10

« Je n’arrive pas à croire qu’il ait pu faire une chose pareille », ai-je déclaré tout en me débarrassant des loques puantes et de la personnalité mutilée de Sawa. La nouvelle nous avait précédées. On ne parlait que du suicide. Notre œuvre de la nuit était revenue au second plan. C’était du passé et tous avaient survécu.

Tobo non plus n’y croyait pas, assurément. Il y a fait allusion en passant et a insisté pour nous rapporter tout ce que son père avait vu au Palais la veille au soir. Il se référait à ses notes prises avec l’aide de Gobelin. Il était très fier du travail accompli et tenait absolument à nous fourrer le nez dedans. « Mais je n’ai pas vraiment réussi à obtenir qu’il me parle, maman. Toutes mes questions avaient l’air de l’exaspérer. Comme s’il voulait en finir au plus vite pour repartir.

— Je sais, chéri, a répondu Sahra. Je sais. Il est comme ça avec moi aussi. Prends donc un peu de ce bon pain qu’on nous a permis de rapporter. Mange quelque chose. Gobelin. Qu’a-t-on fait de Cygne ? Est-il en bonne santé ? »

Qu’un-Œil a ricané. « Autant qu’on peut l’être avec des côtes fêlées. Mais il chie dans son froc. » Nouveau ricanement.

« Fêlées ? Explique-toi. »

Gobelin s’en est chargé : « Quelqu’un qui a une dent contre les Gris a dû faire un peu de zèle. Mais ne t’inquiète pas. Si ce type laisse ses émotions prendre le dessus, il aura mille occasions de le regretter.

— Je suis épuisée, a lâché Sahra. Nous avons passé toute la journée dans la même pièce que Volesprit. J’ai bien cru que j’allais exploser.

— Toi ? Une seule chose m’a empêchée de déguerpir en hurlant… Je me concentrais si fort sur mon rôle de Sawa que j’ai manqué la moitié de ce qui s’est dit.

— Ce qui s’est dit n’est guère important. Mais Volesprit nourrissait de très sérieux doutes sur l’attaque.

— Je vous l’ai déjà répété, frappez à la jugulaire ! a aboyé Qu’un-Œil. Pendant qu’elles ne croient toujours pas à notre existence. Exterminez-les tous et vous n’aurez plus à tourner autour du pot en vous demandant comment vous allez libérer le Vieux. Tu pourras ordonner aux gens de la bibliothèque d’effectuer les recherches pour toi.

— Nous serions déjà tous morts, a répondu Sahra. Volesprit s’attendait à des problèmes. L’annonce de la présence en ville de la Fille de la Nuit l’a mise sur la défensive. À propos, j’aimerais que vous me la retrouviez, tous les deux. Et Narayan avec.

— Lui aussi ? s’est enquis Gobelin.

— Volesprit les traquera avec un bel enthousiasme, j’imagine.

— Kina doit se réveiller, ai-je fait observer. Ni Narayan ni la Fille de la Nuit n’entreraient dans Taglios s’ils n’étaient assurés de sa protection. Ce qui signifie en même temps que la fille va se remettre à copier les Livres des Morts. Demande à Murgen de les surveiller, Sahra. » Ces antiques et effroyables volumes étaient enterrés dans la même caverne que les Captifs. « Une idée m’est venue là-bas… alors que j’étais à court de chandeliers et que je n’avais plus rien à faire. Il y a bien longtemps que je n’ai pas lu les annales de Murgen. Elles ne semblaient pas avoir beaucoup de rapports avec ce que nous tentons de réaliser et qui est nettement plus moderne. Mais, pendant que j’étais assise là-bas, à quelques pas de Volesprit, j’ai eu l’horrible sensation d’avoir raté quelque chose. Et, dans la mesure où je n’ai pas étudié ces textes depuis un bon bout de temps, je vois mal de quoi il retourne.

— Tu auras tout le temps nécessaire. Nous allons devoir faire le dos rond pendant quelques jours.

— Tu comptes aller travailler, bien sûr ?

— Mon absence éveillerait les soupçons.

