La dactylo

Elle travaillait au service du courrier d’un modeste Club de lecteurs.

Apparemment, ce n’était qu’une dactylo d’une évidente banalité. Pas très jolie, ni particulièrement excitante, elle ne semblait avoir aucun atout de choc pour séduire.

Et pourtant, elle passait pour la femme la mieux habillée de l’entreprise, tous les jours différente, elle changeait souvent de coiffure et on la sentait aussi coquette que frivole. De même, elle s’imposait comme la seule employée à supporter invariablement avec le sourire sept heures de travail intensif, sans compter les heures supplémentaires qu’elle acceptait avec autant de bonne humeur.

Attitude d’une lumineuse logique, car plus elle rédigeait de lettres commerciales, plus cela lui valait un courrier secret, des rendez-vous encore plus secrets qui lui rapportaient de solides revenus supplémentaires alors qu’elle était évidemment sous-payée.

Son courrier adressé aux abonnés du fichier était pourtant d’une exemplaire banalité et ne contenait rien de bien personnel. Mais à chaque client mâle, elle avait pris l’habitude d’envoyer, à la place des sentiments les plus distingués ou les plus cordiaux, ses sentiments les plus vicieux.

Comme ça, en douce, sans prévenir, et sans un mot de plus.