cilla.


- Dans ce cas, il risque d’être encore surpris, continua le juge. Les Psyos sont notoirement incorruptibles.

- Vous oubliez vos historiques, fit Hastings. Sans le premier Psyo de Pandore, Morgan Oakes, Jésus Louis n’aurait été qu’un vulgaire laborantin.


Une expression solennelle se dessina sur le visage de Keel. Maints plaideurs avaient tremblé devant lui quand il siégeait avec cette expression, mais Hastings demeurait impassible, attendant sa réponse.


- Vous êtes à la solde de Gallow, dit le juge. Et naturellement, vous voulez vous assurer la maîtrise économique et politique totale de la planète. Pour cela, vous comptez sur l’appui des Fidèles. Mais Simone Rocksack sait-elle que pour arriver à vos fins, vous avez massacré toute sa famille sur Guemes?

- Vous vous trompez! Ce n’est pas du tout cela!

- C’est quoi, alors?

- Je vous en prie, monsieur le Juge. Vous…

- Quelqu’un a énoncé un jour une vérité de base. Celui qui a la maîtrise de l’intendance a la maîtrise des gens.

- Nous allons être à court de temps pour poursuivre cette discussion, dit Hastings.

- Et quand nous en serons réellement à court, cela signifiera que je ferai partie des malheureuses victimes de Guemes?

- C’est tout l’avenir de Pandore qui se joue. Ceux qui se trouvent du bon côté traverseront cette période cruciale sans en souffrir.

- Mais ceux qui s’opposent à vous seront éliminés?

- Nous n’avons pas détruit l’île de Guemes! fit Hastings en articulant chaque syllabe d’une voix froide.

- Alors, comment savez-vous que celui qui l’a fait ne se retournera pas contre vous?

- De quel droit parlez-vous de massacre? demanda Hastings. Combien de milliers de gens avez-vous massacrés vous-même, sous l’autorité de votre Commission? Combien de centaines de milliers? Vous avez commencé de bonne heure, monsieur le juge.


Keel fut momentanément désarçonné par cette attaque.


- Mais la Commission…

- Fait ce que vous lui dictez! Le tout-puissant Ward Keel n’a qu’à abaisser le pouce et c’est la mort. Tout le monde le sait. Que signifie le mot « vie » pour quelqu’un comme vous? Comment puis-je attendre d’un esprit aussi différent que le vôtre qu’il comprenne nos problèmes internes de Siréniens ?


Keel se sentait embarrassé par toutes ces accusations. Pourtant, chacune de ses décisions avait toujours été dictée par son respect de la vie. Les déviations dangereuses devaient être extirpées du patrimoine génétique.

Tandis qu’il demeurait silencieux en se demandant ce qui allait se passer ensuite, Brett fit un pas en direction de la porte des toilettes. Lonfinn se déplaça pour lui barrer l’accès à l’extérieur. Brett l’ignora, entra dans les toilettes et referma la porte derrière lui.

Il repéra tout de suite la boîte de connexions au couvercle étanche fixé par deux vis apparentes Dans le tiroir du meuble sous le lavabo, il trouva une lime à ongles qui lui permit de dévisser le couvercle et de mettre à nu la double jonction aux gaines de plastique brillant, bleu et vert. Les câbles p et n étaient visibles sous les plots protégés qui permettaient d’inverser la polarité du circuit pour activer la commande.

Un verre d’eau, avait dit Scudi.

Il y avait un verre sous le lavabo. Il le remplit et la main sur la poignée de la porte, jeta l’eau sur la boîte sans couvercle. Un éclair bleu-vert grimpa le long du mur et les lumières s’éteignirent. Au même instant, il ouvrit la porte et s’élança dans l’obscurité. Hastings était en train de crier :

- Le juge! Retiens-le! Ne le laisse pas partir!

Brett se glissa le long du mur sur sa droite et rejoignit Scudi devant la porte. Elle toucha son visage et lui serra le bras. Puis le petit panneau de secours s’ouvrit brusquement et elle s’y glissa de biais. Brett la suivit. Elle referma le panneau et se mit à courir dans la coursive. Brett l’imita aussitôt.

