Les trompettes samostaines sonnèrent dans l'air humide et brumeux. Le ciel se couvrait rapidement de gros nuages noirs et le vent se levait. Blade se dit que la bataille devrait être violente et brève. Il devait arriver à la plage avant que la tempête éclate dans toute sa fureur, sinon tous ses projets seraient compromis.

La cavalerie de Lycus resserra ses rangs et se plaça en formation de charge. Blade fut surpris. Il ne pensait pas que l'homme était un sot et pourtant une attaque de front dans ces circonstances était une folie. Ou Lycus était furieux et avait perdu son jugement, ou bien si arrogant qu'il pensait que ses cavaliers allaient rompre le carré par la seule force du nombre.

Blade donna des ordres aux frondeurs et aux archers, ces derniers devant tirer pardessus les deux rangs qui les précédaient.

Visez les chevaux, commanda-t-il. Les chevaux d'abord. Quand ils seront à pied, nous pourrons les réduire assez facilement.

Il s'adressa ensuite à ses officiers :

Nous représentons la réserve. Toute la réserve. S'ils rompent nos rangs, nous devrons nous hâter de colmater les brèches et de les repousser. Edyrn, s'ils opèrent une percée ailleurs, tu prendras la moitié des hommes et tu t'en occuperas.

Edyrn hocha la tête. Ils n'eurent pas le temps d'en dire plus. La première vague de cavalerie déferlait sur le carré avec une violence et un fracas qui submergèrent jusqu'aux pensées des défenseurs.

Sur les ordres de Blade, chaque piquier du premier rang avait creusé dans la terre un trou en diagonale et y avait enfoncé la hampe de sa pique. Ces armes, longues de quatre mètres et cruellement acérées, formaient un hérisson redoutable. Lancée au grand galop, la cavalerie du Lycus vint s'y embrocher.

Blade, dressé sur ses étriers, observa le carnage avec une amère satisfaction. Les frondeurs et les archers faisaient des ravages dans les rangs ennemis et concentraient maintenant leur tir mortel sur les Samostains démontés. Les chevaux de guerre, farouches et obéissants, jetèrent leur ventre contre les piques et furent étripés ou s'abattirent, les jarrets coupés. D'autres arrivaient derrière eux et se heurtaient à cette barrière d'animaux blessés et agonisants. La charge avait été brisée.

La Garde était maintenant gênée par son propre nombre dans un espace restreint. Blade fit cesser le tir des frondes et des arcs, de crainte que ses soldats s'entretuent, et envoya Edyrn au galop pour refermer la brèche pratiquée sur un des flancs. Il éperonna son noir pour se porter à la rencontre de Lycus qui, avec une trentaine d'hommes, était résolu à se tailler un chemin dans les rangs pour pénétrer le carré et aller vers une mort certaine. Une mort que Blade, à ce moment, n'avait aucune intention de lui donner.