Il gagna sa propre chambre souterraine, se jeta sur le lit et dormit comme un enfant. Quand Nob le réveilla, une demi-heure avant l'aube, Blade se sentit reposé, sûr de lui, prêt à tout ce que la journée pourrait lui réserver. Il s'assit sur le bord de son lit, se frotta les yeux et sourit au vieux sacripant borgne.

Nob lui tendit un bol de bouillon fumant et lui annonça que la contre-offensive s'était bien passée.

Une douzaine de chevaux capturés, mon maître, et une cinquantaine de Samostains tués. Nous n'avons perdu que vingt soldats de la Garde. Nous avons fait plus de cent prisonniers, mais je leur ai transmis votre message et je les ai libérés comme vous l'avez ordonné. Ils vont retourner vers les plages et ils feront passer la consigne. J'en suis certain.

Blade avala son bouillon et fit signe à Nob de lui apporter sa cuirasse.

C'est bien, jusqu'à présent. Mais ça ne suffit pas. Toute l'armée samostaine doit être au courant du défi. As-tu mis au travail tes mendiants et tes voleurs?

Sûr, mon maître, et j'ai fabriqué des porte-voix avec du parchemin comme vous me l'avez expliqué, et mes vauriens sont tous là sur les plages, sur les falaises, partout, qui hurlent vos paroles à tous ceux qui pourraient débarquer. Faut dire, mon maître, ajouta Nob en se grattant la barbe, qu'au début j'étais pas trop d'accord, vu que j'avais jamais connu une bataille qui se gagnait avec des mots, mais maintenant j'ai dans l'idée que ça pourrait marcher. C'est rusé, y a pas, j'ai été soldat et je sais bien qu'un soldat n'a pas envie de mourir à moins d'y être obligé. Oui, ça devrait marcher.

Blade hocha lentement la tête.

Nous verrons. Si Hectoris est aussi vaniteux, aussi fier et aussi courageux qu'on le dit, alors oui, ça devrait marcher. Mais tu vois, Nob, il y a de l'ironie là-dedans. Si Hectoris est un lâche, nous sommes perdus.

Le jour se leva alors que Blade chevauchait vers le nord. Un soleil sanglant voilé de brume annonçait la tempête. Nob, à gauche de Blade qui avait Edyrn à sa droite, leva vers l'est son œil unique et grommela :

Un soleil comme ça, mon maître, ça ne veut dire qu'une chose, une sacrée bourrasque avant la nuit. Et les tempêtes sont terribles à Patmos. J'en ai subi une ou deux et je peux vous le dire.

Edyrn se tourna vers Blade et le confirma.

Il se peut qu'une tempête, si elle vient, travaille pour nous. Si la flotte samostaine est divisée et poussée à la côte en désordre, la Garde pourra probablement tenir tête aux envahisseurs.