C’était la première fois de sa vie qu’il courait sur plus de cent mètres d’affilée. Scudi était déjà loin devant lui et elle disparut bientôt au coin d’une coursive secondaire. Brett prit le virage en dérapant, juste à temps pour voir ses pieds disparaître dans une ouverture circulaire au ras du pont. Elle le tira pratiquement à l’intérieur alors qu’il s’agenouillait pour passer. Elle remit le panneau de fermeture en place et ils se trouvèrent une fois de plus dans l’obscurité. Brett haletait d’avoir tant couru. La transpiration lui piquait les yeux.


- Où sommes-nous? chuchota-t-il.

- Dans un conduit d’entretien du réseau pneumatique. Tiens-moi par la taille et ne me lâche pas. Il faut ramper pendant un moment.


Brett lui agrippa la taille et fut presque traîné dans le passage étroit où ses épaules raclaient les côtés et où sa tête cognait fréquemment le plafond. Il faisait presque noir, même pour lui, et il était sûr qu’elle se dirigeait totalement à l’aveuglette. Le conduit fit un coude vers la gauche, puis vers la droite, et se mit à grimper pendant quelque temps. Scudi s’arrêta, chercha sa main dans l’obscurité, la guida vers le premier barreau d’une échelle qui disparaissait quelque part au-dessus de leur tête.


- Grimpe derrière moi, murmura-t-elle. Fais attention.


Il ne jugea pas nécessaire de lui rappeler qu’il voyait dans l’obscurité.


- Où allons-nous? demanda-t-il.

- Jusqu’en haut. Ne glisse pas. Il y a vingt étages, et trois paliers seulement pour reprendre haleine.

- Qu’est-ce qu’il y a en haut?

- Le poste d’accostage pour les hydroptères de mon père.


- Scudi, tu es bien sûre que tu veux le faire? Sa voix lui parvint faible mais assurée :


- J’attends d’avoir des preuves pour croire à quoi que ce soit, mais ils retiennent le juge prisonnier et ils nous auraient arrêtés s’ils l’avaient pu. C’est inadmissible, et Ale est avec eux. Il faut au moins prévenir les îles.

- C’est vrai.


Elle se mit à grimper. Le bruissement de ses vêtements et leur respiration étaient les seuls bruits qui rompaient le silence.

Brett grimpa derrière elle. De temps à autre, sa main effleurait le talon de Scudi. Le temps semblait long à Brett, mais il savait que cela devait être encore plus dur pour Scudi car elle était dans une obscurité totale.

Il regrettait de ne pas avoir compté les barreaux depuis le début. Cela aurait occupé son esprit en lui faisant oublier le vide qui ne cessait de grandir sous lui. Chaque fois qu’il y pensait, son estomac se nouait et ses mains refusaient de lâcher un barreau pour en agripper un autre. Il n’apercevait ni le sommet ni leur point de départ. Rien d’autre que la silhouette agile de Scudi qui grimpait au-dessus de lui. A un moment, il s’arrêta pour regarder en dessous. Plusieurs tuyaux de diamètres différents couraient le long du mur. L’un était brûlant au toucher. Un autre était couvert de condensation glacée. Quand il passa les doigts dessus, il sentit quelque chose de glissant.


Des algues.


Il était heureux d’avoir trouvé quelque chose de familier. Les îles ne connaissaient aucune structure rigide. Les conduits organiques poussaient dans la direction où ils étaient guidés, mais la technique de guidage avait ses limites.

Au premier palier, Scudi le saisit par la taille et l’aida à se placer au pied d’une nouvelle échelle. Elle attendit un battement qu’il reprenne son souffle puis murmura :


- Il ne faut pas traîner. Ils peuvent deviner où nous voulons aller.

- Ont-ils un moyen de savoir où nous sommes?

- Il n’y a pas de capteur là où nous sommes et ils ne peuvent pas savoir que j’ai la clef des conduits d’entretien.

