Conseil
En revenant sur le pâturage, Wynter fut délicatement saisie par le bras et escortée jusqu'à Razi. Les Merrons avaient rendu ses armes à Christopher, mais pas à Razi ni à Wynter. On les plaça à l'ombre, assis sur un tronc, tout à fait à l'écart. Deux guerriers étaient accroupis à quelques mètres d'eux, pour les garder tout en suivant les événements de loin.
On sentait une contrariété tendue chez les guerriers qui entouraient Ashkr, pendant qu'il expliquait son point de vue. On éleva le ton, on fit des gestes brusques. Tout le monde semblait avoir un avis, et être déterminé à le faire entendre. De temps en temps, un Merron ou un autre regardait vers Wynter et Razi, d'un air perplexe, apitoyé ou hostile. Embla et Úlfnaor se taisaient, le visage crispé. Accroupi contre un arbre, Sólmundr écoutait le brouhaha avec gravité.
Razi, tendu comme la corde d'un arc, porta son attention de Christopher à Embla, puis à Úlfnaor, pour revenir à leur ami. Wynter, elle, n'avait d'yeux que pour Christopher. Debout à côté d'Ashkr, il prêtait calmement l'oreille à la discussion du seigneur merron avec son peuple.
Ni Wynter ni Razi ne prirent la peine de lancer une conversation. Tout ce qui se déroulait pour l'heure échappait à leur contrôle, leur avenir dépendant des décisions d'autrui.
Soudain, Úlfnaor tapa dans ses mains et lança un ordre ferme. Tous les bavardages impatients s'interrompirent et les Merrons formèrent en traînant des pieds un demi-cercle autour de lui, avant de s'accroupir. Christopher les rejoignit. Ashkr, Wari et Úlfnaor allèrent se ranger à côté de Sólmundr. Embla s'attarda un instant, le visage fermé, puis leva les mains au ciel d'agacement et alla s'installer près de son frère. La position de Sólmundr contre l'arbre était devenue l'équivalent de la place royale à un banquet, et la rangée de seigneurs merrons encadrait leur ami assis, bras croisés.
Le jour était à présent tout à fait levé, et un ciel bleu limpide surplombait les arbres. Wynter plissa les yeux contre la vive brume de chaleur, observant les Merrons s'installer. Elle avait peine à croire que, trois heures plus tôt, ils prenaient leurs chevaux dans l'intention de quitter le camp.
Úlfnaor s'avança et regarda autour de lui, un air d'attente sur le visage. L'une des guerrières leva la main et, au hochement de tête du seigneur, se mit debout pour prendre la parole. Tout le monde écouta dans un silence poli son discours bref et convaincu. Avec un sursaut, Wynter comprit que le Conseil était commencé. Ashkr avait obtenu gain de cause et, sans pompe ni chichi, les débats étaient en cours.
Razi parla tout bas à côté d'elle, sans quitter les seigneurs des yeux : « Sais-tu quoi que ce soit à propos de ces réunions, Wyn ? Ressemblent-elles aux Conseils de père ? »
Wynter, scrutant le cercle d'hommes et de femmes accroupis, ne put s'empêcher de sourire en imaginant les austères conseillers de Jonathon dans la même position. Mais le sourire fut éphémère ; le roi était certes entouré de vieux hommes fragiles, mais, d'un trait de plume, ils pouvaient détruire ce camp tout entier. Ils pouvaient détruire toute la nation.
Avec tristesse, Wynter observa le cercle de guerriers attentifs et sinistres et leur rangée de seigneurs imposants. Ils n'ont aucune chance, se dit-elle. Ils ne trouveront jamais leur place ici. Jonathon serait fou de les laisser essayer. C'était un peuple qui se retrouverait rapidement acculé, une nation perdue dans le temps.
Elle se pencha en avant d'un air contrarié, posant les coudes sur les genoux en un effort conscient pour copier la posture de Razi. Elle n'avait pas pris la peine de répondre à son frère, et il ne paraissait pas lui en vouloir. Il suivait simplement le Conseil, frottant nerveusement ses doigts contre sa paume, sa manie habituelle. Au bout d'un moment, cette agitation agaça Wynter, et elle lui prit la main pour l'arrêter.
