Poète devant toi Tu vois des ossements Où il n’y en a pas. Mais le temps d’arriver Ils sont là avant nous.
Hali Ekel Correspondance
Hali étudia avec soin les moniteurs reliés à Waela. Bien qu’ils fussent depuis longtemps côté jour, elle paraissait profondément endormie dans le hamac tendu au milieu du poste périphérique aménagé pour elle. Son abdomen était une colline hérissée d’instruments. Il n’y avait pas de porte mais une simple tenture pour l’isoler du reste de l’agrarium dont ce secteur faisait partie.
Ce n’est pas un sommeil normal, se dit Hali.
La respiration de Waela était trop légère par rapport à la passivité de son corps. Tout se passait comme si elle se trouvait plongée dans un état voisin de l’hybernation. Quelles étaient les conséquences pour le fœtus ?
Le poste était légèrement plus grand qu’une cabine normale. Hali y avait installé une petite table roulante sur laquelle était posé l’écran du moniteur. Chaque fonction vitale de Waela était visualisée sous la forme d’une courbe ondulante dotée de tops synchrones. Un groupe de tracés secondaires donnaient les mêmes informations sur l’enfant que portait Waela. Un simple bouton permettait de superposer les deux séries de courbes.
Hali écoutait le top depuis au moins une heure. Waela avait accepté sans rien dire de s’installer dans ce recoin de l’agrarium. Elle obéissait aux moindres suggestions que lui faisait Hali avec une passivité de somnambule. Elle ne manifestait quelque énergie que lorsqu’elle venait de se nourrir à une neftétine, ce qui rendait Hali de plus en plus perplexe. Si rares étaient les gens qui recevaient encore l’élixir que la plupart des Neftiles avaient pris l’habitude d’ignorer totalement les neftétines quand ils passaient devant elles dans les coursives, interprétant cet état de choses comme une manifestation du déplaisir de Nef. De fait, la présence aux assemblées de Vénefration n’avait jamais atteint de tels niveaux.
Mais pourquoi Waela était-elle nourrie par Nef?
Pendant que Waela tirait sur la neftétine de l’agrarium, Hali avait essayé d’obtenir de l’élixir à la même station. Impossible. Pourquoi, Nef?
Elle n’eut pas de réponse. Nef ne communiquait pas facilement depuis qu’elle était revenue de la crucifixion de Yeschuah.
Les tracés du moniteur étaient encore confondus. La mère et l’enfant émettaient des pulsations synchrones. A ce moment précis, Waela ouvrit les yeux. Mais son regard était fixe, dirigé vers le plafond. Ses lèvres remuèrent :
— Vole avec nous vers Jésus.
Pendant qu’elle disait cela, les tracés synchrones se séparèrent et Waela ferma les yeux pour sombrer de nouveau dans la géographie de son mystérieux sommeil.
Hali contemplait, sidérée, la femme endormie. Elle avait prononcé «Jésus» exactement de la même manière que Nef. Ni Yeschuah ni Rhéssous, mais Geai-Zhu.
Waela avait-elle accompli aussi l’étrange pèlerinage à la Colline des Crânes? Hali ne le pensait pas. Je saurais reconnaître les signes. Elle était trop marquée elle-même par son séjour au Golgotha.
Mes yeux ont vieilli.
Il y avait aussi une quiétude nouvelle dans ses manières, un désir de partager ce qu’elle savait avec quelqu’un d’autre. Mais elle vivait avec la certitude que personne ne pourrait jamais comprendre… personne… excepté peut-être Kerro Panille.
Elle contempla le ventre gonflé de Waela.
Pourquoi avait-il procréé avec cette… cette femme plus âgée?
Vole avec nous vers Jésus ?
N’était-ce rien de plus que du délire? Mais dans ce cas, pourquoi Geai-Zhu ?
Un profond sentiment de malaise s’installa en elle. Elle se servit de son diagnoskit pour appeler Nefcentral et demander à être remplacée auprès du moniteur. On lui envoya immédiatement une remplaçante, une jeune interne appartenant aux natalis et nommée Latina. Elle portait à la hanche l’indispensable diagnoskit vert et haletait comme si elle avait couru.
— Pourquoi êtes-vous si pressée ? lui demanda Hali.