- Où l’as-tu prise?

- Dans le bureau de mon père. Je l’ai trouvée quand j’y ai emmené le juge.

- Pourquoi ton père la gardait-il?

- Sans doute pour pouvoir faire éventuellement ce que nous sommes en train de faire. S’échapper en catastrophe.


Elle lui serra doucement le bras et se détourna avec un soupir. Puis elle recommença à grimper.

Brett la suivit aussi vite qu’il put. Cependant, elle prenait de plus en plus de distance. Quand ils arrivèrent enfin au deuxième palier, Brett s’y hissa, épuisé, et se laissa guider vers la nouvelle échelle. Dès qu’il eut repris son souffle, il demanda :


- Comment fais-tu pour aller si vite ?

- Je vais régulièrement au gymnase et je cours dans les coursives. Ceux d’entre nous qui sont appelés à travailler plus tard sur la terre ferme doivent entretenir leur forme car les conditions ne seront pas les mêmes que sous la mer.


Il savait que cette réponse n’était guère adéquate, mais il garda le silence.


- Es-tu prêt à affronter la dernière étape? demanda Scudi.

- Je te suis.


Cette fois-ci, il resta assez proche d’elle pour que sa main effleure son talon de temps à autre. Elle allait moins vite à cause de lui, il le savait, et il en souffrait un peu dans son amour-propre; cependant, il allait avoir besoin, une fois arrivé là-haut, des forces qu’il économisait. Il y avait toujours ce vide béant au-dessous, que l’obscurité presque totale, même pour lui, rendait encore plus atroce. Quand il agrippa enfin le dernier barreau et sentit la plate-forme au-dessus de lui, il passa un bras autour du support vertical de l’échelle et prit une série d’inspirations profondes et tremblantes. Scudi lui toucha la tête.


- Tout va bien?

- Je… je reprends mon souffle.


Elle glissa la main sous son bras droit.


- Grimpe. Je t’aiderai. Tu seras mieux ici. Il y a une rampe.


Aidé par Scudi, il se hissa sur la plate-forme. Dès qu’il vit la rampe, il l’agrippa fermement et gagna les quelques millimètres qu’il lui manquait pour se laisser tomber à plat ventre sur le métal froid. Scudi posa une main sur son dos et, quand elle sentit sa respiration se calmer, la retira en disant :


- Récapitulons notre plan.


Elle était assise le dos contre la paroi de métal.


- Tu peux y aller, dit Brett.


Il s’assit à côté d’elle, heureux de respirer l’odeur de son haleine douce et de sentir la caresse de ses cheveux contre sa joue.


- La sortie se trouve juste derrière moi, dit-elle. C’est un double panneau étanche. Le hangar d’accostage doit être maintenu sous une pression assez forte pour que l’eau demeure à un niveau convenable. Nous allons nous retrouver dans une annexe du hangar. S’il n’y a personne, nous sortirons tranquillement et nous marcherons d’un air naturel vers l’un des hydroptères. Je suis ton guide. Je te fais visiter le hangar.

- Et si quelqu’un nous voit sortir d’ici?

- Nous pouffons de rire comme des amoureux surpris. Si quelqu’un nous fait la morale, nous baissons la tête en essayant de prendre un air contrit.


Brett regarda le doux visage de Scudi dont le profil se dessinait pour lui dans l’obscurité.

Pas bête. Assez proche de la réalité pour qu’il puisse jouer le rôle avec conviction.


- Où pouvons-nous nous cacher une fois dans le hangar? demanda-t-il.

- Nous ne nous cacherons pas. Nous irons vers un hydroptère dont l’équipage n’est pas à bord. Il nous servira à gagner la surface.

- Tu sais vraiment piloter un hydroptère?

- Naturellement. Je prends souvent celui du labo pour aller travailler côté surface. Tu as bien compris ce qu’il faut faire? ajouta-t-elle d’un air grave.

- Je te suis.


