Leur rencontre datait de l’avant-veille. Elle ne recelait rien de très surprenant. Il l’avait remarquée dans un café assez fréquenté, il était allé s’asseoir à sa table, et, sans le moindre prologue, il avait entamé la conversation comme s’il la connaissait depuis longtemps.
Elle habitait Amsterdam et comptait passer quelques jours à Paris. Lui avait abandonné la capitale depuis plusieurs années pour se retirer dans une vieille maison délabrée à 30 km de la ville. Il avait donné rendez-vous à la jeune femme pour le dernier soir qu’elle passerait à Paris. En effet, elle devait obligatoirement repartir le lendemain.
Pour venir de sa morne campagne à la ville, il se déplaçait toujours en vélomoteur et, ce jour-là, à mi-parcours sur le coup de 17 heures il roulait assez vite dans la crainte d’arriver en retard. Ils devaient se retrouver dans un bistrot, mais il ne connaissait ni l’adresse ni même le nom de cette inconnue.
Il tenait à la revoir, passer la nuit avec elle. La jeune femme ne lui avait paru ni particulièrement intelligente, ni même très séduisante. Pas si sensuelle non plus. En réalité, il ne se souvenait plus trop de son visage ni même de la couleur de ses yeux. Son souvenir d’elle pourtant si récent était vraiment très flou. Un seul détail le hantait en permanence : le renflement exagéré de son pubis que moulait une robe d’été trop serrée. Comme elle avait des cheveux châtains très drus, des sourcils également très fournis, il imaginait avec une précision d’halluciné un pubis lourd d’humidité, véritable tanière de mousse épaisse, d’odeurs marines et de sucs visqueux. Jamais la seule présence d’un sexe imaginé tellement troublant ne lui avait procuré un tel émoi.
Et pendant qu’il roulait, il brassait des images dans sa tête, des bribes de ce futur que chaque tour de roue rapprochait : comment il allait entraîner son inconnue jusqu’à une chambre, où ils iraient dîner pour ne pas être trop loin de l’hôtel, ce qu’il ressentirait en la déshabillant. Ou bien il n’attendrait même pas de la dénuder pour se jeter entre ses cuisses et mordre à pleines dents le tissu gonflé par les poils et les remous du con encore voilé et si bien convoité. À moins d’imaginer qu’il le mettrait à nu en quelques gestes et le branlerait de tous ses doigts jusqu’à lui soutirer toute sa marée jusqu’à la dernière goutte.
Il ne voyait plus que ces images de viol lui tourner dans les prunelles, il ne regardait plus du tout la route devant lui, n’avait même pas conscience qu’il prenait à toute allure des virages dangereux et surtout qu’il roulait au milieu de la chaussée.
Il ne vit que trop tard surgir en sens inverse le camion de fort tonnage qui le percuta et ne sut même pas ce qui venait de lui arriver. Il perçut le dernier flash d’une énorme robe se déchirant de part en part, des cuisses s’ouvrant pour dévoiler un paysage de broussaille et de marais fascinants bientôt changés en un seul gouffre goulu, velu, ventru qui l’aspirait, le suçait…
Trop tard… Il était à jamais trop tard pour reconnaître qu’au gré de sa vie il avait rencontré pas mal de femmes de l’année, des culs de rêve, des corps de ses fantasmes, des ventres de ses nuits et même une ou deux femmes de sa vie, mais il n’aurait jamais imaginé qu’un jour il se ferait piéger par le sexe de sa mort.