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7 h 31 GMT
 
Guildford

 

 

Ash se réveilla aux premières lueurs de l’aube. La perspective de passer vingt-quatre heures de plus dans l’appartement de Kate à attendre son retour était insupportable. Il était d’une patience à toute épreuve, tant qu’il attendait avec la certitude d’arriver à ses fins, mais cette fois-ci, ce n’était pas le cas. La femme risquait de ne jamais revenir.

Elle essaierait tout de même, non ? Cet instinct de rentrer chez soi. En temps de crise, c’est ce que tout le monde cherche à faire. Rentrer chez soi.

Son retard pouvait être expliqué de façon rationnelle. Mardi après-midi, la situation était partie en vrille. Kate aura décidé, après avoir vu l’émeute et s’être rendu compte que les trains ne circulaient plus, de camper au travail pour la nuit. Mercredi, elle aurait espéré que l’ordre serait rétabli et qu’un service ferroviaire minimum aurait été mis en place. Mais sans succès. Il y avait sûrement une cantine à son travail. Une autre nuit de camping, avec des vivres et de l’eau en quantité suffisante. Jeudi, même chose. Sauf que les réserves de la cantine devaient commencer à manquer et tous les employés auraient hâte de rentrer chez eux. Il n’y aurait aucun bulletin d’informations à la radio, aucun signe de la police reprenant possession des rues. Vendredi, il serait devenu évident qu’elle et ses collègues ne pouvaient pas rester là indéfiniment. Les émeutes avaient dû se tasser, une fois l’intégralité des produits comestibles pillée.

Ash pensait qu’elle déciderait de rentrer au cours de la journée, elle partirait à pied en compagnie d’autres marcheurs inquiets et arpenterait les artères principales de Londres. Il lui faudrait quatre, cinq, voire six heures. Si aucun obstacle ne l’arrêtait ou ne la retardait en chemin.

Elle arrivera aujourd’hui.

Ash se dit qu’il prenait peut-être ses désirs pour des réalités. Mais il n’y avait pas vraiment d’autre alternative. Il pourrait peut-être retourner chez les Sutherland et attendre ? Inutile… Sutherland avait prévenu sa fille de ne pas rentrer. Il y avait d’autres noms dans leur répertoire, il pouvait les essayer un à un. Mais la plupart de ces gens – il avait vérifié sur une carte routière trouvée sur le guéridon de Kate – vivaient loin de Londres.

Il valait mieux attendre jusqu’au lendemain. Si elle n’était toujours pas revenue, il s’installerait alors chez les Sutherland. La fille, ou la femme, ou Sutherland lui-même, finirait bien par passer chercher quelques objets nécessaires… Ce bon vieil instinct, celui qui poussait à retourner chez soi, pouvait s’avérer très tenace.

Oui, ça irait. À la première heure demain matin, il rentrerait.