Elle se tourna et s’agenouilla contre la paroi. Brett entendit un faible grincement de métal. Un petit panneau s’ouvrit, laissant pénétrer un mince halo de pénombre qui suffit cependant à éblouir Brett. Scudi se glissa à l’extérieur et lui tendit la main pour l’aider. Il se contorsionna pour passer à son tour par l’étroite ouverture. Ils étaient maintenant dans une pièce basse, rectangulaire, aux parois de métal gris. La lumière pénétrait par un minuscule hublot situé dans le coin opposé. Scudi verrouilla le panneau derrière eux puis ouvrit le second panneau sur l’autre mur. Ils émergèrent sur une passerelle étroite.


- Maintenant, chuchota Scudi en lui prenant la main, je suis en train de te faire visiter le hangar et de te montrer les hydroptères.


Elle guida Brett jusqu’à l’extrémité de la passerelle où il y avait un escalier de métal qui descendait vers le pont situé trois mètres plus bas. Brett s’arrêta, résistant aux efforts de Scudi pour le faire avancer. Ils se trouvaient à l’intérieur d’une coupole transparente dont les parois étaient à des centaines de mètres d’eux.


C’est du plaz, se dit-il. Ça ne peut être que ça, pour supporter de pareilles pressions.


Les postes d’accostage étaient répartis sous cet énorme dôme qui tenait l’océan à distance. Un parapluie de plaz! Il leva les yeux vers la surface, qui ne devait pas se trouver à plus d’une cinquantaine de mètres. C’était une zone laiteuse, argentée, trouée du double faisceau lumineux indiquant que les deux soleils étaient présents au-dessus de l’horizon.

Scudi le tirait toujours par le bras.

Il regarda le pont au-dessous d’eux. La vaste surface de métal strié étendait les échancrures irrégulières de ses jetées jusqu’à la paroi oblique de la coupole. Sous ses yeux, un hydroptère venu de l’extérieur se laissa descendre plus bas que le rebord opposé du dôme, le franchit et remonta à la surface dans une gerbe d’écume. Puis il gagna un poste libre dans le bruit assourdissant de ses réacteurs, malgré sa vitesse réduite. Avec cet appareil, cela faisait six hydroptères qui étaient amarrés dans le même secteur. Des équipes s’affairaient sur les jetées, aidant à l’accostage, chargeant ou déchargeant des marchandises que transportaient des files de chariots.


- Ils sont impressionnants, dit Brett.


Il tendait le cou pour mieux voir la proue de l’hydroptère le plus proche d’eux. Un ouvrier se trouvait là-haut, occupé à gratter distraitement la pellicule d’algues fines qui recouvraient les défenses relevées.


- Viens, dit Scudi d’une voix un peu plus forte que nécessaire. Je vais te faire monter à bord de l’un d’eux. Kareen veut que je te montre absolument tout.


Brett se rendit compte qu’elle avait dit cela à l’intention d’un Sirénien qui s’était arrêté au-dessous d’eux et qui les regardait en penchant la tête d’un air interrogatif. En entendant Scudi, il sourit puis s’éloigna. Brett se laissa guider jusqu’au bas de l’escalier.


- Pour les transports alimentaires, reprit Scudi, seul ce modèle de soixante-dix mètres est utilisé. Malgré sa taille, il atteint aisément quatre-vingts nœuds, un peu moins quand la mer est grosse. On m’a dit qu’il pouvait pousser jusqu’à cent nœuds avec une charge réduite.


Sans lui lâcher la main, elle guida Brett jusqu’aux jetées où étaient amarrés les hydroptères. De temps à autre, ils devaient s’écarter pour laisser passer des chariots pleins de marchandises. A la fin, ils croisèrent un groupe de six ouvriers en combinaison blanche. L’un d’eux poussait un chariot couvert d’une bâche.


- Une équipe de réparation, expliqua Scudi. Puis, s’adressant à celui qui marchait le premier : Ce bâtiment est en panne?

- C’est réparé, mademoiselle Wang. Juste un petit problème avec les inverseurs de poussée.