— Je vais me rendre à la bibliothèque. J’ai repéré quelques récits remontant aux premiers jours de Taglios.

— Ah ouais ? a croassé Qu’un-Œil en se réveillant en sursaut d’un demi-sommeil. Alors tâche de découvrir pourquoi la clique des régents n’a droit qu’au titre de prince. Ils règnent sur des territoires plus vastes que la plupart des royaumes voisins.

— Cette question ne m’aurait jamais effleurée, ai-je poliment répondu. Pas plus, sans doute, qu’aucun des indigènes de cette région du monde. Je tacherai de me renseigner. » Si je m’en souvenais.

Un rire nerveux s’est élevé dans la pénombre au fond de l’entrepôt. Saule Cygne. « Il joue au tonk avec de vieilles connaissances, m’a expliqué Gobelin.

— Nous devrions lui faire quitter la ville, s’est inquiétée Sahra. Où pourrions-nous bien le séquestrer ?

— J’ai besoin de lui sur place, me suis-je récriée. Je veux l’interroger sur la plaine scintillante. C’est avant tout dans ce but que nous l’avons enlevé. Et il n’est pas question que j’aille m’enterrer dans un trou perdu alors que je commence enfin à progresser à la bibliothèque.

— Volesprit l’a peut-être marqué.

— Nous disposons de deux nécromants à la petite semaine. Qu’ils l’examinent. À eux deux, ils valent bien un sorcier compétent…

— Surveille ton langage, greluchonne.

— Je me suis oubliée, Qu’un-Œil. À vous deux, vous valez tout juste la moitié d’un seul d’entre vous.

— Roupille a raison. Si jamais Volesprit l’a marqué, vous devriez vous en apercevoir.

— Sers-toi de ta tête ! a glapi Qu’un-Œil. Si elle l’avait marqué, elle serait déjà là au lieu de demander à ses larbins s’ils n’auraient pas retrouvé sa dépouille. » Le nabot s’est hissé hors de son fauteuil en grinçant et en grognant. Il a piqué vers la zone de l’entrepôt plongée dans l’obscurité, mais pas dans la direction d’où provenait la voix de Cygne.

« Il n’a pas tort », ai-je fait avant de gagner moi aussi le fond. Je n’avais pas vu Cygne de près depuis quinze ans. Derrière moi, Tobo s’est mis à cuisiner sa mère à propos de Murgen. L’indifférence de son père à son égard le chagrinait.

À mon sens, il y avait de fortes chances pour que Murgen ne sût même pas qui était Tobo. Il avait de gros problèmes avec la chronologie. Depuis le siège de Jaicur. Peut-être croyait-il encore vivre dans un présent vieux de quinze ans et avoir été projeté par ses rêves dans un avenir plausible.

 

Cygne m’a dévisagée quelques secondes quand je suis entrée dans le cercle lumineux de la lampe posée sur la table où il jouait aux cartes avec les frères Gupta et un caporal que nous avions surnommé Furtif. « Roupille, c’est bien ça ? Tu n’as pas changé. Gobelin ou Qu’un-Œil t’auraient-ils jeté un sort ?

— Dieu est miséricordieux pour ceux qui ont le cœur pur. Comment vont tes côtes ? »

Il a passé les doigts dans ses cheveux clairsemés. « C’est donc ça le problème. » Il s’est palpé le flanc. « J’y survivrai.

— Tu le prends plutôt bien.

— J’avais besoin de vacances. Me voilà désœuvré. Je peux me détendre jusqu’à ce qu’elle me retrouve.

— Elle le peut ?

— C’est toi le capitaine, maintenant ?

— Le capitaine reste le capitaine. Je conçois des traquenards. Elle peut te retrouver ?

— Eh bien, fiston, ça ressemble vaguement à la collision légendaire entre le machin que rien ne peut arrêter et le bidule inamovible. Je ne saurais pas trop sur qui parier. D’un côté, nous avons la Compagnie noire et ses quatre siècles de duplicité et de férocité. Et de l’autre Volesprit avec ses quatre cents ans de pure méchanceté et de démence. Ça se joue à pile ou face, m’est avis.

