Lettre à Emmy Lou Packard(97)

Miss Emmy Lou Packard

C/O Stendhal Galeries

3006 Wilshire Boulevard

Los Angeles, CA

USA

Recommandé

 

New York, 24 octobre 1940

 

Emmy Lou chérie,

Excuse-moi, s’il te plaît, de t’écrire au crayon, je ne trouve ni plume ni encre dans cette maison. Je suis terriblement inquiète pour les yeux de Diego. Je t’en prie, dis-moi la vérité à ce sujet. S’il ne va pas mieux, je lève le camp immédiatement. Un médecin d’ici m’a dit que le sulfanilamide pouvait être dangereux. S’il te plaît, ma chérie, pose la question au docteur Eloesser. Décris-lui les symptômes qu’a Diego après avoir pris ses cachets. Il saura quoi faire, car il connaît bien l’état général de Diego. Je suis tellement contente qu’il soit près de toi. Tu ne peux pas savoir à quel point je t’aime d’être si bonne avec lui et si gentille avec moi. Je ne peux pas être heureuse quand je suis loin de lui et si tu n’étais pas là, je n’aurais jamais quitté San Francisco. J’ai un ou deux tableaux à finir, ensuite je serai de retour. Je t’en prie, ma chérie, fais tout ton possible pour qu’il travaille moins.

Toute cette histoire avec Guadalupe(98) me fait vomir. C’est une vraie garce. Elle est furieuse parce que je vais me remarier avec Diego, et tout ce qu’elle fait est tellement bas, tellement dégueulasse, que parfois il me prend l’envie de rentrer au Mexique pour la tuer. Je me fiche bien de passer mes derniers jours en prison. Quand je pense que cette femme est capable de vendre chaque petit bout de ses convictions ou de ses sentiments, juste pour assouvir sa soif d’argent ou de scandale, ça m’écœure. Je ne la supporte plus. C’est elle qui est à l’origine de mon divorce avec Diego, et elle s’y prend tout aussi salement pour soutirer du pognon à Knoff et à Wolfe. En fait, peu lui importe la méthode, pourvu qu’elle se retrouve à la une des journaux. Parfois je me demande comment Diego a pu passer sept ans avec pareil énergumène. Il dit que c’est seulement parce qu’elle savait bien faire la cuisine. C’est peut-être vrai mais, bon Dieu, tu parles d’une excuse ! Je suis peut-être en train de perdre la boule. Mais le fait est que je ne peux plus supporter la vie farfelue menée par ces gens-là. J’aimerais partir à l’autre bout du monde pour ne plus jamais côtoyer ce qui ressemble de près ou de loin à de la publicité ou à d’infâmes commérages. Cette Guadalupe est un pou de la pire espèce et, pour couronner le tout, la loi l’aide à mener à bout ses sales coups bas. Mais dans quel monde on vit ?

La lettre que Donald a écrite est très jolie. Je suis vraiment désolée, je n’avais pas soupçonné cette sale affaire entre Philip et lui. Dis-lui que j’en aurais fait de même dans son cas. Son costume de charro sera bientôt prêt et Cristina te l’enverra.

Ma chérie, Julien Levy a beaucoup aimé tes dessins, mais il ne peut pas te proposer une exposition car il dit qu’il se consacre aux tableaux surréalistes. J’en parlerai à Pierre Matisse et je suis sûre que je pourrai te concocter quelque chose ici, pour l’an prochain. Je continue à préférer aux autres le premier que tu as fait de moi.

Transmets toute mon amitié à Donald, ainsi qu’à tes parents. Embrasse Diego pour moi et dis-lui que je l’aime plus que ma propre vie.

Un baiser pour toi et un autre pour Diego et encore un autre pour Donald.

S’il te plaît, dès que tu auras un peu de temps, écris-moi pour me raconter comment vont les yeux de Diego.

Avec toute ma tendresse,

Frida

Lettres
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