Tous les six s’étaient arrêtés pendant que le chef d’équipe répondait à Scudi. Ils se ressemblaient tous avec leur combinaison blanche. Ils ne portaient pas de badge pour les identifier.


- Est-ce que je peux faire monter notre invité à bord pour lui montrer l’appareil? demanda Scudi avec une moue qui suggérait, pensa Brett, celle d’une enfant gâtée. Puis elle ajouta : Je connais très bien ce modèle.

- Je n’en doute pas, mademoiselle, répondit le chef d’équipe. Mais faites attention. On vient de terminer le plein en vue d’un essai. Vous devrez quitter l’appareil d’ici une heure. On commencera alors à le charger.

- C’est magnifique, dit Scudi en tirant Brett par la manche. Nous l’aurons pour nous seuls. Tu vas pouvoir tout visiter. Merci! cria-t-elle en se retournant.


Le chef d’équipe lui fit un signe de main amical et poursuivit son chemin avec ses hommes.

Scudi se dirigea vers l’étroite passerelle qui grimpait vers la coupée située à mi-longueur de la coque. Brett la suivit dans une coursive éclairée par des tubes à intervalles réguliers. Elle lui fit signe d’attendre, passa la tête par le panneau d’entrée puis appuya sur un bouton à côté du panneau. On entendit un bourdonnement sourd et la passerelle rentra dans son logement. Le panneau étanche se referma avec un sifflement d’air.


- Vite! fit Scudi.


Une fois de plus, ils se mirent à courir dans une série de coursives et débouchèrent dans un entrepont plus vaste. Une échelle les fit émerger dans la salle de pilotage dont les hublots de plaz dominaient la proue.


- Prends l’autre siège, dit-elle.


Elle se glissa dans l’un des deux sièges de pilotage qui faisaient face à une série de commandes.


- Regarde bien comment il faut faire, dit-elle. C’est très simple.


Dès qu’elle s’était assise aux commandes, se dit Brett, elle était devenue une autre personne. Chacun de ses gestes était vif et précis.


- Et maintenant, ce bouton-là, fit-elle en enfonçant une pastille jaune.


Brett sentit le plancher vibrer sous ses pieds. Par un hublot de plaz, il vit plusieurs Siréniens qui travaillaient sur la jetée se tourner, étonnés, vers l’hydroptère.

Scudi mit le doigt sur le bouton rouge au-dessous duquel on lisait : « Amarres de quai.


Largage de détresse. » Elle enfonça le bouton et, aussitôt après, tira à fond vers elle un levier situé sur sa gauche. L’hydroptère commença à s’écarter du quai. En bas, les ouvriers couraient en faisant de grands signes vers leur cabine.


Avant qu’ils aient quitté tout à fait leur poste d’accostage, Scudi commença à remplir les ballasts. L’hydroptère s’enfonça en gîtant fortement à gauche. Scudi libéra un levier du plancher. Brett vit qu’il était articulé dans le plancher et se demanda à quoi il servait. De la main gauche, elle poussa l’autre levier à fond en avant. L’appareil piqua du nez en direction du rebord de la coupole. Quand ils passèrent dessous, Brett leva la tête pour voir l’épaisse barrière de plaz lumineux basculer vers l’arrière de l’appareil.

Dès qu’ils furent de l’autre côté, Scudi vida les ballasts en orientant la proue vers la surface. Brett se tourna et vit la coupole du hangar qui s’éloignait derrière eux. Il n’y avait pour le moment aucun signe de poursuite.

Brett ne pouvait se faire à la taille du bâtiment.


Soixante-dix mètres. C’est l’équivalent de dix coracles bout à bout!


- Regarde bien ce que je fais, répéta Scudi d’une voix impérative. Cela te servira peut-être.


Obéissant, Brett se tourna de nouveau vers les boutons, cadrans et manettes.