— Ferry vous fait dire qu’il veut vous voir immédiatement au Poste de Vénefration N° 9.
— Il aurait pu m’appeler, dit Hali en tapotant son diagnoskit.
— Oui… c’est-à-dire… il m’a simplement demandé de vous faire la commission.
Hali rassembla ses affaires en hochant la tête. Son diagnoskit et son enregistreur allaient de soi, ils faisaient presque physiquement partie d’elle-même. Elle expliqua brièvement à Latina ce qu’il fallait faire, annota le registre des pulsations synchrones et sortit tête baissée sans écarter la tenture.
L’agrarium était le théâtre d’une intense activité côté jour. Il y avait une récolte en cours. Hali se fraya un chemin parmi les travailleurs en mouvement et trouva un servo qui se dirigeait vers le cœur. Arrivée à l’Ancienne Coque, elle emprunta la glissière qui descendait vers Central et la quitta à hauteur de la coursive qui menait au Poste de Vénefration N° 9.
Le chiffre rouge clignotait quand elle ouvrit le panneau ovale et se glissa dans la lumière bleutée de la salle. Elle n’aperçut Ferry nulle part, mais elle vit une trentaine d’enfants âgés de cinq à sept annos assis les jambes croisées autour du foyer holo de la Vénefration. La projection holo leur montrait un homme vêtu de neflon blanc qui gisait à même le sol en se cachant les yeux des deux» mains. Il avait peur, ou il souffrait.
— Quelle est la leçon, mes enfants?
La voix qui posait cette question était neutre et impersonnelle. C’était la voix habituelle des programmes éducatifs de Nef.
L’un des garçons montra du doigt un camarade assis à côté de lui et dit :
— Il voudrait savoir d’où vient le nom de l’homme.
Le personnage du foyer holo se releva, l’air étourdi, et une main apparut pour le soutenir. Le champ holo s’élargit, révélant le propriétaire de la main. C’était un autre homme vêtu d’une longue robe de couleur beige. A côté de lui, farouche et plein de fougue, dansait un grand cheval blanc.
Les enfants retenaient leur souffle tandis que le cheval caracolait et piaffait, entrant et sortant plusieurs fois du champ holo. Ils applaudirent quand l’homme en robe brune réussit à le maîtriser.
Hali se dirigea vers un divan de Vénefration d’où elle pouvait suivre le spectacle et se laissa tomber sur les coussins. Elle chercha de nouveau Ferry du regard. Pas le moindre signe de lui. Typique, ça. Il lui faisait dire de se dépêcher, et quand elle arrivait, il n’était plus là.
Aucun des personnages du foyer holo ne parlait, mais une voix s’éleva au bout d’un moment dans une langue étrange. Etrange et cependant combien familière! Hali avait l’impression qu’elle pouvait presque la comprendre… comme si elle l’avait déjà parlée en rêve. Elle enfonça la touche traduction du boîtier de commande situé à côté d’elle, et la voix résonna de nouveau : «Saul! Saul! Pourquoi me persécutes-tu ?»
Cette voix! Où l’avait-elle déjà entendue ?
Le personnage vêtu de blanc avait toujours les mains sur les yeux, et la plus grande partie de son visage était dissimulée. Il roula sur lui-même puis se leva, le dos tourné vers Hali. Elle vit qu’il ne portait pas une combinaison de neflon, comme elle l’avait cru tout d’abord, mais une robe blanche qui s’était drapée autour de ses longues jambes. L’homme fit deux pas chancelants en arrière et retomba en criant :
— Qui es-tu donc ?
— Je suis Yeschuah, résonna la voix de tout à l’heure. Yeschuah que tu persécutes… il est dur pour toi de ruer contre les aiguillons.
Hali retenait son souffle. Yeschuah! Rhéssous… Geai-Zhu!
Le foyer holo s’éteignit et les lumières de la Vénefration emplirent la salle de leur clarté dorée. Hali s’aperçut qu’elle était la seule adulte présente. C’était une séance réservée aux jeunes enfants. Pourquoi Ferry lui avait-il donné rendez-vous ici?
Un des enfants assis par terre s’adressa à elle.
— Sais-tu d’où vient le nom de cet homme ?
