De même qu’un ouvrier doit apprendre à manipuler ses outils, on peut apprendre à manipuler les autres pour leur faire créer ce que l’on désire. Mais le processus devient mille fois plus efficace lorsqu’on est en mesure de créer l’ouvrier spécialement adapté à la tâche qu’on lui réserve.
Morgan Oakes Carnets

Tout en sachant que côté sol deviendrait tôt ou tard leur domicile permanent à tous, Legata Hamill ne pouvait s’empêcher de détester ces missions de messagère que lui confiait Morgan Oakes. Pourtant, elles s’accompagnaient d’une indéniable aura de puissance. La fonction lui ouvrait toutes les portes. La plupart du temps, les gardes la laissaient passer sans rien lui demander. Elle savait qu’ils voyaient en elle le bras de Morgan Oakes  : petite créature au teint pâle et aux cheveux d’ébène exsudant la féminité par tous ses pores. Créature d’autant plus puissante et dangereuse qu’elle se faisait désirer par le Boss.

Chaque tournée d’inspection qu’elle effectuait pour le compte de Morgan Oakes était créatrice de tension.

Cette fois-ci, elle avait pour mission d’inspecter Lab I à la Colonie. Elle devait rapporter à Oakes un enregistrement holo complet.


— N’ayez pas peur de pénétrer en profondeur, lui avait-il dit. La manière dont il prononçait le mot «pénétrer» avait une résonance indiscutablement sexuelle.


C’était la première fois qu’elle allait visiter l’intérieur de Lab I et cela seul avait déjà de quoi exciter sa curiosité. Louis avait placé ici son homme de confiance, Sy Murdoch. Elle devait le rencontrer. Habituellement, on pouvait trouver Louis dans l’annexe de plastacier poli à laquelle on accédait par un long souterrain muni d’un triple sas de sécurité. Mais pas aujourd’hui. Louis ne communique plus. Etrange manière, pour Morgan Oakes, de formuler cela. Et il paraissait particulièrement contrarié par la chose.

— Débrouillez-vous pour savoir où il peut bien être, et ce qu’il fabrique!

Les deux soleils étaient dans le ciel quand la navette s’était posée sur Pandore. Tous les dispositifs de sécurité étaient en place pour l’accueillir. Elle avait quitté aussitôt l’aire d’atterrissage pour grimper dans un servorapide qui l’avait déposée à l’entrée du souterrain. Les hommes de la Colonie paraissaient énervés aujourd’hui. Elle crut comprendre que les démons de la périphérie leur avaient encore créé des difficultés.

Elle frissonna malgré elle. Chaque fois qu’elle pensait aux prédateurs qui hantaient la planète au-delà de l’enceinte de la Colonie, elle avait la même réaction d’appréhension instinctive.

Murdoch l’accueillit en personne dans le hall brillamment éclairé et grouillant d’activité qui se trouvait juste derrière le troisième sas. Il était de corpulence massive et de teint clair. Ses yeux étaient d’un bleu limpide et ses cheveux châtains étaient coupés ras. Il avait de gros doigts courts aux ongles impeccables. Il donnait l’impression de prendre un soin extrême de sa personne.

— Qu’est-ce que c’est, cette fois-ci  ? lui demanda-t-il.

Elle apprécia l’absence de préambule. Ce ton énergique signifiait  : Nous sommes très occupés. Dites-moi tout de suite ce que désire Oakes. Elle répondit sur le même mode  :

— Où est Louis  ?

Il jeta un regard autour de lui pour voir si quelqu’un pouvait les entendre. Il n’y avait aucun technicien à proximité. Il murmura  :

— Au Blockhaus.

— Pourquoi ne répond-il pas à nos appels  ?

— Je n’en sais rien.

— Que disait son dernier message  ?

— Quarantaine de sécurité. Communications coupées. Atterrissage interdit dans toute la zone jusqu’à nouvel ordre.

Quarantaine de sécurité. Legata absorba lentement la nouvelle. Que se passait-il donc de l’autre côté des eaux  ?