« Ça suffit », siffla-t-elle. Il se raidit et se redressa, les mains serrées, et elle regretta aussitôt. « Pardon.
— Je refuse que tu reprennes la route toute seule. Je ne peux pas. C'est au-dessus de mes forces, je refuse. Si Christopher compte les persuader… » Il secoua la tête.
Wynter regarda sa posture raide, son visage déterminé. « Razi, Christopher est convaincu que, si tu restes, ces gens causeront ta mort. Il semble penser que tu t'opposeras violemment à leurs pratiques. Il a… » Elle hésita à commenter la relation de Razi et d'Embla. « Il a peur que tu les pousses à te nuire.
— Il me sous-estime, s'il croit que ma tolérance ne peut pas s'étendre à quelques rituels païens. Lui plus qu'un autre devrait savoir que j'ai dû tolérer bien pire à mon époque.
— Je crois, dit Wynter avec prudence, que Christopher pressent un problème lié à Embla. Les pratiques païennes sont très… sont censées être… » Elle se mordit la lèvre, préférant éviter de détailler les pratiques auxquelles les païens étaient réputés se livrer.
Razi déglutit. « Embla est adulte. Je ne peux pas contrôler ce qu'elle fait. Si sa religion exige… » Il reprit ses gestes anxieux. « Cela ne me dérange pas. Elle n'est pas que cela pour moi. »
Wynter posa sa main sur son bras et le serra doucement. Razi écarquilla soudain les yeux et se leva en vitesse. Wynter suivit son regard et se mit lentement sur ses pieds.
Christopher avait levé la main et attendait qu'on lui donne la parole. À un hochement de tête d'Úlfnaor, il s'avança. Quelques protestations s'élevèrent quand il commença à parler, quelques tentatives pour le faire taire, mais les objections furent rapidement étouffées, et Christopher put continuer.
Au début, Sólmundr l'écouta sans réagir. Mais, tandis que la voix calme de Christopher poursuivait son exposé, le guerrier tourna lentement la tête vers Ashkr. Wynter vit un espoir à peine contenu sur le visage usé de Sólmundr, une étincelle d'excitation qu'il ne parvenait pas tout à fait à dissimuler.
Quand Christopher eut fini de parler, Embla était rouge de fureur, et Úlfnaor blême d'étonnement.
Christopher s'inclina et reprit sa place parmi les guerriers. Il s'accroupit dans la poussière, les yeux baissés. Il y eut un silence stupéfait, puis nombre de bras se levèrent pour demander la permission de parler. Úlfnaor les regarda, comme s'il ne savait pas quoi faire. Devant son inaction, Embla traversa le cercle et leva les bras avec un cri. Les Merrons baissèrent peu à peu la main, choqués qu'on leur interdise de parler.
Pendant un instant, Embla resta debout, enragée, au centre du cercle. Puis elle prit une profonde inspiration, se redressa et se tourna pour s'adresser à son peuple. Elle parla un long moment, avec force et élégance. Son discours visait clairement à les remotiver. Les Merrons écoutèrent avec attention, et Wynter vit peu à peu la conviction les envahir.
Pendant ce temps, Úlfnaor glissa un regard sans joie d'Embla à Christopher. Il donnait encore l'impression d'un homme écrasé par un fardeau invisible. Quand Embla eut fini, elle se retourna vers lui et le foudroya des yeux. Le grand Aoire avait un air triste, puis sa bouche se crispa en signe d'assentiment et il s'inclina. Embla revint à son côté, droite, les épaules raides. Wynter la vit regarder Razi une fois, puis se détourner.
Úlfnaor observa de nouveau le cercle de guerriers. Plus personne ne levait la main. Il se tourna vers Ashkr. Le guerrier blond fixait le sol sans le voir, comme à des kilomètres de là. Úlfnaor hocha la tête. Il parut sur le point de faire une déclaration, quand Ashkr, la tête toujours baissée, murmura quelque chose. L'Aoire recula.
Ashkr resta un moment immobile. Puis, à la surprise manifeste de son peuple, il leva la main, lança un ordre, et quitta le cercle, marchant droit sur Wynter et Razi. Úlfnaor l'appela et Ashkr lui répondit par-dessus son épaule. Wynter supposa qu'il lui demandait d'attendre. Il s'arrêta devant eux, dans l'ombre, son regard noir rivé sur les deux coimhthíoch.