— C’est un mélange de deux anciennes cultures côté Terre, dit-elle. Pourquoi regardiez-vous ce programme ?
— Nef a dit que c’était la leçon d’aujourd’hui. Au début, on voyait cet homme à cheval. Il galopait très vite. Est-ce que nous avons des chevaux en hyber ?
— D’après le manifeste, oui; mais nous n’avons pas de place pour eux, pour l’instant.
— J’aimerais monter à cheval, un jour.
— Que t’a appris la leçon d’aujourd’hui? voulut savoir Hali.
— Nef est partout, a été partout, a tout vu et tout fait, répondit gravement le petit garçon. Les autres hochèrent la tête en signe d’approbation.
Est-ce pour cela que tu m’as montré Yeschuah, Nef?
Pas de réponse. Elle n’en attendait pas, du reste.
Je n’ai pas su apprendre ma leçon. Quel qu’ait été l’enseignement de Nef… j’ai échoué.
Désemparée, elle se leva et se rapprocha du garçon qui lui avait adressé la parole. Pourquoi n’y avait-il aucun adulte avec ces enfants ? La séance leur était réservée, mais qui dirigeait leur Vénefration ?
— Le Dr Ferry n’est pas venu? demanda-t-elle.
— Il était là, mais quelqu’un l’a appelé, lui dit une petite fille assise au dernier rang. Est-ce que c’est bien de quitter ainsi la Vénefration ?
— Seulement quand il s’agit des affaires de Nef, lui répondit Hali. L’excuse sonnait creux, mais la petite fille l’accepta.
Brusquement, Hali se détourna et gagna la sortie, non sans entendre la question posée par la fillette : «Mais qui va nous expliquer la leçon d’aujourd’hui ?»
Pas moi, ma petite. J’ai ma propre leçon à apprendre.
Il y avait quelque chose qui n’allait pas côté nef. L’étrange grossesse de Waela n’était qu’un symptôme parmi de nombreux autres. Hali courut dans la coursive côté cœur qui débouchait du secteur de la Vénefration, trouva un panneau de service et le défit. Elle s’introduisit dans la gaine mal éclairée et rampa jusqu’au conduit plus large qu’elle emprunta jusqu’à la Mnefmothèque, où elle ressortit par une autre trappe de service. Il y avait du monde dans le secteur des Archives. Un groupe d’adolescents était en train d’apprendre à manipuler des matériels complexes. Elle trouva cependant sa travée, entre les casiers de stockage, déserte comme d’habitude. Personne n’occupait non plus le pupitre derrière lequel était dissimulée la petite cabine d’enseignement que fréquentait naguère Kerro.
Elle fit jouer le panneau secret et s’introduisit dans le labo baigné d’une pâle lumière rosée. Elle s’assit aussitôt devant le pupitre tandis que la porte se refermait sans bruit derrière elle. Elle était essoufflée de s’être tant pressée, mais ne supportait plus d’attendre. Par où commencer? Le vocodeur? Le foyer holo?
Elle se mordilla la lèvre. On ne pouvait rien cacher à Nef. La leçon donnée aux enfants reflétait la réalité. Hali n’en doutait aucunement.
Je n’ai même pas besoin de tout cet équipement pour m’adresser à Nef.
Alors, à quoi servait cette cabine secrète?
— La plupart trouvent cela moins déroutant que lorsque je m’adresse à eux directement dans leur esprit.
C’était la voix douce de Nef qui sortait du vocodeur situé juste en face d’elle. Pour une raison quelconque, les inflexions tranquilles et rationnelles eurent le don de la rendre furieuse.
— Tu joues avec nous comme avec des petits chats! Que se passera-t-il quand nous deviendrons agaçants ?
— Comment pourriez-vous devenir agaçants ?
— En perdant notre respect pour Nef, dit Hali spontanément. Il n’y eut pas de réponse.
Cela fit passer la colère de Hali. Elle demeura silencieuse durant quelques instants, puis reprit :
— Qui es-tu, Nef?
— Qui? Ce n’est pas tout à fait le mot qui convient, Hali. Je vivais déjà dans la pensée des premiers humains. Il a fallu du temps pour que les événements voulus se produisent, mais rien d’autre que du temps.
— Que respectes-tu, Nef?
