Quatre jours plus tard : diplomatie
Wynter finit d'assurer l'extrémité de sa tente et
regarda dans la clairière, là où les guerriers d'Úlfnaor montaient
leurs abris. Christopher était allé du côté merron du camp, et
Wynter s'assit sur ses talons pour s'essuyer les mains. Elle le
regarda s'arrêter auprès de Sólmundr.
Les Merrons avaient laissé leurs tentes et
couchages luxueux au camp, échangeant le confort contre la
discrétion et la rapidité pour rattraper le temps perdu. Wynter ne
doutait pas que, en tant qu'émissaires diplomatiques de Marguerite
Shirken, l'un des voisins les plus puissants du royaume, on les
accueillerait avec tous les égards possibles au camp d'Albéron.
Mais jusque-là, toutefois, ce pauvre Sólmundr dormirait à même le
sol avec une simple toile de tente pour abri, et cela lui
coûtait.
Avachi contre un arbre, les yeux fermés, le
guerrier ne paraissait pas remarquer Christopher. Boro, lui, eut un
sourire baveux et se tourna sur le dos pour présenter son ventre.
Le battement de sa queue résonnait dans l'air calme du soir. Avec
quelques murmures idiots, Christopher s'accroupit et gratta le
chien derrière les oreilles. La langue de Boro se déroula comme un
drapeau, et le visage tendu de Sólmundr se plissa un instant dans
un charmant sourire édenté.
« Bonjour, Coinín », murmura-t-il.
Les fossettes au coin de la bouche de Christopher
firent une brève apparition.
Pendant un instant, les deux hommes regardèrent en
silence les Merrons affairés, puis Christopher soupira, flatta la
tête de Boro et se leva. Il dit quelque
chose, tête penchée, les pouces passés dans la ceinture de son
pantalon, et Sólmundr sourit, agitant la main comme pour dire
Plus tard, plus tard. Christopher hocha
la tête avec incertitude et s'éloigna. Sólmundr ferma de nouveau
les yeux et tourna la tête contre le tronc de l'arbre.
En rejoignant son côté du camp et en
s'accroupissant près de leur feu, Christopher garda la tête
baissée. Il remplit la bassine de cuivre au chaudron, sortit son
nécessaire de toilette et se prépara à se laver de ces quatre jours
de sueur et de crasse. Comme chaque fois que Christopher parlait à
Sól, il évitait le regard de Wynter et de Razi en revenant. Wynter
supposait qu'il se protégeait ainsi des reproches qu'il pourrait
lire dans les yeux de Razi.
De l'autre côté de la clairière, Hallvor
s'accroupit près de Sólmundr. Elle lui posa une question à
l'oreille, mais Sól se détourna sans répondre. Il garda les yeux
fermés et, au bout d'un moment, la guérisseuse se leva et le laissa
seul, dos à son peuple, le visage froissé de douleur.
Wynter observa Sólmundr, son chien triste allongé
à ses pieds. Elle se tourna vers Christopher, qui ôtait sa tunique
en silence, puis vers Razi. Il était à leur point d'attelage, et
s'occupait de son cheval, chacun de ses mouvements tendu
d'irritation, le visage sombre. Tout en lui criait N'approchez pas !, et Wynter hésita un
instant. Puis elle prit une grande inspiration et le
rejoignit.
Razi lui accorda un coup d'œil à son approche,
sans sourire, et continua ce qu'il faisait.
« Razi, dit-elle. Je voudrais que tu examines
Sólmundr. »
Razi tira brusquement la couverture de son cheval
et la jeta sur un buisson. « Il a déjà une guérisseuse.
— Je crois que c'est de toi qu'il a besoin. »
Sans répondre, Razi s'accroupit près de son
harnais et commença à dénouer les lanières de ses fontes. Wynter
passa sous le cou du cheval et s'approcha.
« Il souffre beaucoup, murmura-t-elle. Cela
ne t'a certainement pas échappé ? » Là non plus, il ne
répondit pas, et Wynter fixa le sommet de son crâne, dans l'espoir
qu'il la regarde. « J'ai peine à croire que tu puisses te
venger sur un homme blessé. »
Razi se figea. Lentement, il tourna la tête et son
expression chavira le cœur de Wynter. Ces quatre derniers jours,
Razi était resté plongé dans un silence opiniâtre ou, occupé par
les ordres et les plans, coléreux et distant. À présent, une
rage pure brillait dans ses yeux, et Wynter ne put s'empêcher de
reculer.
