Lise, à première vue, portait bien son nom que l’on pouvait trouver assez terne.
Son visage, fort peu remarquable, passait inaperçu ; son corps ne frappait pas davantage.
Elle avait les bras trop minces, les jambes assez fortes, les seins presque inexistants, mais d’assez jolies fesses et un sexe bien dessiné qui, pourtant, ne laissait guère présager de l’émerveillement qu’il pouvait susciter dans l’amour.
En effet, de ce ventre simplement appétissant, Lise tirait un plaisir égaré qui la rendait très loquace et, dès lors, tous les sons qu’elle arrachait à sa gorge se révélaient incomparables, obsédants, inoubliables : Ils reproduisaient note par note les plus beaux solos de Charlie Parker, ceux des enregistrements qui remirent en question tout le jazz des années 50.
Quand son orgasme montait en lancinants paliers comme autant d’incantations emportées au ralenti d’une implacable géométrie, elle s’envolait dans le languide solo d’Embraceable you.
Quand elle se laissait dériver vers un douloureux plaisir sans cesse rejeté dans un autre instant, elle se noyait dans les brumeuses divagations de l’admirable Out of nowhere.
Quand son plaisir allait et venait, haletant, volubile, pressé, pressant, elle se faisait rafaler dans l’apparent désordre fiévreux du Hot blues.
Et quand, de spasme en spasme, on la sentait balbutier son plaisir au seuil de l’orgasme pour chaque fois l’effleurer, le manquer, elle ne faisait que revivre le pathétique solo hachuré, essoufflé, du légendaire Loverman de février 1947.
Mais le jour où Lise vocalisa soudain le monocorde solo joué si lancinant par Coltrane dans Naima, je compris qu’elle m’aimait déjà moins.