L’homme et la femme se faisaient face, séparés par une vitre. Ils étaient en effet dans une de ces cabines téléphoniques jumelées où l’on peut se voir sans entendre ce que l’autre dit.
L’homme téléphonait à sa maîtresse, la femme à son amant. Et, par coïncidence, leurs deux coups de fil baignaient dans le même climat : celui d’une rupture définitive.
La jeune femme signifiait à son amant marié qu’elle en avait assez d’être traitée en mendiante de quelques heures de présence de temps en temps. Et l’homme, un célibataire d’une quarantaine d’années, recevait assez brutalement son congé parce que sa maîtresse ne l’aimait plus.
Ils terminèrent leur communication au même moment. Elle s’était limitée à un quart d’heure pendant lequel ils n’avaient pas cessé de se regarder. Lui trouvait qu’elle avait un si doux visage de femme enfantine et désarmée. Elle lui trouvait un regard déchirant, une expression à la fois humble et désespérée sans être amère.
Ils sortirent en même temps et sans rien savoir l’un de l’autre, après avoir échangé à peine deux ou trois mots, allèrent prendre une consommation au café qui faisait face à la cabine.
Il leur fallut moins d’une heure pour tomber amoureux l’un de l’autre.