« Tu oses laisser
entendre que Sólmundr n'a pas participé à leur sacrifice ?
siffla-t-il. Tu vas me dire en face qu'il ne les a pas envoyés à
leur mort ?
— Non, Razi, je ne te dirai rien de
tel. »
Razi recommença à s'occuper de son matériel.
Wynter le regarda lutter contre les lanières, ses mains si agiles
rendues maladroites par la colère. Elle s'accroupit à côté de
lui.
« Razi, hasarda-t-elle. Je n'ai aucune envie
de défendre les Merrons. Ce qu'ils ont fait… je n'y comprends rien.
Mais tu es un homme bon. Tu es
docteur. Sólmundr a besoin de toi,
Razi. Cette négligence… tu es au-dessus de ça. »
Razi montra les dents. « Dame Protectrice,
vous n'avez aucune idée de ce dont je suis capable. J'en viens à
penser qu'il n'est rien, peut-être, dont je sois incapable. Si
j'étais un homme convenable, si j'étais un homme tout court, je…
mais je ne suis pas un homme, n'est-ce pas ? Je suis une
machine creuse ! Je suis un pantin d'État, et donc je ne fais
rien alors que je devrais agir, par habitude je
laisse… »
Soudain, Razi fouilla frénétiquement dans ses
fontes, à la recherche de ses brosses à étriller. Il éparpilla le
contenu de son sac, comme s'il ne les voyait et ne les sentait pas,
et, avec un élan de panique, Wynter se rendit compte qu'il
s'affolait. Elle lui posa une main protectrice sur son avant-bras.
Les puissants muscles sursautèrent sous sa paume comme si Razi
s'était de justesse retenu de l'écarter, puis il s'immobilisa tout
à fait, et fixa sans les voir les brosses qu'il tenait en
main.
En tant que dame Protectrice, Wynter savait
qu'elle aurait dû dire beaucoup de choses au seigneur Razi. Elle
aurait dû lui rappeler qu'ils avaient besoin de ces gens, qu'il ne
pouvait pas laisser sa rage le couper de ceux qui pouvaient l'aider
à accomplir son devoir, à garantir l'avenir du royaume de son père.
Elle aurait dû lui dire de revêtir son masque, de cacher sa douleur
et de se forcer à faire preuve d'une diplomatie rigide, comme ils
avaient tous appris à le faire dans leur enfance. En tant que dame
Protectrice, Wynter aurait dû dire au seigneur Razi d'arrêter de se
fâcher comme un novice sans éducation, de se redresser et de faire
un effort digne du prince qu'il était.
« Razi », insista-t-elle fermement en
serrant les doigts sur son bras.
Les yeux marron de Razi glissèrent rapidement sur
elle. Il attendit, son visage crispé, sa bouche serrée. Il savait
ce qu'elle voulait dire, mais Wynter comprit qu'elle ne pouvait pas
s'y résoudre. Elle ne pouvait pas être
davantage, ni moins, que l'amie de Razi.
« Razi », reprit-elle avec douceur. Elle
voulut écarter ses boucles trop longues de son visage, mais Razi
recula, hors d'atteinte, et elle laissa sa main retomber. « Je
suis désolée, murmura-t-elle. Vraiment, Razi, je suis
désolée. »
Quand Razi se détourna, toujours sans répondre,
Wynter n'ajouta rien ; elle resta accroupie à côté de lui, les
yeux pleins d'une compassion inutile. Comprenant finalement qu'il
ne la regarderait pas, elle se leva et retourna près du feu. Après
un long moment d'inactivité, Razi rassembla lentement ses
accessoires et alla étriller son cheval.
Christopher avait tout juste fini de se laver et
se séchait à côté du feu, nu comme un nouveau-né. Wynter rougit et
baissa les yeux. Elle n'était pas encore habituée à cette totale
impudeur. Tu ferais bien de t'y faire,
pensa-t-elle, tu t'es promise à lui à tout
jamais. Elle leva timidement les yeux vers lui et
s'accroupit près du feu pour préparer son nécessaire de toilette.
