Lettre à Diego Rivera
23 juillet 1935
(…) Une certaine lettre que j’ai trouvée par hasard dans une certaine veste d’un certain monsieur et qui lui avait été adressée par une certaine demoiselle de la lointaine et fichue Allemagne, que j’imagine être la dame que Willi Valentiner a eu la bonne idée d’envoyer ici pour qu’elle puisse s’amuser sous des prétextes « scientifiques », « artistiques » et « archéologiques », m’a mise hors de moi et a déchaîné, pour être franche, ma jalousie (…)
Faut-il que je sois une vraie tête de mule pour ne pas comprendre que les lettres, les histoires de jupons, les maîtresses… d’anglais, les Gitanes qui jouent les modèles, les assistantes de « bonne volonté », les disciples intéressées par « l’art de la peinture » et les « envoyées plénipotentiaires de lointaines contrées » ne sont qu’un amusement et que dans le fond toi et moi nous nous aimons largement, et que nous avons beau enchaîner les aventures, les claquements de porte, les insultes et les plaintes internationales, nous nous aimerons toujours. Je crois qu’en fait je suis un peu bête et chienne sur les bords, car toutes ces choses sont arrivées et se sont répétées durant les sept ans où nous avons vécu ensemble, et toutes mes colères ne m’ont conduite qu’à mieux comprendre que je t’aime plus que ma propre peau, et bien que tu ne m’aimes pas de la même façon, tu m’aimes quand même un peu, non ? Et si ce n’est pas le cas, il me reste l’espoir que ce le soit, et ça me suffit…
Aime-moi un tout petit peu. Je t’adore.
Frida