Tout le monde sauf Christopher le regardait.
Ashkr paraissait si redoutable que Wynter recula d'un pas. Razi, lui, était assez maître de lui pour s'incliner avec raideur. Ashkr répondit de même, avec impatience, puis leur fit signe de s'asseoir. Il s'accroupit avec eux sur la terre battue, et s'adressa à Razi  : « J'appelle encore Tabiyb ? »
Razi rougit et hocha la tête. « C'est le titre que je préfère par-dessus tout. Alors oui, s'il te plaît, continue de…
— Tu écoutes ce que je dis maintenant, Tabiyb. Tu me dis pas mensonges maintenant, oui ? Tu tournes pas vérité ou caches dans ton cœur, quand je te demande des questions ? »
Razi serra les poings sur ses genoux. Il hocha de nouveau la tête.
« Coinín, il dit pas espoir pour nous. Il dit nous est égarés par… par gens. Ils font promesse tiennent jamais. Il dit on a jamais le droit installer ici, et rien pour le Peuple ou autre tribu ici. Il dit… » Ashkr perdit une partie de sa férocité, et ses yeux s'écarquillèrent un peu. « Coinín, il dit on fait rien pour changer ça, on peut oublier réveiller cette terre à An Domhan. Notre… notre… nous avons pas besoin… » Ashkr regarda par-dessus son épaule. Son peuple l'observait, Sólmundr en particulier, avec une angoisse douloureuse. Christopher gardait la tête entre les mains. Le visage d'Ashkr se durcit lorsqu'il vit Embla. « Ma sœur, elle dit Coinín seulement dit ça parce que pas de la Religion. Elle dit Coinín prêt dire tout, tous mensonges, à cause de ça. » Ashkr tourna un œil inquisiteur vers Razi. « Ça est vrai ? Tabiyb ? Coinín, il dit juste parce que pas de la Religion ? Il ment pour ça ? »
Razi regarda Ashkr, incertain, et Wynter maudit Christopher de leur avoir caché tant de choses. Qui pouvait imaginer les conséquences d'un mot de travers ? Si Razi confirmait ce que disait Christopher, les Merrons pourraient simplement rentrer chez eux et les laisser là, sans personne pour les guider vers le camp d'Albéron. D'un autre côté, que pourraient faire ces gens à Christopher s'ils croyaient qu'il avait tenté de les tromper ? Rechignant à faire un commentaire dans un sens ou dans l'autre, Razi garda le silence face à leur ami accroupi sur la terre battue.
Ashkr tapa sur le sol. « Tabiyb ! Coinín, il ment ?
— Christopher est un homme très honorable, Ashkr. Je doute grandement qu'il… je vous assure que Christopher ne mentirait pas simplement pour parvenir à ses fins. S'il vous a dit quelque chose, alors c'est parce qu'il pense que c'est la vérité. »
Ashkr scruta Razi. Wynter n'était pas certaine de ce qu'elle lisait sur le visage du blond. De l'espoir ? De la peur ? Du chagrin ? Elle ne parvenait pas à se décider.
« Alors… que tu dis, toi, Tabiyb ? Tu penses il y a espoir pour le Peuple ? Tu penses on doit continuer ? »
Wynter songea aux Loups-Garous. Elle songea à la longue marche jusqu'au camp d'Albéron, aux nombreuses nuits qu'ils affronteraient, seuls dans l'obscurité, avec David Le Garou et sa meute à leurs trousses dans l'ombre. Observant le visage interrogateur d'Ashkr, elle se dit : Réponds-lui oui, Razi. Mens-lui. Promets-lui n'importe quoi, mais fais en sorte que ces gens nous conduisent à Albéron. Razi cherchait à décrypter le visage d'Ashkr, sans doute en vain. Dis-lui oui !
