Blade ne dit rien. Il était tout prêt à accueillir une tempête avec joie, mais seulement après avoir affronté Hectoris. Il ne servait à rien de tuer les petits serpents si on laissait s'échapper le gros.

Il montait un superbe étalon noir ferré de bronze et caparaçonné d'écarlate. Nob lui- même avait tué l'officier à qui il appartenait et avait immédiatement mis la monture de côté pour Blade. Edyrn avait un gris pommelé, et Nob une jument d'une taille impressionnante. Les autres chevaux capturés avaient été partagés entre les officiers de la Garde.

A trois kilomètres au sud de la rade le terrain commença à descendre vers la mer. Il n'y avait là ni falaises ni obstacles naturels mais une sorte de cuvette aboutissant à de longues plages de sable fin. C'était un lieu idéal pour un débarquement, et Blade l'avait volontairement laissé sans défense, en calculant que ses autres fortifications, réelles ou factices, feraient suffisamment impression pour que l'assaut se porte sur la Rade du Nord. La baie, avec ses plages magnifiques, était le chenal qu'il avait choisi pour y attirer les Samostains. Il était vrai qu'il n'avait pas prévu la tempête, et que la rade offrirait à la flotte d'invasion plus de protection qu'il n'aurait voulu lui offrir, mais on ne pouvait pas tout avoir. Quoi qu'il en soit, cela n'avait pas grande importance. S'il ne pouvait pas provoquer Hectoris en combat singulier, aucune tempête, rien au monde ne sauverait Patmos.

Nob n'avait qu'un œil mais la vue perçante. Il indiqua un nuage de poussière à l'horizon.

— De la cavalerie, mon maître. Ils ont débarqué une nouvelle unité.

Blade leva le bras, et la colonne fit halte. Il avait emmené un tiers de ses réserves du camp près du volcan, et les soldats se déployaient derrière lui en colonne par quatre sur près d'un kilomètre. Il cligna des yeux vers les assaillants.

Combien en comptes-tu, Nob? demanda- t-il.

Ce fut Edyrn qui répondit :

Une centaine de cavaliers, monseigneur. Et ils nous ont vus.

Blade hocha la tête et donna des ordres. Quatre des officiers montés galopèrent vers l'arrière le long de la colonne. Les autres, avec Nob et Edyrn, se groupèrent autour de Blade. L'étalon noir, sentant le combat, se mit à piaffer nerveusement. Blade le calma d'une pression des genoux et d'une main sur l'encolure, et dit à Nob :

Ils vont passer à l'attaque. Il fallait s'y attendre. Si nous nous comportons bien, nous leur imposerons le respect. Mais tu vas t'esquiver et aller voir ce qui se passe sur les plages de la rade. Vois comment progresse notre guerre des mots, car si nous voulons avoir une chance de gagner il nous faudra atteindre les plages avant qu'Hectoris débarque en force. Pars immédiatement.

Nob fronça les sourcils et protesta.