Elle se débattit furieusement, comprenant trop tard qu'il ne s'était pas laissé abuser. Elle chercha à reprendre son rôle de déesse.

— Mensonges! Comment oses-tu me parler ainsi? Et pourquoi maintenant... alors que j'étais prête... que je te désirais...

Blade laissa aussi tomber le masque. Il la saisit par le poignet et la traîna brutalement vers le corps écartelé et le bâton d'ivoire. Quand il le ramassa, elle voulut le lui arracher. Blade l'éleva hors de sa portée et dévissa une des extrémités. A l'intérieur, il y avait un mince rouleau de parchemin. Il sourit largement.

— Ah! Maintenant nous allons peut-être connaître une vérité ou deux!

Juna cracha et se détourna. Il se mit à lire à haute voix :

A Izmia, Perle de Patmos, pour informer Ta Grâce Infinie que ma mission est presque terminée ici à Thyrne. Je dois maintenant songer à mon salut et à celui de mes fidèles, et te supplie de nous envoyer un navire à l'endroit qu'indiquera Tudd, le porteur de la présente. Je te conjure d'agir en toute hâte, car ici le danger est grand. Notre plan a réussi dans l'ensemble, en cela que j'ai provoqué la bataille entre Samosta et Thyrne, afin que toutes deux soient affaiblies, particulièrement Hecto- ris, et de gagner pour Patmos un temps précieux permettant de se préparer à l'invasion inévitable. Ptol me soupçonne, et cherche déjà à entrer dans les bonnes grâces d'Hectoris. Je sais que Ptol est traître à Thyrne mais ne puis le prouver et n'en ai plus le temps. O grande Perle de Patmos, j'ai rempli ma mission et t'implore de m'envoyer des secours au plus tôt. Ta tendre et dévouée Vilja.

— Eh bien! s'exclama Blade en lui brandissant le document sous le nez. Ptol avait donc raison, hein? Tu as bien trahi Thyrne!

Elle serra les dents et ses yeux fulgurèrent.

— Non! Je ne suis pas Thyrnienne, alors comment pourrais-je la trahir? Je ne l'ai jamais servie. Je suis de Patmos et ne sers qu'elle, et ma reine Izmia, Perle de Patmos.

Blade comprenait maintenant. Un agent provocateur, envoyé par Patmos pour fomenter la guerre entre Thyrne et Samosta. Il la considéra d'un air songeur, avec l'admiration d'un professionnel pour un autre. C'était après tout son propre métier.

— Une espionne, railla-t-il dans l'espoir de provoquer sa colère et de la faire parler inconsidérément. Une espionne posant à la déesse Juna pour conspirer et pousser Thyrne et Samosta à la bataille afin que le vrai vainqueur soit Patmos. Astucieuse fille. Et rusée Izmia, qui que ce soit.