« Ashkr, je ne sais pas pourquoi Christopher s'oppose ainsi à vos plans. Mais je peux vous assurer que si vous offrez à mes compagnons et à moi-même un passage sûr jusqu'au prince royal, si vous nous proposez votre protection et faites de votre mieux pour tenir cette promesse, alors j'userai de toute ma considérable influence pour m'assurer que vous obtiendrez un havre dans ce royaume. »
Ashkr fronça les sourcils. « Tu peux faire ce genre promesse, Tabiyb ? Tu es tel homme ? Avec tant pouvoir ? »
Razi eut un rire sans joie. Wynter perçut l'amertume dans sa réponse. « Oui, Ashkr. Oui, j'ai ce pouvoir.
— Même… » Ashkr hésita, les yeux baissés sur les mains de Razi. Il toucha sa peau sombre. « Alors que tu es homme coloré ? »
Razi serra les dents. « Oui, Ashkr. Même si je suis un homme de couleur.
— Je pense c'est très bonne nouvelle pour le Peuple, souffla Ashkr. Que homme coloré peut avoir tant influence ici. »
Ashkr se tourna de nouveau vers son peuple. Wynter le vit trouver le regard de Sólmundr. L'homme noueux était penché, impatient, les yeux rivés à ceux de son compagnon.
« Je crois tu, Tabiyb, murmura Ashkr sans quitter Sólmundr du regard. Je crois tu feras de mieux pour nous, et le Peuple pourrait trouver foyer ici. »
Wynter vit Sólmundr examiner le visage de son amant, l'espoir sur son visage tandis qu'il tentait de lire l'expression d'Ashkr. Celui-ci secoua la tête, les lèvres crispées. L'espoir de Sólmundr se dissipa aussitôt, et le cœur de Wynter se serra d'angoisse et de culpabilité en voyant sa peine. Pendant un bref instant, les deux hommes se regardèrent avec désolation. Puis Sólmundr hocha brusquement la tête et s'assit. Le visage d'Ashkr se durcit, ses sourcils se froncèrent, il serra les dents.
« Ma sœur a raison, dit-il en se levant. Nous allons avancer vite, maintenant. Nous remplissons devoir. » Il regarda Razi. « Et on emmène toi au prince, Tabiyb, pour que tu peux remplir devoir aussi. Merci. » Il se pencha en avant avec un sourire, et Razi accepta sa poignée de main avec scepticisme. « Merci pour vérité. » Puis Ashkr se détourna et s'éloigna.
En entrant dans le cercle, Ashkr leva les bras et cria en merron. Les guerriers se levèrent tous avec un soulagement joyeux, et le grand homme fut aussitôt avalé par leurs rangs bruyants tandis qu'il faisait une proclamation forte et déterminée. Christopher et Sólmundr restèrent assis, sans expression.
Razi se redressa, frotta les mains sur ses cuisses. Wynter l'accompagna, le cœur dérangé par la conviction que quelque chose d'énorme venait de leur échapper de manière irrémédiable.
 

« Vous sous protection de nous, Tabiyb, dit Úlfnaor en lui tendant son épée et son poignard. On emmène vous bout du chemin. On vous protège mieux possible. »
Razi s'inclina, la tête ailleurs. Wynter prit ses armes à l'Aoire et se pencha pour garder Christopher, derrière lui, dans son champ de vision. Úlfnaor se tourna pour suivre le regard de la jeune femme.
Christopher aidait Sólmundr à se relever. Il paraissait en colère, et quand Wynter et Razi essayèrent d'attirer son attention, il se détourna ostensiblement, passa l'épaule sous le bras de Sólmundr pour l'emmener, avec Ashkr, dans le camp.
« Donnez-lui temps, dit Úlfnaor. Il colère que vous parlez contre lui, mais, parfois, difficile de voir deux côtés de même vérité, nach ea ? » Il donna une tape sur l'épaule de Razi. « Viens. On te met à travail, oui ? Tu aides nettoyer saletés de Loups-Garous. Ça change tes idées. »
Wari emmena Razi dans la forêt pour creuser les tombes des Loups, et Wynter fut réquisitionnée pour construire les cadres destinés à sécher la viande et les peaux que les Merrons récupéreraient sur les chevaux morts. Ce travail avait à l'évidence pour but de les séparer tout en les occupant. Wynter passa donc la matinée sous l'œil attentif d'un petit groupe d'hommes et de femmes, tandis que la majorité des Merrons se consacrait à quelque ouvrage secret au cœur de la forêt.