— Je respecte la conscience qui m’a portée à votre connaissance. Le respect que je ressens se manifeste par ma décision de m’immiscer aussi peu que possible dans cette conscience.
— Est-ce de cette manière que je suis censée te respecter, Nef?
— Tu crois que tu serais capable de t’immiscer dans ma conscience, Hali?
Elle laissa échapper une longue expiration.
— J’interviens trop, n’est-ce pas.
C’était plus une constatation qu’une question. Avec une soudaine sensation de défaillance, comme si cette prise de conscience était due à une simple passivité de sa part et non à l’exercice de sa volonté, Hali comprit la leçon de la Colline des Crânes.
— Le résultat de trop d’interventions, murmura-t-elle.
— Tu me fais plaisir, Hali. Tu me fais plaisir autant que Kerro Panille a jamais su le faire.
— Hali!
C’était la voix de Ferry qui hurlait dans le haut-parleur de son diagnoskit.
— Au poste de Soins, immédiatement!
Elle se retrouva de l’autre côté du panneau secret, au milieu de la travée de stockage, avant de s’être rendu compte qu’elle avait quitté Nef en plein milieu de la conversation. Nef s’adressait individuellement à un nombre très restreint de personnes, et elle avait eu l’impudence de s’éclipser ainsi! Mais au moment même où cette pensée lui traversait l’esprit, Hali sourit intérieurement. Il était impossible de quitter Nef!
Ferry l’attendait à l’entrée principale du Poste de Soins. Il portait la combinaison bleue généralement utilisée côté sol et tenait sous le bras une autre combinaison identique. 11 tendit celle-ci sans mot dire à Hali, qui remarqua que les casques amovibles étaient du modèle renforcé, utilisé pour les vols dangereux.
Elle prit la combinaison des mains du vieil homme, qui semblait dans un état d’agitation extrême. Son visage était congestionné et ses mains tremblantes. Le tissu de la combinaison était rugueux au toucher, si différent du neflon dont elle avait l’habitude. Par contraste, le casque avec son capuchon paraissait glissant.
— Qu’est-ce que… qu’est-ce qu’il se passe? demanda-t-elle.
— Il faut faire partir Waela d’ici. Murdoch veut la tuer.
Il fallut à Hali quelques battements pour accepter l’importance de ces paroles. Puis le doute l’envahit. Qu’est-ce qui pouvait pousser ce vieil homme terrorisé à se dresser contre Murdoch ? Et par suite contre Oakes ?
— Pourquoi nous aideriez-vous ? demanda-t-elle.
— Ils m’ont rétrogradé. Ils m’envoient côté sol, à Lab I. Hali connaissait les rumeurs qui circulaient sur Lab I. Les recherches sur les clones avaient toujours donné naissance à d’effroyables légendes. Et de fait, le vieux Ferry était visiblement épouvanté. Savait-il quelque chose de particulier sur les activités de Lab I ?
— Nous n’avons pas beaucoup de temps, dit-il.
— Mais comment… pourrions-nous leur échapper?
— Je vous en prie! Mettez ce costume et venez m’aider. Elle se glissa dans le scaphandre sans ôter sa combinaison de neflon. Elle se sentait particulièrement lourde dans ce vêtement et agrafa avec peine le capuchon de son casque tandis que Ferry la poussait vers l’intérieur du Poste.
— Avant qu’ils soupçonnent quoi que ce soit, nous ne serons plus là, dît-il. Il y a une navette qui part dans quatre minutes du Poste d’Accostage N° 8. Elle transporte du matériel. Personne à bord, elle est entièrement automatique.
Ils se trouvaient maintenant face à une alcôve du Poste de Soins. Ferry écarta le rideau et Hali retint une exclamation de surprise. Waela était étendue sur une table roulante, revêtue d’un scaphandre côté sol au capuchon déjà baissé sur son iront. Son abdomen était rebondi sous le tissu bleu luisant. Comment Ferry avait-il pu la transporter jusqu’ici?
— C’est Murdoch qui l’a fait amener ici dès que vous avez été remplacée, expliqua Ferry. En haletant, il poussa la table roulante pour la faire sortir de l’alcôve. Hali s’apprêta à débrancher les cordons du moniteur.