— Elle ne t’aurait pas marqué ?

— Juste de cicatrices. »

Au ton, j’ai parfaitement compris ce qu’il voulait dire. « Tu veux te joindre à nous ?

— Tu veux rire ? Vous n’auriez pas monté le coup de main de ce matin pour me demander de rejoindre les rangs de la Compagnie noire ?

— Nous avons monté le coup de main de ce matin pour prouver au monde que nous existons encore et que nous pouvons faire ce qui nous chante quand ça nous chante, Protectrice ou pas. Et aussi pour te kidnapper, afin que je puisse t’interroger sur la plaine scintillante. »

Il m’a encore fixée quelques instants avant de consulter ses cartes. « Voilà un sujet qui n’est pas revenu depuis longtemps sur le tapis.

— Tu comptes faire preuve d’entêtement ?

— Tu plaisantes ? Je parlerai à t’en rebattre les oreilles. Mais je parie que ça ne t’apprendra rien que tu ne saches déjà. » Il s’est défaussé d’un valet noir.

Furtif a bondi sur la carte et étalé une suite neuf-reine avant de jeter une reine rouge en souriant d’une oreille à l’autre. Il serait bien avisé de consulter Qu’un-Œil pour ses ratiches.

« Merde ! a grommelé Cygne. Je perds la manche. Où diable avez-vous appris à jouer, les gars ? C’est le jeu le plus enfantin du monde, mais je n’ai jamais rencontré un seul Taglien capable de le comprendre.

— On apprend vite quand on joue avec Qu’un-Œil, ai-je fait remarquer. Dégage, Sin. Laisse-moi jouer pendant que je pompe l’esprit de ce gusse. » J’ai tiré un tabouret à moi sans cesser une seconde de scruter Cygne. S’agissant de se glisser dans la peau d’un personnage, ce gars-là en connaissait un rayon. Ce n’était ni le Saule Cygne dont parlait Murgen dans ses annales ni celui qu’avait aperçu Sahra au Palais. J’ai ramassé mes cinq cartes de la donne suivante. « C’est pas une main, ça, c’est un pied ! Comment se fait-il que tu sois si détendu, Cygne ?

— Pas de stress. Ta main ne peut pas être pire que la mienne. Je n’ai même pas deux cartes qui se suivent.

— Pas de stress ?

— Je n’ai strictement rien à faire aujourd’hui, à part lézarder et me la couler douce. Jouer au tonk jusqu’à ce que ma mignonne rapplique pour me ramener au bercail.

— Tu n’as pas peur ? Les rapports dont je dispose disent que tu trembles encore plus que Fumée. »

Ses traits se sont durcis. Il n’appréciait guère la comparaison. « Le pire est derrière moi, non ? Je suis entre les mains de mes ennemis. Mais je me porte bien.

— Rien ne prouve que ça durera. Sauf si tu acceptes de coopérer. Zut ! Si ça continue, je vais devoir piller le tronc d’un temple. » La main n’avait même pas eu le temps de me revenir que la manche se terminait. Je n’avais pas gagné.

« Je chanterai comme un corbeau apprivoisé, a-t-il affirmé. Comme une chorale. Mais ça ne t’avancera guère. Je ne me suis jamais trouvé aussi proche du cœur des événements que tu pourrais le croire.

— Admettons. » J’ai surveillé attentivement ses mains pendant qu’il distribuait. Il me semblait que c’était l’occasion ou jamais, pour un manipulateur habile, de faire admirer son adresse et sa vélocité. S’il avait une idée derrière la tête, il ne fallait pas trop qu’il compte sur moi. J’avais appris avec Qu’un-Œil moi aussi. « Prouve-le. Explique-moi comment Volesprit a réussi à vous maintenir tous les deux en vie assez longtemps pour vous permettre de quitter la plaine.

— Fastoche. » Il a terminé sa donne. « Nous courions plus vite que les spectres qui nous pourchassaient. Nous montions ces étalons noirs que la Compagnie a ramenés du Nord. »

J’avais moi-même chevauché quelque temps une de ces bêtes. Ça répondait peut-être à ma question. Ils étaient capables de semer n’importe quel cheval ordinaire et de galoper presque indéfiniment sans se fatiguer. « Peut-être. Peut-être. Elle ne détenait aucun talisman particulier ?