- Les statoréacteurs servent à la fois sous l’eau et à la surface, reprit-elle. Le dispositif de conservation du combustible réduit notre vitesse en immersion. Voici le régulateur… (Elle indiqua, entre leurs deux sièges, une manette basculante verrouillée par une mâchoire.) Il est dangereux de dépasser la vitesse réglée, mais c’est possible en cas de nécessité.


De sa main droite, elle poussa le levier à tribord puis le ramena doucement vers elle.


- C’est pour nous diriger, fit-elle. Si tu le tires vers toi, tu montes; si tu le pousses, tu descends.


Brett acquiesça d’un mouvement de tête.


- Là… poursuivit Scudi en indiquant une rangée d’instruments au sommet de la planche de bord… les indications sont marquées : débit du combustible en surface, ballast - plus lent qu’à bord d’un suba. Allumage. Alimentation en air en immersion. N’oublie jamais de la couper côté surface. Si le cockpit est fracturé, nous sommes éjectés automatiquement. L’éjection manuelle est commandée par cette manette rouge au centre.


Brett répondait par une série de grognements ou de mouvements de tête. Il était heureux que la plupart des cadrans soient identifiés clairement.

Scudi lui montra, au-dessus de leur front, un large écran quadrillé entouré d’une bordure noire en saillie.


- Tu peux te projeter des cartes là-dessus. C’est une chose que les Iliens essaient d’avoir depuis longtemps.

- Pourquoi n’en avons-nous pas?


Il savait de quoi il s’agissait. Les pêcheurs râlaient assez souvent à ce propos. Les Siréniens l’appelaient Steeran. C’était un système de navigation fondé sur la réception de signaux émis par des stations fixes au fond de l’océan.


- Trop compliqué et fort cher d’entretien, répondit Scudi. Vous ne disposez pas de l’infrastructure nécessaire.


Il avait déjà entendu ce refrain. Les Iliens n’y croyaient guère. Scudi, elle, paraissait convaincue.


- Surface, annonça-t-elle.


L’hydroptère émergea dans un grand creux de mer qui se souleva avec lui. L’eau retomba en cascade sur les hublots de plaz.

Brett porta vivement les mains à ses yeux. La soudaine clarté transformait ses orbites en deux brasiers ardents. Il se plia en deux avec un gémissement sourd.


- Ça ne va pas? demanda Scudi sans le regarder.


Elle était en train de sortir les foils de leur logement dans la coque et de donner toute la vitesse.


- Ce sont mes yeux, dit Brett. Ne t’inquiète pas.


Il cilla plusieurs fois, attendant de s’habituer. Les larmes coulaient sur ses joues.


- Parfait, dit-elle. Essaie de voir ce que je fais. Il vaut mieux se mettre parallèle aux vagues pour sortir les patins, puis les prendre de biais en accélérant. Dès que nous atteindrons le régime de croisière, je prendrai le cap. Regarde derrière toi et dis-moi si nous sommes poursuivis.


Il obéit et contempla leur sillage, soudain frappé par la vitesse à laquelle ils se déplaçaient déjà. Le gros hydroptère les avait d’abord secoués, puis leur course s’était stabilisée, ponctuée seulement par le sifflement aigu des statos et le balancement des foils qui bondissaient d’une crête à l’autre.


- Quatre-vingt-cinq nœuds, annonça Scudi. Ils sont derrière nous?

- Je ne vois rien.


Il s’essuya les yeux du revers de la main. La douleur avait presque disparu.


- Les instruments ne détectent rien non plus, fit Scudi. Ils doivent se rendre compte qu’ils n’ont aucune chance. Tous les autres hydros du hangar ont au moins un chargement partiel dans leur soute. Nous sommes à vide et nos réservoirs sont pleins.


Brett regarda de nouveau vers l’avant, clignant les yeux à cause de la réverbération.


- Le gonio est sur ta droite, poursuivit Scudi. Le panneau vert. Essaie de capter les signaux de Yashon.


