Un vague plan se dessinait dans sa tête; il n'avait certes pas l'intention de laisser ces créatures torturer une fille sans défense. Il la sauverait s'il le pouvait et, si elle avait des amis puissants, des ressources, tout irait bien. Il avait besoin de s'insinuer dans les cercles du pouvoir, et il ne se voyait guère tenter sa chance avec succès auprès d Hectoris et de sa horde barbare. Même si cette Juna, la déesse vivante que l'on s'apprêtait à éliminer si cruellement, ne détenait aucun pouvoir réel, elle était tout de même femme, elle avait un cerveau que Blade pourrait sonder. Qui plus qu'une déesse connaissait les rouages internes, les labyrinthes de la politique dans la Dimension X?

Il avança plus prudemment. Il entendait maintenant les deux prêtres qui parlaient, tandis qu'ils descendaient par une rampe dans une vaste salle centrale. Des dizaines de torches flambaient contre les murs et au plafond, projetant une lueur rougeoyante et fumeuse. Blade s'abrita derrière une rangée de statues de pierre, abandonnées aux ombres et à l'oubli. De précédentes Junas, des déesses qui ne régnaient plus.

Au centre de la salle se dressait un trône. Une fille y était assise, maintenue par des chaînes d'or. La Juna actuelle. La fille la plus belle que Blade avait jamais vue. Elle était entièrement nue, avec des chaînes aux poignets et aux chevilles, et une autre, plus lourde encore, autour de la taille. Il y avait du défi dans son expression, de l'orgueil et une terreur qu'elle ne pouvait entièrement dissimuler. Autour d'elle, en cercle, comme des vautours attendant leur repas, s'alignaient une douzaine de prêtres en robe noire. Chacun portait un masque d'or. Quand Ptol et Zox apparurent, un murmure courut parmi eux.

Tapi dans l'ombre, Blade calcula ses chances. Aucun des prêtres n'était visiblement armé, mais ils pouvaient cacher quelque poignard sous leur robe. Il s'allongea à plat ventre entre deux statues et attendit. La fille ne paraissait pas courir un danger immédiat. Il devrait sans doute y avoir un simulacre de jugement. Il se prépara à écouter et à apprendre, car la moindre miette d'information serait un trésor pour un homme dans sa situation, et en attendant il examina la vaste salle et ce qu'elle contenait.

De toute évidence, c'était une chambre de torture. Blade ne reconnaissait pas tous les instruments, mais beaucoup lui étaient familiers; le chevalet, la roue, les brodequins, la Vierge de Fer, et une énorme sellette sur laquelle brûlait un feu de charbon de bois. Au milieu du brasier il y avait un casque semblable à ceux des prêtres, mais plus grand et en acier. Il ne devait pas être sur le feu depuis longtemps car il commençait à peine à rougir. Au bord de la sellette, il y avait une longue pince.

Richard Blade n'était pas sujet aux excès de compassion. Il avait mené une existence rude dans une profession dangereuse, et ses incursions dans la Dimension X l'avaient encore endurci.