Il ne laissa pas le temps au prêtre de se ressaisir, de ranimer son courage ou d'inventer des mensonges. Il rassembla aussitôt en conseil tous les officiers. Il invita Izmia, comme il se devait, mais elle ne vint pas, et il en fut heureux. Il se proposait de se servir d’Edyrn comme agent de liaison entre elle et lui.
Le conseil dura plusieurs heures, et Blade n'accorda à personne le moindre répit, à Ptol moins qu'à tout autre. Quand il fut satisfait, et il avait de bonnes raisons de l'être, il ordonna de faire soigner le moignon du prêtre et de le traiter aussi bien que possible, tant qu'il se tiendrait tranquille. Il devait être mis sous bonne garde. Enfin il les congédia tous, à part Edyrn et Nob, qui n'avait pas été convié à la réunion de ses supérieurs mais était venu quand même et s'était tenu près de Blade, avec l'air nerveux et impatient d'un homme qui a quelque chose d'important à annoncer.
Pendant qu'Edyrn rassemblait une masse de parchemins et de plans et les rangeait dans un sac de cuir, Nob attira Blade à l'écart et lui chuchota :
— Elle vous prie de venir cette nuit, monseigneur, quand vous aurez fini vos affaires. Elle vous attendra dans la grotte de musique. Elle vous demande de venir seul.
— Et où est cette grotte de musique? Comment vais-je la trouver?
Nob cligna de son œil unique.
— Mon Ina, la petite Grise que vous connaissez, mon maître, elle vous y conduira. J'ai tout arrangé.
Blade sourit et lui dit avant de le congédier :
— Prends garde à ne pas t'attirer d'ennuis. Et ne perds pas de temps. Je t'ai chargé des mendiants et des tire-laine, et tu sais ce que tu as à faire. J'attends des résultats. Si je ne les obtiens pas et si j'apprends que c'est à cause de ton goût pour les femmes, ça ira mal pour toi.
— Pour sûr, mon maître, marmonna précipitamment Nob tandis qu'Edyrn s'approchait avec son sac. Je comprends. Faut pas douter du vieux Nob, c'est toujours le travail avant le plaisir, allez.
— Bon, alors va. Tes mendiants et tes voleurs sont mon seul réseau d'espionnage. Je compte sur eux.
Lorsque Nob fut parti, Edyrn s'inclina et demanda :
— Etes-vous prêt, messire Blade? Je vais vous montrer ce que vous désirez voir.
— Je suis prêt. Tu dis que c'est une longue marche? Cela me va, Edyrn. Nous aurons le temps de causer.
Ils sortirent des souterrains et suivirent un chemin de lave concassée. Au bout d'un moment, Blade se retourna vers le volcan. Il vit un reflet rougeoyant, comme si des flammes s'agitaient dans les entrailles du cratère, et fut certain de distinguer la silhouette d'une grande femme.