Brett se tourna vers l’équipement gonio. Il vit tout de suite qu’il s’agissait d’un matériel beaucoup plus compliqué que celui dont Twisp lui avait enseigné l’usage, mais les indications sur les cadrans étaient claires et l’arc de fréquence immédiatement identifiable. La voix familière des transmissions de Vashon à la flottille de pêche grésilla dans le haut-parleur du plafond.


- C’est une bonne journée pour la pêche, les gars, et les cales vont se remplir. Ça grouille de murelles dans le quadrant 19.


Brett baissa un peu le volume sonore.


- Qu’est-ce que c’est que le quadrant 19? demanda Scudi.

- C’est la position d’un secteur par rapport à


Yashon.


- Mais l’île se déplace tout le temps!

- Les murelles aussi, c’est la seule chose qui compte.


Brett tourna les boutons, s’aligna sur le signal et lut les coordonnées.


- Voilà ton cap, dit-il en indiquant le cadran au-dessus du gonio. C’est par rapport au soleil ou au compas?

- Au compas.

- La distance Doppler indiquée est de cinq cent quatre-vingt-dix cliques. Ce n’est pas la porte à côté!

- Un peu plus de sept heures. Nous avons dix heures d’autonomie. Nous pourrions régénérer notre hydrogène à partir de l’eau de mer, mais cela nous immobiliserait et nous ferions une cible facile s’ils décidaient de nous poursuivre ou de nous arrêter à partir d’une autre station.

- Ils peuvent le faire?

- Je suis sûre qu’ils essaieront. Il y a quatre avant-postes sur notre route.

- Il nous faudrait plus de combustible.

- Sans compter leurs moyens de détection sous la mer.

- On pourrait essayer de rejoindre une autre île.

- J’ai vu les derniers relevés hier dans la salle des courants. Vashon est la plus proche à cinq cents cliques près.

- Si j’émettais sur la fréquence de détresse? Nous pourrions leur dire tout ce que nous savons. Puisque, de toute manière, nous devons les avertir.

- Et que savons-nous? demanda Scudi en réglant la manette des gaz.


L’hydroptère fit une légère embardée tandis que ses patins glissaient sur une haute lame.


- Nous savons qu’ils retiennent le Juge Suprême contre son gré. Nous savons que des milliers d’Iliens sont morts.

- Et les soupçons du juge ?

- C’est vrai que ce ne sont que des soupçons. Mais tu ne crois pas qu’il mérite d’être entendu?

- S’il ne s’est pas trompé, as-tu réfléchi à ce qu’il risque au cas où les Iliens exigeraient son retour?

- Ils le tueraient? demanda Brett, la gorge soudain nouée.

- Il semble qu’il y ait quelque part des tueurs en liberté. Guemes en est la preuve.

- Et l’ambassadrice Ale?

- Je suis en train de penser, Brett, que Lonfinn et Hastings la surveillent peut-être pour qu’elle ne fasse rien qui puisse leur nuire. Mon père était immensément riche. Il m’a souvent dit que cela créait du danger pour tout son entourage.

- Et si j’appelais simplement Vashon pour dire que je suis vivant et… Non, ajouta-t-il en secouant la tête. S’ils sont à l’écoute, ils…

- Et tu peux être sûr qu’ils sont à l’écoute, fit Scudi.

- Ce serait exactement comme si nous leur déballions toute l’histoire. Qu’allons-nous faire?

- Je crois qu’il vaut mieux aller directement à la Station de Lancement, dit-elle, plutôt qu’au Poste 22.

- Mais le juge Keel croit que…

- S’ils l’obligent à parler, ils nous chercheront dans la mauvaise direction.

- Pourquoi la Station de Lancement?

- Parce que nous sommes sûrs qu’elle n’est aux mains d’aucun groupe politique en particulier. Elle représente l’accomplissement d’un rêve collectif : aller chercher les caissons hyber laissés par Nef en orbite.


- Un rêve Sirénien.


- Oui, mais de tous les Siréniens. Là-bas, nous raconterons notre histoire et tout le monde nous écoutera. Tout le monde saura ce qu’un petit groupe est peut-être en train de faire.


