— Son nom est Ptol, monseigneur. Nous l'avons surpris alors qu'il tentait de s'introduire dans Cybar déguisé en Gris.
Blade éclata de rire. Ptol! Par le cul doré de Juna, comme aurait dit Nob! Le gros petit prêtre zézayant en personne. Il avait cherché à pénétrer dans la capitale de Patmos. Sa destination devait être le palais, Blade en était sûr. Pour une nouvelle trahison. Blade se demanda comment il pourrait l'empêcher. Que pourrait-il, avec Edyrn, Nob et une poignée de soldats contre une horde barbare, contre les redoutables combattants d'Hectoris? Blade avait assisté à la chute de Thyrne, il savait de quoi étaient capables les Samostains.
— Où est ce Ptol? demanda-t-il.
Edyrn sourit.
— Non loin d'ici, monseigneur. Près de notre poste de guet. Allons-nous le voir maintenant?
— Je tiens moins à le voir qu'à l'entendre, Edyrn, répliqua sombrement Blade. Il zézaie et il postillonne, mais je crois qu'il aurait bien des choses à nous dire.
Ils marchèrent un moment en silence, entre les champs de loti.
— Il est arrogant, monseigneur, dit enfin Edyrn. Il sait que je ne suis qu'un capitaine et il exige constamment d'être conduit devant un officier supérieur.
— Vraiment? Eh bien, nous allons essayer de le satisfaire. Je crois pouvoir arranger ça.
Edyrn alla se placer à la tête de la petite troupe. Blade se laissa distancer, préférant être seul. Nob, en voyant son expression, jugea préférable de le laisser tranquille.
Blade se réveilla en éprouvant une sensation de chaleur, dans une vaste grotte souterraine où un feu semblait projeter des ombres dansantes. Le sol paraissait trembler, il percevait un sourd grondement lointain et il sentait parfois dans le parfum d'encens une âcre odeur de fumée et de cendre volcanique. C'était certainement un rêve, un cauchemar. Et pourtant.
Une femme surgit de l'ombre et vint se pencher sur lui. Une géante, aussi grande que lui, entièrement nue à part un vague pagne. Ses cheveux étaient d'argent pur, et ses yeux écartés des torches d'ambre luisant dans un visage d'une telle beauté, aux traits si parfaits que Blade fut de plus en plus certain de rêver. Pareille beauté ne pouvait exister dans le monde réel, et n'y existerait jamais. Les yeux fermés, ou presque, il l'observa entre ses cils et vit sa peau scintiller en paraissant changer de couleur tandis qu'elle s'approchait. Il ne parvenait pas à décrire sa couleur ... fauve, basanée, jaune, sombre? Peu importait. Tout cela à la fois, et pourtant aucune de ces couleurs, et quand elle se pencha, quand les seins d'un contour idéal effleurèrent la poitrine de Blade, il crut distinguer un éclat pâle et pendant un instant elle lui parut incandescente.