Christopher et les seigneurs se retirèrent sous le puballmór d'Ashkr et y restèrent. Pendant la journée, Wynter se surprit souvent à observer la tente derrière la brume de chaleur, curieuse de ce qui se passait derrière ses murs recuits de soleil.
On déposa les effets des Loups-Garous en tas au centre du camp, et les Merrons vinrent se servir. Wynter ne prit même pas la peine d'y jeter un œil : elle n'avait aucune envie de posséder un objet souillé par l'odeur d'un Loup. Mais quand Razi revint de la forêt pour emporter le deuxième cadavre, elle fut surprise de le voir fouiller dans le tas, dos à elle. Il paraissait chercher quelque chose en particulier, et au bout d'un moment, Wynter le vit tirer sa dague et en triturer un objet caché à sa vue.
Juste au moment où elle se relevait, Razi se redressa et fourra sa trouvaille dans la sacoche à munitions de sa ceinture. Il regarda la pile d'effets luxueux, le harnais et les bijoux, et quelque chose dans la courbure furieuse de ses épaules retint Wynter de le rejoindre. Il se tourna vers la tente d'Ashkr, les yeux pleins de rancœur. Puis il retourna auprès de Wari, souleva le cadavre sur ses épaules et disparut dans l'ombre des arbres.
Wynter reprit son travail.
 

Très tôt dans la soirée, les Merrons rentrèrent de la forêt, et la présence de Wynter ne fut plus nécessaire aux cadres de séchage. Un long moment d'indécision la laissa rivée sur place, toute son attention captivée par la tente d'Ashkr. Puis elle partit chercher Razi au milieu de l'activité bourdonnante du camp.
Elle l'aperçut, accroupi près d'une des tentes, profondément absorbé dans une pantomime avec Wari et un autre homme. Razi tenait quelque chose, et tous étaient voûtés, avec une profonde expression de stupéfaction. Tandis que Wynter approchait, ils semblèrent parvenir à une conclusion, et Razi se leva avant de serrer la main du troisième homme, afin de conclure le marché.
Wynter agita la main pour attirer son attention, et il approcha. Ses yeux s'écarquillèrent quand il vit ses vêtements tachés par le travail. « Dieu du ciel, sœurette ! À quoi as-tu passé la journée, à te rouler dans une tranchée d'excréments ? Tu vas pouvoir élever des mouches !
— Tu n'es pas tout à fait présentable pour la cour non plus, Razi Fils de Roi ! »
Razi baissa les yeux. Torse nu, il était sale d'avoir creusé les tombes, sa peau et son pantalon étaient couverts de boue et de sang. « Oh ! s'étonna-t-il soudain. Oh ! lala. » Il leva ses mains sales comme pour essayer de comprendre comment il en était arrivé là. « Je suis répugnant ! »
Wynter le saisit par le coude. « Viens. Allons nous laver. »
Comme à un signal, les deux compagnons s'arrêtèrent et regardèrent vers la tente d'Ashkr, cachée par le reste du camp. Wynter était à bout de forces et avait incroyablement chaud. Le visage sale de Razi reflétait le même épuisement. Elle le prit par le coude et le secoua doucement. Il baissa les yeux vers elle. « Tu veux aller nager ? »
Il hocha la tête. Derrière eux, un battement régulier commença, le bruit d'un petit marteau sur du métal. Wynter se retourna. Blotti près de la porte de son puballmór, l'homme avec qui Razi avait discuté façonnait une petite pièce d'argent.
« C'est un artisan, Razi ? Tu lui as commandé quelque chose ?
— Oui. Mais j'avoue que je ne sais pas si j'en ferai quoi que ce soit, en fin de compte. J'ai peur que ce soit irrespectueux et de mauvais goût. » Il soupira et fit une grimace. « J'aimerais y réfléchir un moment, si tu veux bien, avant de t'en parler. »
Wynter scruta son visage fatigué. « D'accord, Razi », répondit-elle doucement.
Avec un sourire, Razi repoussa le chapeau de sa sœur, trouva un carré de peau propre et y déposa un baiser. « Allons nager. »