Brett regardait droit devant lui. Il se disait qu’il aurait dû se sentir joyeux d’avoir pu s’échapper. Il se trouvait à bord du plus gros bâtiment qu’il eût jamais vu, glissant sur la crête des vagues à plus de quatre-vingts nœuds, plus vite qu’il avait jamais été de sa vie. Mais trop d’inconnues le harcelaient. Le juge Keel se défiait des Siréniens. Scudi était une Sirénienne. Lui disait-elle toute la vérité? Quand elle l’empêchait d’utiliser la radio, était-ce bien pour les raisons qu’elle indiquait? Il la regarda pensivement. Quelle autre raison aurait-elle pu avoir de l’aider à s’enfuir?


- J’ai réfléchi, dit alors Scudi. S’ils n’ont pas de nouvelles de toi, tes parents vont être fous d’inquiétude. Et ton ami Twisp également. Appelle Vashon. Nous nous débrouillerons bien. Peut-être que mes soupçons sont idiots.


Il vit sa gorge se contracter et se souvint des larmes qui avaient coulé sur sa joue quand elle avait vu les cadavres amoncelés des Iliens.


- Non, fit-il; j’appellerai Vashon quand nous serons en sécurité à la station.


De nouveau, il contempla l’océan devant eux. Les deux soleils faisaient miroiter des ondes de chaleur à la surface. Quand il était bien plus jeune et qu’il restait des heures à rêver au bord de l’eau, ces vapeurs créaient pour lui toutes sortes d’images. Des serpents de mer au corps ondulant et aux longues moustaches, des murelles géantes, des coprophages dodus. Aujourd’hui, ce n’était plus que la chaleur des soleils réfléchie par la surface des eaux. Il sentait cette chaleur sur ses joues, sur ses bras. Il imagina Twisp, adossé à l’arrière de son coracle, tenant la barre d’une main, les yeux mi-clos, son torse poilu offert aux rayons des soleils.


- De quel côté est cette station? demanda-t-il. Elle leva le bras pour tourner un bouton cranté sous l’écran qui dominait le tableau de bord. A côté du bouton, un petit clavier alphanumérique s’illumina de l’intérieur. Elle fit courir son doigt sur HF-i puis LB-1. L’indication : 141,2 clignota sur l’écran et un faisceau de lignes évasées à foyer unique s’afficha en surimpression. Un point vert lumineux dansait dans la partie la plus évasée du faisceau. Scudi le désigna du doigt.


- Ça, c’est nous, dit-elle. Puis elle montra la base du faisceau en ajoutant : Nous nous rendons ici, en suivant le cap cent quarante et un virgule deux.


Elle indiqua un cadran avec une flèche rouge sur le tableau de bord. La flèche indiquait 141,2.


- Et c’est tout? demanda Brett.

- Comment, c’est tout? fit Scudi en souriant. Il y a des centaines de stations émettrices sur toute la planète. Cela nécessite d’énormes installations de fabrication et d’entretien. Tout cela pour que nous puissions rejoindre notre point de destination sans erreur.


Brett leva les yeux vers l’écran. Le faisceau de lignes avait pivoté jusqu’à ce que le point vert soit centré sur son cap. L’indication 141,2, clignotait toujours dans le coin inférieur gauche de l’écran.


- Si un changement de cap est nécessaire, expliqua Scudi, un avertisseur retentira et les nouvelles coordonnées seront affichées. Le Steeran est réglé sur LB-1.


Brett contempla rêveusement l’océan qui les entourait, et les gerbes d’écume soulevées par les foils. Il songeait à ce que représenterait un tel dispositif pour la flottille de pêche de Vashon. Le soleil le brûlait à travers le plaz, mais il se sentait bien. L’air riche de l’océan pénétrait à pleines bouffées par le système de ventilation. Scudi Wang était à ses côtés et, tout d’un coup, Pandore n’était plus l’ennemie qu’il avait toujours imaginé. Même si c’était une planète mortelle, elle avait sa part de beauté.


L'effet Lazare
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