À tout jamais. Mon beau
Hadrish.
En vérité, elle était un peu jalouse de cette
absence de pudeur. Elle soupçonnait que les Merrons auraient à
peine cillé si elle avait ôté tous ses vêtements pour déambuler nue
parmi eux. Mais il n'était pas si facile de venir à bout de toute
une vie de conditionnement, et elle devrait garder maillot et
braies pour se savonner du mieux possible.
Les feux était un risque énorme, avec des Loups
dans les parages. Christopher avait été catastrophé quand Úlfnaor
avait insisté pour les allumer. Razi était simplement en colère.
C'était, selon lui, une terrible perte de temps. Fatiguée, Wynter
s'accroupit et ferma les yeux. Elle avait mal partout. Loups ou
pas, perte de temps ou non, ce serait agréable de se laver et de
boire du thé chaud. Ce serait merveilleux de ne plus bouger.
Wynter soupira, poussa la main à la base de son
ventre, et laissa sa chaleur soulager ses crampes. Ses règles
avaient commencé le jour où ils quittaient le camp, et venaient de
s'achever, Christ soit loué. Elle avait horreur de traiter avec
cette complication lorsqu'elle voyageait.
Des pas doux approchèrent, et Wynter leva les
yeux. Hallvor l'observait, grave. Un souvenir vivace passa dans
l'esprit de Wynter – cette grande femme brune entourée par les
flammes, Ashkr derrière elle, qui se tordait et hurlait pendant que
le feu dévorait ses cheveux. Avec un effort,
Wynter écarta ce souvenir et se redressa avec un simple air poli et
interrogateur. Christopher avait tout juste fini de lacer ses
braies, et il considéra la guérisseuse avec méfiance. Wynter avait
conscience que Razi revenait en les foudroyant du regard, brosses
en main. Hallvor s'inclina vers lui, mais sa politesse ne
recueillit pas de réponse.
Wynter se leva, ignorant délibérément son ami
furieux. « Bonsoir, Hallvor. »
Avec un sourire, la femme s'inclina de nouveau.
Elle posa une sorte de douce question. Par habitude, Wynter se
tourna vers Christopher, attendant qu'il traduise. Il s'était
immobilisé alors qu'il enfilait son maillot, et Wynter fut
stupéfaite de le voir rougir.
Oh, doux Jésu !
se dit-elle aussitôt en alerte. Quoi
encore ? Si le sujet était assez grave pour faire
rougir son Hadrish sans gêne jusqu'à la racine des cheveux, Wynter
était tout à fait certaine de ne pas vouloir en entendre
parler.
Hallvor hocha la tête à l'attention de Christopher
d'un air encourageant. Il baissa les yeux en laçant son maillot, et
son embarras faillit faire rire Wynter. Il garda le silence un
moment, et prit le temps de remonter ses manches jusqu'aux épaules.
Puis, sans les regarder, il marmonna quelques mots inaudibles, le
menton contre la poitrine, le visage à moitié détourné.
« Pardon ? demanda Wynter en s'avançant
légèrement, amusée malgré sa réticence intrigante. Je n'ai pas
entendu. »
Christopher rougit de plus belle, tiqua, sa gêne
se muant en irritation. Hallvor ajouta quelque chose, et
Christopher agita la main avec impatience, comme pour dire
Je sais, je sais, j'ai compris. Il
hésita. Puis il soupira, se redressa, stoïque.
« Hallvor dit qu'elle sait que c'est un peu
tard, et qu'elle regrette de ne pas l'avoir mentionné plus tôt.
Mais elle aimerait te proposer du thé de feuilles de mûrier pour
soulager tes douleurs de femme. »
Wynter se redressa et retira la main de son
ventre.
« Christopher ! cria-t-elle, mortifiée
de sentir son visage s'empourprer.
— Quoi ? demanda-t-il d'un ton
belliqueux.
