Dédicace, lettre et message à Diego Rivera

[sur le dessin au crayon RUINE]

 

RUINE

Pour Diego. Frida.

Avenue de la Tromperie numéro 1

Ruine !

Maison des oiseaux

Nid d’amour

T’aimer en vain

Tout ça pour rien

Ruine

Février 1947

F. Kahlo

*

Lundi 21 avril 1947, Coyoacán

 

Mon enfant adoré, mon amour,

J’ai eu Emmita(135) au téléphone et me voilà rassurée car elle dit que tu vas beaucoup mieux, que tu as une chambre vachement « chouette » où tu peins toute la journée. Il parait aussi que tu es beaucoup plus calme et, de façon générale, content. Tu me manques à un point que je suis incapable d’expliquer, mais mon seul désir est que tu guérisses et que tu reviennes très vite vivre avec moi et avec monsieur Xólotl et madame Xolotzin(136). Je ne serai à nouveau moi que quand tu seras à mes côtés.

Je me suis sentie couci-couça mais pas pire que d’habitude ; je me fatigue, comme toujours, mais le jour viendra où toi et moi nous irons parfaitement bien ; ne t’inquiète de rien d’autre que de ta santé, car c’est la seule chose qui vaille la peine.

Dans ma lettre précédente, je ne t’ai pas envoyé tous les détails relatifs aux travaux et aux dépenses afférentes. J’ai préféré attendre jusqu’au samedi, pour que tu puisses mieux te rendre compte. Je vais te raconter en gros ce qu’ils ont fait et ce qu’il manque ; la maçonnerie de la nouvelle salle de bains est presque terminée ; les fondations sont prêtes pour le sol et pour la terrasse, et Arámburu dit que dans deux jours ils poseront le carrelage ; les meubles de la salle de bains seront installés aujourd’hui même, pour bien localiser les branchements. En fait, il ne manque pour cette pièce qu’à lisser les murs dedans et dehors et à polir le sol. Les deux autres pièces, c’est-à-dire la chambre et l’atelier, sont prêtes ; il ne reste qu’à peindre les portes. Quant aux chambres du bas dans la petite maison à l’arrière du grand jardin, là où vont habiter Liborio et Cruz, elles sont prêtes, salle de bains et cellier inclus. Je pense que cette semaine ils vont finir le principal, il ne restera que quelques petits détails à régler, comme la peinture des portes, le polissage des sols et quelques meubles à ranger à leur place définitive. L’installation électrique est en ordre, dans les patios et dans toutes les pièces, dans la grande maison comme dans la petite. Pour ce qui est de San Ángel, le mur et la chambre de bonne sont finis, il ne manque que la peinture et la remise en état de l’endroit où sont entassées les planches de la petite maison, qu’ils vont ramener à Coyoacán pour les déposer dans les pièces vides dès que j’aurai emménagé. Quant à la pièce où sont provisoirement entreposés les meubles de mon atelier, je vais l’arranger pour en faire ta chambre ; je crois que tu t’y sentiras très bien, car elle donne directement sur la terrasse et tu seras près de tes idoles, d’accord ? Il manque encore à construire le vestibule dans ce qui est actuellement le cellier, mais ça se fera au dernier moment, comme ça, ils poseront la porte le jour où ils perceront l’ouverture. Étant donné qu’il n’y a personne pour m’aider à superviser techniquement tout ce qu’ils ont fait, puisque Juan O’Gorman ne vient que de temps en temps, je ne sais pas si le résultat sera entièrement à ton goût ; mais Arámburu a fait tout ce qu’il a pu et, comme tu peux le constater, les contremaîtres José et Isabel sont très bien. Pourvu que tu aimes quand tu arriveras.

Emma et moi avons discuté pour savoir où tu irais à ton retour, à Coyoacán, à San Ángel ou bien là où tu étais avant ; on a décidé, malgré le fait que je ne t’aurai pas auprès de moi, qu’il te sera plus pratique de retourner à l’appartement de Mexico : vu que tu dois t’injecter de la pénicilline et que ta petite bouche n’est pas encore guérie, ce sera plus compliqué à Coyoacán ou dans ton atelier. Naturellement, c’est toi qui décides, en fonction de ce que tu préfères mais en tenant compte de ta santé avant tout, et aussi en fonction de l’infirmière et du dentiste qui t’arrangent, ainsi que des visites de David. Moi, j’irai te voir aussi souvent que tu le voudras, où que tu sois.

Ortega ira dimanche à San José, il partira à huit heures du matin pour y être à midi, conformément aux instructions qu’Emma m’a transmises de ta part ; et toi, tu rentreras ce même dimanche ou lundi matin, pas vrai ? J’ai une énorme envie de te voir…

*

Mon enfant chéri,

Tu vas me trouver franchement chiante, mais n’oublie pas la semaine d’Amelia (125 pesos). Si tu ne les as pas, je les lui donne et tu me rembourseras, parce que j’aurais honte qu’elle puisse croire qu’on ne la paie pas parce qu’elle est malade.

Riquelme dit qu’elle est assez fragile.

Tu ne lui as même pas demandé comment elle allait.

Lettres
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