Blade sourit.
— Tu es mal placé pour parler de Juna, prêtre. Mais garde ta main. Il y a d'autres méthodes. Mais auparavant... Vas-tu parler? Je veux savoir tout ce que tu caches dans ta vilaine petite carcasse. Tout! Les plans d'Hectoris, le nombre de ses hommes et de ses bateaux, ses lieux de débarquement et, surtout, quelle intrigue tu es venu ourdir pour lui au palais.
Une brève lueur passa dans les yeux de Ptol. Blade tourna les talons et sortit en déclarant :
— Je te donne cinq minutes, prêtre.
Il en fallut dix à Blade pour procéder à ses préparatifs. Quand il revint au cachot, Ptol n'était pas plus disposé à parler. A son grand amusement, il lui proposa même un marché.
— Nous devrions être amis. Je suis venu apporter une proposition extrêmement honorable et flatteuse du grand Hectoris. Il a entendu parler de toi et te veut pour ami et compagnon d'armes, zézaya Ptol, puis il considéra amèrement son moignon et ajouta : Je te pardonnerai ça, Blade. Viens chez nous. Patmos est condamnée, et tu ne peux la sauver. Le roi et la reine ont déclaré la guerre à Izmia et se sont réfugiés à Thyrne où Hectoris règne à présent. Ils...
— Et Juna, prêtre?
Ptol commit une erreur. Il sourit d'un air sournois et répondit sur un ton venimeux :
— Elle a été prise en otage, naturellement.
Blade fronça les sourcils.
— Quelle valeur peut-elle avoir comme otage?
Il y avait de la lubricité dans les yeux porcins de Ptol. Il hocha la tête, et un filet de salive coula du coin de sa petite bouche charnue.
— Nous avons beaucoup d'espions, à Patmos comme à Thyrne. Il y en avait un dans le groupe que tu as conduit à travers les marais salants, Blade. Nous avons appris que la déesse Juna, ou Vilja si tu préfères, a beaucoup d'affection pour toi. Et toi pour elle. Le bruit court que vous avez couché ensemble et qu'on vous a vus.
— Mensonge! gronda Blade.
— Nous ne le pensons pas. Mais peu importe. Il y a Izmia, et elle est la grand-mère de Juna. Encore une corde à notre arc. Est-ce qu'elle laisserait écarteler, dépecer et jeter aux chiens sa petite-fille? Car c'est ce qui risque de lui arriver.
Blade se caressa la barbe.
— Tu connais mal Izmia, dit-il. Je crois que c'est justement ce qu'elle ferait. Mais assez parlé. Je t'ai donné ta chance. Emmenez-le, gardes.