Il se leva, et contempla à droite et à gauche l'étendue de la plage. Rien n'y bougeait, les sables s'étendaient des deux côtés dans une désolation totale, on n'entendait même pas de cris d'oiseaux de mer, seulement les gémissements du vent et le fracas des vagues.

« ... celui qui a été envoyé mais qui n'est pas parti... »

Edyrn revint avec la fille. Elle portait une cape de pourpre sur un simple fourreau blanc, et des sandales lacées haut. Ses dames d'atours l'avaient baignée et coiffée en tressant des rubans dans ses cheveux. Blade avait vu les gros coffres de cuir portés par ses serviteurs et les avait autorisés parce que les eunuques n'étaient bons à rien d'autre. Nous avons des fanfreluches et des rubans, pensa-t-il amèrement, des onguents et des fards, mais pas d'armes, pas de provisions et pas de combattants.

Il s'inclina solennellement, la figure impassible, et déclara :

— Je suis heureux que vous vous soyez ravisée, Juna. A moins que vous n'ayez un miroir, après tout? Elle rougit, et ses lèvres sensuelles se pincèrent, mais les grands yeux violets ne cillèrent pas. Edyrn, qui ne comprenait pas, les regarda à tour de rôle d'un air perplexe. Blade s'adressa à lui.

— Retourne au camp, petit. Mets les eunuques au travail, qu'ils rassemblent des roseaux dans le marais. Et que toutes les femmes se mettent au travail aussi pour fabriquer un grand filet. Tu les surveilleras, et tu veilleras à ce que ce soit bien un filet, pas une passoire. Je compte trouver le travail bien avancé à mon retour. Nous aurons peut-être bientôt de quoi nous rassasier. Allez, va.

— Je préfère qu'il reste, dit Juna sur un ton hautain. Il n'est pas bon qu'une déesse reste seule avec un inconnu.

— Va, petit, répéta Blade.

Edyrn partit précipitamment. Blade et la fille s'observèrent un moment en silence. Ce fut elle qui le rompit.

— Vous m'avez mandée, Richard Blade. Me voici, contre mon jugement. Que voulez-vous de moi?

— Une conversation. Parler de diverses choses. En particulier de votre mémoire courte. Je ne comprends pas votre attitude. Sans moi vous seriez morte, ou une sorte de monstre sans visage aspirant à la mort. J'ai couru de grands risques pour votre bande de bons à rien et de castrés. Vous me devez la vie, Juna. Je ne demande aucune reconnaissance mais au moins un peu de courtoisie et de coopération. Vous m'évitez, et vous ne m'accordez ni l'une ni l'autre. Pourquoi?

Le vent souleva la cape de pourpre. Le fourreau était largement décolleté, et Blade put voir ses seins presque dénudés. Elle surprit son regard et resserra son vêtement contre elle.