Tandis que Lycus et sa petite troupe entraient dans le carré, les officiers montés entourant Blade se tournèrent vers lui, attendant son ordre de repousser les Samostains et de les mettre en pièces. Blade ne donna pas cet ordre. Il attendait.
Au bout d'un moment il leva un bras et hurla à toute la Garde de cesser le combat. Ahuris, les hommes ensanglantés et couverts de sueur obéirent. Et regardèrent Blade sans comprendre.
Lycus aussi, son épée ruisselante, sa cuirasse bosselée et son panache coupé net par un javelot, abaissa son bras et considéra Blade avec stupéfaction.
— Que veux-tu encore? Tu as eu le dessus. Je me trompais, je ne croyais pas que ta Garde se battrait si bien. Pourquoi cesses-tu le combat? J'ai perdu, je suis déshonoré, je n'aspire plus qu'à la mort. Alors qu'attends-tu? Jamais je ne me rendrai!
Blade remarqua que le carré s'était refermé et que les autres Samostains battaient précipitamment en retraite. Edyrn revint, et Blade lui donna de nouveaux ordres.
— Ces hommes sont prisonniers jusqu'à ce que je me ravise. Aucun homme ne doit les attaquer. Veille à ce que tous le comprennent.
Blade mit pied à terre et marcha vers Lycus qui se tenait au milieu du groupe de soldats qui l'avaient suivi dans le carré. Il leva une main pour parlementer. Lycus, saignant d'une longue estafilade à la joue, le toisa d'un air méprisant.
— Tu veux parler, Blade, alors que tu nous as si bien pris au piège? J'avais tort. Tu n'es pas un démon mais un imbécile. La première règle de la guerre...
Blade le fit taire d'un geste. Ignorant Lycus, il s'adressa à ses soldats Samostains.
— Je suis Richard Blade. La plupart d'entre vous connaissent mon défi à votre chef Hectoris, mais pour ceux qui ne l'auraient pas entendu, je vais le répéter. Ecoutez bien et souvenez-vous, car j'ai l'intention de vous libérer, en vous laissant votre honneur et vos armes, et de vous renvoyer à Hectoris afin que vous puissiez lui rappeler mes paroles. Voici mon défi :
« J'affronterai Hectoris sur la plage. D'homme à homme, en combat singulier. Je serai armé de mon épée et de mon bouclier, rien de plus. Quant à Hectoris, il pourra être à cheval et porter toutes les armes qu'il voudra, épée, lance, masse d'armes, arc et flèches, je m'en moque. Je lui laisse ce choix immense parce que je ne le considère pas comme un vrai guerrier et que je sais que je peux le vaincre. »
Lycus se retourna vivement vers ses hommes.
— N'écoutez pas ce Blade! Je vous ordonne de mourir avec moi!
Blade ne dit rien. La Garde attendait et pendant quelques instants un grand silence plana sur le champ de bataille.