Blade sourit, puis il se mit à rire joyeusement. Nob, tout grossier qu'il fût, voleur et assassin sorti du ruisseau, était comme une bouffée d'air frais dans cette atmosphère écœurante de Patmos.
— Nob! cria-t-il. Nob, vieux brigand! C'est moi qui te croyais mort, je t'ai vu tomber sous les sabots des chevaux, plus soucieux de ton trésor que de ta vie! Sacré Nob, écume de la terre. C'est bon de te revoir!
Il entra pour aller serrer la main du sacripant, non sans avoir surpris le petit sourire satisfait de 610. Ainsi ce n'était pas une coïncidence. On avait intentionnellement réuni Nob et lui. Mais qui? Et pourquoi?
Juna?
Ils se serrèrent la main, et Blade en profita pour réaffirmer sa force et son autorité. Nob ne céda pas aisément, mais il finit par grimacer.
— Assez, mon maître, assez! Vous allez me démolir la patte, et je ne pourrai pas vous servir. Vous êtes le plus fort, je le reconnais.
La porte se referma sans bruit derrière eux. Nob se pencha vers Blade, tout près, en se massant la main, et désigna du regard la boîte à musique près du plafond.
— Attention, chuchota-t-il. Ça paraît innocent et j'aime bien la musique, mais ils s'en servent aussi pour écouter. Je ne sais pas comment ils font, mais les courants d'air leur portent nos voix. On peut chuchoter, tout de même. Ça ne risque trop rien.
Blade hocha la tête. Il regarda Nob au fond de son unique œil gris et vit qu'il était clair, vif et plus malicieux que jamais. On n'avait pas encore gavé Nob de penthe.
Nob dut deviner sa pensée, car il souffla :
— Est-ce que vous avez apporté à manger, Blade?
Il se frotta le ventre et jura quand Blade secoua la tête. — Moi, je pourrais manger... Et il mentionna Juna de la manière la plus indélicate qui soit.
La chambre de la prison était bien aménagée; il y avait un secrétaire, tout ce qu'il fallait pour écrire, et Blade crut avoir trouvé la solution du problème de communication. Mais Nob lui ôta vite cet espoir.
— J'ai jamais point appris mes lettres, monseigneur. Le vieux Nob n'a jamais eu le temps pour ces fantaisies, il était bien trop occupé à garder son ventre plein.
Blade leva les yeux vers la boîte à musique. Ils ne pouvaient pas chuchoter perpétuellement, cela éveillerait des soupçons. Puis il se rappela que la porte n'était pas verrouillée et maudit sa sottise. Mais aussi, c'était une prison tellement insensée qu'on en perdait la raison. Il poussa Nob vers la porte. Ils n'avaient qu'à se promener dans les jardins, s'ils voulaient converser.
Personne ne tenta de les retenir quand ils sortirent et s'engagèrent entre les pelouses et les massifs fleuris. Dès qu'ils furent loin de toute oreille indiscrète, Blade fit parler Nob.