— Est-ce que le Dr Oakes a été prévenu  ?

— Le signal codé imposait le secret absolu.

Elle commençait à comprendre. Aucun moyen de communication entre la Colonie et Nef ne pouvait satisfaire à cette restriction. Mais cela, c’était déjà vieux de deux diurnes entières. Elle avait l’impression que ce dernier message du Blockhaus contenait une autre restriction à usage interne, dirigée contre les propres protégés de Louis. Il ne servait à rien d’essayer d’approfondir le problème, mais elle sentait qu’il y avait quelque chose.

— Avez-vous essayé une reconnaissance aérienne  ?

— Non.

Ainsi, la quarantaine l’interdisait aussi. Cela devait être sérieux… très sérieux. Mais tant pis. Elle avait une mission à remplir.

— Je suis venue inspecter le labo.

— Je le sais.

Pendant qu’ils parlaient, Murdoch n’avait cessé de la dévisager. Les ordres du Boss étaient extrêmement précis. Elle avait le droit d’aller où elle voulait excepté dans la Chambre des Lamentations. Cela viendrait un peu plus tard pour elle… comme pour tout le monde ici. Elle n’était pas mal du tout  : une Vénus miniature au visage de poupée et aux yeux verts. Et son cerveau n’était pas mal non plus, du reste.

— Puisque vous le savez, allons-y tout de suite, fit-elle.

— Par ici.

Il la précéda dans un corridor bordé de bacs contenant des matrices de clonage primaires et conduisant aux salles de microtraitement.

Au début, Legata n’éprouva pour tout ce qu’elle voyait qu’un intérêt purement intellectuel, et elle s’en félicitait. A un moment, Murdoch lui prit même la main pour la conduire dans une section où étaient rangées des matrices de clonage destinées à des applications spéciales. Il était si bien lancé dans son exposé des techniques et des appareillages qu’elle accepta le contact sans rien dire. Il était neutre, ou du moins inintentionnel. De toute manière, ce n’étaient pas les sentiments qui pouvaient inspirer Murdoch, elle en était certaine.

Il connaissait Lab I mieux que personne, à l’exception, bien sûr, de Jésus Louis, et c’était la première fois qu’elle pénétrait dans cette section.

— … mais j’ai fini par accepter leur réalité, était en train de dire Murdoch, et elle avait complètement perdu le fil, absorbée qu’elle était par un fœtus inachevé aux proportions disparates qui flottait derrière une paroi de plaz transparent.

— Excusez-moi, fit-elle en se tournant vers lui. Vous disiez? Je ne vous ai pas très bien suivi… c’est qu’il y a tant de choses à voir ici.

— Des kilomètres de plastacier, de bacs et de liquides. Des pseudo-corps et des pseudo-cerveaux… Il gesticulait de frustration.

Elle se rendit compte que Murdoch était particulièrement excité et elle en fut contrariée. Elle aurait voulu lui poser des questions sur cet étrange fœtus qui flottait derrière le verre au plasma, mais elle crut bon de s’en abstenir.

— Ainsi, vous avez accepté… tout ça, fit-elle en soupirant. Et alors  ?

— Nous créons des êtres; nous les concevons, nous les nourrissons à l’état de fœtus, nous les faisons naître, nous les envoyons parfois côté nef pour qu’ils soient éduqués. Et vous ne trouvez pas cela étrange  ? Que nous ne puissions pas avoir aussi des naissances naturelles côté sol  ?

— Les décisions de Nef ont toujours un motif. C’est pour le bien de…

— C’est pour le bien de tous les Neftiles, oui, je sais. On me l’a répété aussi souvent qu’à vous. Seulement, il ne s’agit pas d’une décision de Nef. Cela ne figure nulle part dans les archives. Même vous, qui êtes notre meilleure Spécialiste des Données, à ce que l’on m’a dit, vous ne pourrez trouver la moindre trace d’une décision ordonnant que toutes les naissances aient lieu obligatoirement côté nef. Pas la moindre trace, je vous dis.