— Pas dont elle m’ait parlé. »

J’ai jeté un coup d’œil sur une nouvelle main épouvantable. Cuisiner Cygne allait me mettre sur la paille. Je ne suis pas le meilleur joueur de tonk de la fine équipe. « Qu’est-il advenu des chevaux ?

— Autant que je sache, ils sont tous morts. Le temps, la sorcellerie ou leurs blessures ont eu raison d’eux. Et la reine des salopes n’a pas tellement apprécié. Elle déteste marcher et n’aime pas trop voler non plus.

— Voler ? » De surprise, je me suis défaussée d’une carte que j’aurais dû garder, ce qui a permis à l’un des frères Gupta d’abattre son jeu et de me rafler deux autres pièces de cuivre.

« J’ai l’impression que je vais adorer jouer avec toi, a laissé tomber Cygne. Ouais, voler. Elle possédait deux de ces tapis volants confectionnés par le Hurleur. Et elle n’est pas très douée pour les piloter. Je t’en parle par expérience personnelle. À toi la donne. Rien de tel que de se vautrer d’un de ces enfoirés au décollage, même s’il ne se trouve encore qu’à un mètre cinquante du sol. »

Qu’un-Œil s’est matérialisé. L’air aussi brillant et éveillé que d’habitude. « Il reste de la place pour un joueur ? » Son haleine puait l’alcool.

« Je connais cette voix, a grommelé Cygne. Non. Je te croyais mort depuis vingt-cinq ans. Il me semblait que nous t’avions fait la peau à Khadighat. À moins que ce ne soit Bhoroda ou Nalanda.

— Je cours vite.

— Tu n’entres dans la partie que si tu peux éclairer et promettre de ne pas donner, a déclaré Furtif.

— Et laisser tes mains bien en vue sur la table, ai-je renchéri.

— Tu me fends le cœur, greluchonne. Les gens pourraient s’imaginer que tu me soupçonnes de tricher.

— Tant mieux. Ça leur ferait gagner du temps et leur épargnerait beaucoup de souffrances.

— “Greluchonne” ? » s’est enquis Cygne. Ses yeux luisaient soudain d’un éclat tout à fait différent.

« Qu’un-Œil souffre de diarrhée verbale. Assieds-toi, vieillard. Cygne nous parlait justement des tapis magiques de Volesprit et de son goût pour les transports aériens. Et je me demandais si nous ne pouvions pas trouver un moyen d’en tirer profit. »

Cygne nous a dévisagés l’un après l’autre. J’ai observé les mains de Qu’un-Œil pendant qu’il ramassait sa première donne. Au cas où il aurait trafiqué ce paquet à un moment donné du passé. « Greluchonne ?

— Y aurait-il de l’écho ici ? a demandé Furtif.

— Est-ce que ça poserait subitement un problème ? me suis-je enquise.

— Non ! Non. » Cygne m’a montré la paume de sa main libre. « C’est juste que je vais de surprise en surprise. Volesprit croyait fermement qu’il n’existait plus aucun survivant de la Compagnie. Or je suis déjà tombé sur quatre personnes réputées décédées, dont le plus laid sorcier de la planète et cette Nyueng Bao qui se comporte comme si elle était le chef.

— Ne parle pas de Gobelin sur ce ton. C’est mon pote. Je me dois de prendre sa défense. » Qu’un-Œil a henni.

Cygne l’a ignoré. « Et toi que nous avions cataloguée parmi les hommes. »

J’ai haussé les épaules. « Peu de gens étaient au courant. Et ça n’a aucune importance. L’autre crétin au bandeau sur l’œil et au chapeau puant aurait dû faire preuve d’assez de présence d’esprit pour la boucler devant un étranger. » J’ai fait les gros yeux.