— Par le ciel ! Ce n'est pas… un homme
ne… »
Christopher eut un rictus crispé. « C'est
juste du thé de feuilles de mûrier, ma jolie. Pour soulager
tes…
— Christopher ! Je refuse de parler de ces
choses à un homme ! Ça ne se fait pas !
— Je ne suis pas n'importe
quel homme ! » s'indigna-t-il. Mais son visage et son cou
étaient tachetés de rouge, il regardait ailleurs. Confuse, Hallvor
murmura quelques mots timides, et Wynter interrompit Christopher
avant qu'il puisse traduire davantage.
« Dis-lui que je n'ai pas besoin de son
thé ! » cria-t-elle. Elle-même se trouvait des airs de
mégère capricieuse. « Dis-lui que ce n'est pas convenable de parler de ces choses à un
homme ! »
Hallvor, l'air très mal à l'aise, commençait à
douter. Christopher gardait le dos raide, le visage tendu. Elle
sentait qu'il était choqué par ce manque inédit de diplomatie, et
quand il regarda Razi, elle se rendit compte, le cœur serré, de ce
que son ami pouvait ressentir. Depuis quatre jours, ils avaient été
unis pour prendre soin de leur compagnon, et maintenant elle
entendait presque Christopher songer : Oh, non, et maintenant c'est elle.
Christopher parla doucement en sudlandais, les
yeux posés sur Wynter. « Hallvor est simplement prévenante. Tu
n'imagines pas à quel point tu lui parais bizarre, Iseult, et elle
est attentionnée. Ce n'est pas sa faute si tu ne parles pas
merron.
— Laisse-la », avertit Razi. Sa voix profonde
eut un accent menaçant dans l'air du soir. « Elle ne veut pas
des décoctions de cette femme. »
Wynter fut surprise de voir un ressentiment tenace
apparaître sur le visage de Christopher. « Combien de temps
faudra-t-il à ces gens pour décider que tu n'en vaux pas la
peine ? Combien de temps s'écoulera avant qu'ils soient partis
lorsque nous nous réveillerons ? Et alors, que
t'arrivera-t-il ? Tu seras seule dans une forêt, poursuivie
par les Loups, voilà ce qui t'arrivera. » Il se tourna vers
Hallvor, avec une expression d'excuse.
« Christopher… » Wynter hésita un
instant, fixant les feuilles à ses pieds. « Pourrais-tu dire à
Hallvor que je n'ai pas besoin de son thé ? En revanche, il y
a des choses que j'aimerais rincer à la rivière, et j'adorerais me
baigner. Pourrais-tu lui demander… ? » Elle s'arrêta.
Attends un peu, pensa-t-elle.
Papa t'a mieux éduquée que cela. Elle
prit une grande inspiration, se redressa et regarda Hallvor en
face, pour s'adresser à elle directement.
« Hallvor, reprit-elle avec respect. Je te
remercie beaucoup pour ta proposition. » Elle s'inclina, et
Hallvor s'inclina avec grâce en réponse. « Je suis navrée de
ma réaction infantile. Là d'où je viens, les femmes sont très… très
réservées. Je n'ai pas l'habitude de parler de manière si directe.
Je n'ai pas besoin de ton thé, Hallvor, mais merci beaucoup de ta
bonté. Toutefois, j'aimerais me rendre à la rivière et laver mes
vêtements. Si les femmes se rendaient là-bas,
j'aimerais les accompagner. Je pourrais vous aider à trouver de la
nourriture, et vous m'apporteriez compagnie et
protection. »
Christopher traduisit d'une voix douce. Hallvor
hocha la tête, le visage chaleureux et compréhensif. Wynter se
rendit compte que c'était exactement la façon dont son père se
serait comporté dans une situation où il n'y avait pas de langue
commune. La façon dont Hallvor regardait son interlocuteur, et non
le traducteur, la façon dont elle avait trouvé un point commun, sa
patience – tout cela, Wynter l'avait déjà vu, quand Lorcan
menait ses missions diplomatiques dans le Nord. Wynter comprit que
cette femme fruste, sale et en nage, aux bras nus tachés de terre,
était bien plus raffinée et subtile qu'elle ne l'aurait
imaginé.