Sans savoir comment, Legata eut la certitude qu’il venait de répéter mot pour mot des paroles déjà prononcées par Louis. Ce n’était pas ainsi que Murdoch s’exprimait habituellement. Mais pourquoi était-elle censée entendre ces choses-là  ? Y avait-il un rapport avec le projet que caressait Oakes d’éliminer la puissante corporation des natalis qui régnait côté nef  ?

— Nous devons Vénefrer, dit-elle. Et quelle meilleure preuve de Vénefration pourrions-nous donner que de confier nos enfants à Nef? Il me semble que c’est normal.

— C’est normal, oui, c’est logique; mais ce n’est pas un commandement absolu. Et cela limite inutilement le travail que nous accomplissons dans ce laboratoire. Alors que nous pourrions…

— Devenir les maîtres de la planète  ? D’après Morgan, nous y parviendrons de toute manière un jour.

Qu’il prenne ça dans les gencives. Morgan. Ni le Boss, ni le Dr Oakes.

Murdoch lui lâcha la main et ses joues devinrent pâles.


Il sait que nous sommes enregistrés, se dit-elle. Je lui ai coupé tous ses effets.


Elle songea soudain que Murdoch s’était peut-être mis en peine pour un autre spectateur  : Morgan Oakes. A supposer que les événements qui avaient causé la mise en quarantaine du Blockhaus tournent mal pour Jésus Louis… il faudrait, bien sûr, lui trouver un remplaçant. Elle imaginait très bien Oakes en train de visionner le cylindre un peu plus tard côté nef. Mais elle n’en avait pas encore tout à fait fini avec Murdoch. Ce fut elle qui lui prit la main, cette fois-ci, en disant  :

— J’ai envie de voir la Pépinière.

C’était à demi vrai. Elle avait consulté les dossiers, que Morgan Oakes conservait en lieu sûr. Ils décrivaient en détail les multiples catégories de clones M élaborées ici à toutes sortes de fins pratiques. Et celles-ci paraissaient innombrables. Moins d’une douzaine de personnes côté nef étaient au courant de l’existence même de ces méthodes. Ici, à la Colonie, Lab I formait un complexe à part, à l’écart des autres bâtiments, enveloppé du mystère qu’évoquait son nom.


Lab I.


Quand on leur demandait quelles activités abritait Lab I, les gens répondaient généralement  : «Nef sait ce qu’ils font là», ou bien ils se lançaient dans de puériles histoires d’épouvante peuplées de savants difformes qui scrutaient avidement des cornues où bouillonnait rien de moins que le principe de toute vie.

Legata n’ignorait pas que Oakes et Louis faisaient tout pour encourager ces légendes, et qu’ils étaient eux-mêmes à l’origine de plusieurs rumeurs. Le résultat était que l’endroit jouissait d’une réputation infernale. Récemment, des protestations s’étaient élevées, par ces temps de pénurie, contre les contingents de vivres, jugés exagérés, qui avaient été attribués à Lab I. Pour les Colons comme pour les Neftiles, être affecté ici, c’était disparaître à jamais de la circulation. Le personnel de Lab I logeait à l’intérieur du complexe et, à quelques rares exceptions près, ne retournait jamais ni côté nef ni dans la Colonie proprement dite.

Toutes ces pensées entretenaient chez Legata une impression de doutes non résolus et elle dut se répéter pour se tranquilliser  : Je ne suis pas affectée ici. Non, cela ne risquait pas de se produire tant que Morgan Oakes rêverait de l’attirer nue dans son lit… pour la pénétrer.

Elle prit une profonde inspiration d’air tiède. Comme dans tous les autres bâtiments de la Colonie, les conditions de température et d’hygrométrie qui régnaient ici étaient identiques à celles de Nef. Mais depuis qu’elle se trouvait dans ce labo, elle ressentait une sorte de chair de poule, comme s’il faisait froid, et elle avait une boule au creux de l’estomac. De plus, elle avait l’impression que de multiples aiguilles rougies au feu prenaient pour cibles les pointes de ses seins, à l’endroit où elles se pressaient contre le tissu de sa combinaison uniforme. Elle s’empressa de dire pour masquer sa gêne  :

— Vos techniciens semblent tous âgés.