— Pas maintenant! murmura vivement Ferry. Le bio-ordinateur interpréterait cela comme quelque chose d’anormal.
Hali recula d’un pas. Evidemment… elle aurait dû y penser.
— Branchez votre diagnoskit, à présent, reprit Ferry. Ils croiront que nous la transportons ailleurs pour lui faire d’autres examens.
Il releva le capuchon de Waela, le dissimula sous sa tête et la couvrit entièrement d’une couverture grise. Elle s’agita légèrement quand il lui souleva la tête.
— Que lui ont-ils donné? demanda Hali.
— Un sédatif quelconque, je suppose.
Hali regarda son costume, puis celui de Ferry.
— Dès que quelqu’un nous verra accoutrés de cette manière, il se doutera de quelque chose.
— Pas si nous avons l’air de savoir ce que nous faisons. Waela sursauta soudain dans son sommeil. Elle murmura quelque chose d’incompréhensible, ouvrit les yeux et dit : «Maintenant. Maintenant…» Puis elle retomba dans l’inconscience.
— N’ayez pas peur, je suis là, murmura Hali.
— Vous êtes prête ? demanda Ferry en agrippant le bord de la table roulante.
Elle acquiesça d’un mouvement de tête.
— Débranchez-la.
Elle arracha les connexions du moniteur et ils poussèrent Waela dans le couloir aussi rapidement qu’ils le purent.
Poste d’Accostage N° 8, se dit Hali. Quatre minutes. Ils pouvaient y arriver s’ils n’étaient pas trop retardés en route.
Elle vit que Ferry guidait la table roulante vers la coursive extérieure qui conduisait aux postes d’accostage. Le choix lui sembla bon.
Ils avaient fait une douzaine de pas quand le diagnoskit bourdonna :
— Ekel au Poste de Soins! Ekel au Poste de Soins!
Elle estima qu’ils avaient deux cents mètres à parcourir pour arriver au poste d’embarquement. Pas question d’emprunter un tube de transport. Si Murdoch était un tueur, si elle l’avait sous-estimé, ils seraient fous de se mettre ainsi à sa merci. D’un geste, il pouvait neutraliser le système de transport et les faire aboutir juste devant sa porte.
Les roues du chariot grinçaient et cela agaçait Hali. Ferry haletait sous l’effort. Les rares Neftiles qu’ils croisaient s’écartaient vivement pour les laisser passer, jugeant sans doute qu’il s’agissait d’un cas très grave.
Le diagnoskit bourdonna de nouveau : «On demande Ekel de toute urgence au Poste de Soins!»
Ils tournèrent à toute allure dans la coursive qui desservait les postes d’embarquement et faillirent renverser le chariot. Ferry agrippa d’une main Waela pour l’empêcher de glisser.
Hali l’aida à la remettre en place sans s’arrêter de pousser vers le N° 8. Ils venaient de dépasser le N° 5 et le 8 était déjà visible au bout de la coursive.
Ferry, tout en courant, mit soudain la main sous l’épaule de Waela et en retira un objet qui avait attiré son regard. Hali le vit devenir pâle.
— Qu’est-ce que c’est ? demanda-t-elle.
Il lui montra l’objet. C’était un petit cylindre argenté à l’aspect inquiétant.
— Un traceur, haleta Ferry.
— Où était-il?
— Murdoch a dû essayer de le lui faire avaler, mais il n’est pas resté assez longtemps pour s’assurer qu’il était bien en place. Elle l’a probablement recraché.
— Mais…
— Ils savent où nous sommes. Le bio-ordinateur peut le détecter à travers son corps, naturellement, mais il peut aussi le localiser n’importe où dans Nef.
Hali le lui prit vivement des mains et le lança derrière elle de toutes ses forces.
— Quelques secondes, c’est tout ce qu’il nous faut!
— Vous n’irez pas plus loin, Ekel!
C’était la voix perçante de Murdoch. Hali se figea presque en le voyant déboucher du Poste 8 à quelques mètres de Ferry. Quelque chose brillait dans sa main. Elle comprit qu’il s’agissait d’un bistouri laser et qu’il pouvait très bien l’utiliser comme arme. A pleine puissance, ce truc-là pouvait sectionner une jambe à dix mètres!