Lettres à Miguel N. Lira
Coyoacán, août 1927
Mon frère,
Je ne sais pas quoi dire de ton bonheur.
Que peut-on dire quand la vie commence ? Chante L’Internationale car son corps est celui du monde, comme la vague socialiste !
Bougrement révolutionnaire et seulement comparable au triomphe de Lindbergh, hurlement de tous les hommes à la minute universelle.
Je sens en Elle la simplicité et l’attirance infinies de la phrase que nous avons tous entendue : Il était une fois un roi qui avait trois filles…
Elle ne peut pas être ta fiancée, une fiancée est seulement jeune et Elle, elle est la jeunesse.
Elle est dans ta vie, mais quand tu la perdras tu pourras dire comme Xenius : Ramons, Nando, ramons, la nuit nous tombe dessus et la mer se déchaîne…
Tu auras juste vieilli d’un an ou deux et tu seras toujours le prince de la Mandchourie et moi…
Ta sœur
Frida
*
3 août 1927
Mike,
Comment vas-tu ? Tu n’as plus de fièvre ? J’allais t’écrire hier, mais je me suis sentie vachement mal tute la journée.
Il est sept heures et demie en this moment et je viens de me réveiller, encore un peu patraque.
Hier, Alex m’a écrit, il dit qu’il a only reçu deux lettres de toi, dont une du 16 juillet, à Nice. Il me dit qu’il va probablement partir pour Florence et de continuer à lui écrire. Je vois pas comment il pourra être rentré à la fin du mois, qu’est-ce que tu en dis ? Ma lettre arrivera à Paris autour du 18, date à laquelle il devrait déjà être en route pour l’Amérique. Je crois qu’il me mène en bateau, non ?
Comment s’est passée la fête de Salisky ? Lucha et moi, on voulait lui faire un cadeau, mais on n’avait pas un sou.
Demain jeudi, vous allez venir, pas vrai ?
J’ai encadré ton poème dans un passe-partout. Juan Timburón !
Bon, frangin, moi qui n’ai chanté que l’exquise mélodie de l’intime pudeur, j’élève à présent la voix en société(34)… et j’exige mon petit déjeuner, sans un pleur…
Je crois que je vais tourner de l’œil tellement j’ai mal à la colonne et à la guibole, c’est tragique… J’ai la croupe sens dessus dessous (ce que je suis grossière !).
Si tu peux, réponds-moi.
Remets-toi bien sur pied, c’est ce que ta frangine souhaite de tute cœur.
Frieducha
(Apporte-moi de la lecture.)