Qu’un-Œil s’est fendu la pipe, a pioché une carte et l’a rejetée. « C’est une battante, Cygne. Et futée, qui plus est. Elle a échafaudé en personne le plan de ton enlèvement. Tu travailles déjà sur autre chose, greluchonne ?

— Sur plusieurs projets. Il me semble que Sahra va jeter son dévolu sur l’inspecteur général.

— Gokhale ? Il ne peut rien nous apprendre.

— Disons qu’elle obéit à un mobile personnel, Cygne. Que sais-tu de Gokhale ? Il flanche pour les petites filles comme Perhule Khoji ? »

Qu’un-Œil m’a jeté un regard mauvais. Cygne semblait médusé. À mon tour de mettre les pieds dans le plat. J’avais laissé échapper une information.

Trop tard pour pleurer sur le lait renversé. « Alors ?

— Eh bien, c’est exact ! » Cygne était livide. Il se concentrait sur ses cartes mais ne parvenait pas à réprimer les tremblements de ses mains. « Eux deux et plusieurs autres membres de son service. Ce point commun les a réunis. La Radisha l’ignore. Elle ne veut rien savoir. » Il s’est défaussé avant son tour. Il avait perdu le goût du jeu.

J’ai compris où était le problème. Il s’imaginait que je lui parlais ouvertement parce que je comptais l’élever avant longtemps à un plan supérieur de l’existence. « Tu n’as rien à craindre, Cygne. Tant que tu te conduis convenablement. Et que tu réponds aux questions qu’on te pose. Bon sang, je suis contrainte de t’épargner ! Un tas de gars enterrés sous la plaine scintillante voudront te toucher deux mots à leur retour. » Un entretien entre Murgen et lui risquait d’être passionnant.

« Ils sont encore vivants ? » Il en restait baba, apparemment.

« Tout à fait. Simplement figés dans le temps. Et de plus en plus fumaces.

— Je croyais… Grand Dieu… Merde !

— Ne blasphème pas le nom de Dieu ! » a grogné Furtif.

Furtif est un Vehdna de Jaicur tout comme moi, mais beaucoup plus pratiquant. Il se débrouille pour prier au moins une fois par jour et se rendre au temple plusieurs fois par mois. Les Vehdnas d’ici le prennent pour un réfugié de Dejagore employé par Banh Do Trang en remerciement des services rendus aux Nyueng Bao pendant le siège. La plupart de nos frères s’appuient un travail réel et s’échinent à passer pour des piliers de la communauté locale.

Cygne a dégluti. « Vous ne mangez donc jamais, les gars ? Je n’ai rien avalé depuis hier.

— Ça nous arrive, lui ai-je répondu. Mais nous ne mangeons rien dont tu aies l’habitude. Ce qu’on dit des Nyueng Bao est vrai. Ils ne se nourrissent que de riz et de têtes de poisson. Sept jours sur sept.

— Le poisson me convient parfaitement pour le moment. Je rouspéterai le ventre plein.

— Furtif, nous allons devoir dépêcher une équipe de tueurs à Semchi pour protéger l’Arbre du Bhodi. La Protectrice tentera sûrement de le faire abattre. En l’en empêchant, nous nous ferions de nouveaux amis. » Je leur ai raconté l’immolation par le feu du disciple du Bhodi et la menace proférée par Volesprit d’en faire du petit-bois. « J’aimerais m’y rendre en personne, ai-je poursuivi, juste pour voir si la doctrine non violente des Bhodis est assez puissante pour leur interdire de réagir quand on détruit leur lieu le plus saint. Mais j’ai trop de travail sur les bras ici. » J’ai balancé mes cartes sur la table. « De fait, je vais m’y mettre immédiatement. »

J’étais fatiguée, mais il me semblait que je pouvais encore étudier quelques heures les annales de Murgen avant de sombrer.

« Comment diable peut-elle savoir tout cela ? a chuchoté Cygne alors que je m’éloignais. Et est-ce réellement une fille ?

— Jamais pu vérifier par moi-même, a déclaré Furtif. Mais elle a indéniablement certaines caractéristiques féminines. »

Qu’est-ce que ça pouvait bien vouloir dire ? Je suis un gars comme les autres.