— Beaucoup d’entre eux travaillent ici depuis le début.

Il y avait une certaine réticence dans sa voix et elle le remarqua aussitôt, mais elle préférait aller doucement. Il ne servait à rien de le brusquer.

— On dirait… on dirait qu’ils sont encore plus vieux que ça. Qu’est-ce qui…

— Le taux de mortalité est plus élevé ici qu’à la Colonie, fit Murdoch. Le saviez-vous?

Elle secoua la tête d’un air sceptique. C’était un mensonge. Ce ne pouvait être vrai.

— C’est parce que nous sommes à la périphérie, expliqua Murdoch. Nous ne bénéficions pas des mêmes moyens de défense que les autres. Et si près des collines, les névragyls sont beaucoup plus nombreux.

Un incoercible frisson lui parcourut les bras. Les névragyls! Ces espèces de petits vers d’une vivacité incroyable étaient les plus redoutées de toutes les créatures de Pandore. Les névragyls avaient une affinité pour les cellules nerveuses et se frayaient lentement, implacablement un chemin le long des voies nerveuses du corps humain jusqu’à ce qu’ils arrivent au cerveau où ils s’enkystaient pour se reproduire.

— Ce n’est pas gai, fit Murdoch en observant sa réaction. Et les conditions de travail ici sont très lourdes, également. Mais ils le savaient depuis le début. Nos techniciens sont les plus motivés côté sol.

Elle observa, à travers une série de bacs en plazverre, un groupe de ces techniciens motivés. Us avaient tous le teint blême et le visage tendu. On ne les entendait ni rire ni plaisanter. L’oppression du silence n’était rompue que par le cliquetis des instruments, le bourdonnement des machines, la distance poignante entre les êtres.

Murdoch sourit soudain de toutes ses dents  :

— Vous vouliez voir la Pépinière, lui dit-il. Il fit un large geste du bras pour l’inviter à le suivre. Par ici, je vous prie, ajouta-t-il galamment.

Il la fit passer par un double sas, cette fois-ci, et ils se retrouvèrent dans ce qui semblait être un secteur réservé à l’éducation des jeunes clones M. Il y en avait plusieurs à proximité de l’entrée, mais ils battirent en retraite à l’approche de Murdoch.


Il leur fait peur, se dit Legata.


Il y avait une barrière circulaire à une extrémité de la salle, qui protégeait une autre entrée de sas.


— Qu’est-ce qu’il y a de l’autre côté  ? demanda-t-elle.


— Nous ne pourrons pas entrer là aujourd’hui. Ils sont en train de tout stériliser.


— Ah  ? Mais qu’y a-t-il à l’intérieur  ?


— Euh… c’est le cœur de la Pépinière. Je l’appelle la Chambre des Fleurs… Il se tourna vers un groupe de jeunes clones M qui les regardaient de loin… Voici quelques-uns des produits de la Chambre des Fleurs. Ils ont…

— Cette Chambre des Fleurs, elle porte un autre nom, n’est-ce pas  ?

Elle n’aimait pas sa manière de répondre. Trop évasive. Il mentait certainement.

Il se tourna vers elle et elle fut effrayée de voir la lueur qui s’était allumée dans son regard. Elle se sentait menacée. Il y avait là trop de culpabilité refoulée, trop de secrets sordides.


— Certains l’appellent la Chambre des Lamentations, dit-il. La Chambre des Lamentations  ?

— On ne peut pas y entrer  ?


— Pas aujourd’hui. Un autre jour, si vous voulez prendre rendez-vous  ?

Elle réprima un haut-le-cœur. De quelle manière il la regardait! Quelle lueur rapace dans ces yeux glacés!

— Je reviendrai une autre fois pour visiter votre… Chambre des Fleurs, dit-elle.


— J’y compte bien.


L'incident Jésus
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