Quand Christopher eut fini de traduire, Hallvor
s'inclina de nouveau et, parlant directement à Wynter, lui apprit
qu'elle comptait partir pour la rivière quelques instants plus
tard. Wynter hocha la tête, et la guérisseuse rejoignit son peuple,
posant une main amicale sur l'épaule de Christopher en
partant.
Le jeune homme la regarda partir, puis se passa
les mains sur le visage avec lassitude. Wynter le considéra sous
l'ombre de son chapeau. Le corps pâle de Christopher était encore
moucheté de bleus, ses yeux étaient bouffis par le manque de
sommeil. Elle fut reconnaissante qu'Úlfnaor ait insisté pour
allumer des feux. Ce soir, il serait bon pour Christopher de
s'asseoir près de cette lumière réconfortante, et à Dieu plaise, de
se coucher rassasié après un repas chaud.
Comme s'il avait senti son regard, Christopher se
tourna vers elle.
« Coucou », souffla-t-elle.
Il la regarda. « On est à nouveau
amis ? »
Elle haussa les épaules. « On dirait. Faute
de trouver quelqu'un de mieux. »
Il leva les yeux au ciel et Wynter sourit,
trouvant soudain tout cela très amusant. « Tu es un danger
public, femme, dit-il en souriant malgré lui. Je ne sais jamais ce
qui se cache dans ta caboche de rouquine. » Les hommes
derrière eux avaient passé leur arc au dos et s'attachaient les
cheveux. « Je ferais mieux d'y aller, dit-il en se baissant
pour prendre arbalète et carquois. Je vais chasser avec
eux. »
Wynter se pencha pour ramasser son linge et sa
trousse de toilette. « Et moi, je vais être gentille avec nos
sœurs assassines. » Il hocha la tête, comprenant que rien
n'était oublié.
Christopher passa le
carquois dans son dos, puis l'arbalète, surveillant Razi en se
préparant. Wynter s'attendait à ce que leur ami proteste contre
leur séparation et elle se tourna vers lui, prête à justifier
l'intérêt de cette marque de confiance, du moins en apparence. Mais
Razi les regarda en silence sans quitter sa place près des chevaux,
les brosses à étriller tenues d'une main lâche.
« Úlfnaor a du mal avec ses guerriers, dit
Christopher. Ils ne pensent pas qu'ils peuvent te faire confiance,
Razi. Ils pensent que tu leur trancheras la gorge à la première
occasion, que tu voleras les papiers de Shirken et que tu partiras.
Ils pensent que tu es prêt à les sacrifier au détachement de
cavalerie, pour faire torturer Úlfnaor jusqu'à ce qu'il trahisse le
prince. »
Les yeux sombres de Razi s'étrécirent et sa bouche
généreuse s'incurva d'un côté. Wynter déglutit en voyant l'éclat de
son regard. Elle soupçonnait les Merrons d'avoir raison. Quand Razi
n'aurait plus besoin d'eux, Wynter soupçonnait que les Merrons
découvriraient rapidement l'ampleur réelle du courroux du royaume.
Christopher n'était pas idiot, il ne pouvait pas l'ignorer ;
mais il continuait de parler. « Úlfnaor te laisse ici seul
avec Sólmundr et les papiers en signe de confiance, pour prouver
aux autres qu'il t'a bien jugé.
— Il me laisse seul, mais il emmène ma famille
avec lui, souffla Razi. Ce n'est pas une épreuve très
difficile.
— Je t'ai trahi, dit Christopher. Et Iseult est ma
croí-eile. Ces gens pensent qu'ils nous
protègent contre toi. » Il marqua une pause, attendant que
Razi réponde. Mais Razi leva les yeux vers les Merrons, la lèvre
encore ourlée en ce demi-sourire entendu. Un moment plus tard,
Christopher s'éloigna sans se retourner.
« J'y vais, Razi », murmura Wynter.
Puisque l'expression de son frère ne changeait pas, elle finit par
hocher la tête avec incertitude et posa la trousse de toilette sur
son épaule. « D'accord. À tout à l'heure. »
Wynter se détourna, la gorge nouée, le cœur
lourd.
Quand elle passa devant lui, Sólmundr lui fit un
signe d'adieu fatigué.