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8 h 05 GMT
Locaux de la BBC, Shepherd’s Bush, Londres
« Il a perdu du poids, commenta Cameron.
— Tu crois ? Je dirais plutôt qu’il en a pris. »
Cameron observa les écrans alignés au-dessus de la table de mixage. Sean Tillman et sa coprésentatrice, Nanette Madeley, y apparaissaient, échangeant quelques bons mots improvisés entre deux interventions.
« Non, ça se voit à son visage. Il a moins de bajoues. »
Sa productrice adjointe, Sally, plissa le nez pour accompagner son jugement.
« Je ne crois pas qu’il ait perdu du poids. Tu penses qu’il se sent menacé par la jeune équipe qui vient de débarquer sur Sky ?
— Bien sûr que oui, répliqua Cameron. Je me mets à sa place. Honnêtement, tu viens de te réveiller, tu allumes la télé et tu zappes : quel visage tu préférerais voir te balancer les infos ? Une ruine comme Sean Tillman ou un gars qui ressemble au petit frère de Robbie Williams en plus sexy ?
— Hum… dur à dire », répliqua Sally en jetant un œil désinvolte à leur moniteur réservé aux infos de dernière minute.
Les informations locales s’affichaient sur la bande déroulante et évoquaient une dispute entre fermiers du Norfolk tandis que le programme international de l’agence de presse Reuters annonçait les résultats d’une élection en Indonésie. Des trucs plutôt inintéressants, dans l’ensemble.
Cameron posa le regard sur l’écran et aperçut Sean Tillman qui étudiait son reflet dans un miroir de poche. « Je sais que Sean se sent aussi menacé par le syndrome menton. »
Sally émit un reniflement amusé.
« Ouais, c’est comme ça qu’il l’appelle. Il est furieux que le sol du studio ait été recouvert d’un lino plus clair le mois dernier. Je l’ai entendu geindre auprès de Karl, au maquillage, et se plaindre que le sol renvoie la lumière des projecteurs. Qu’il se retrouve maintenant éclairé par le bas. »
Cameron se pencha pour étudier l’écran et observer Sean et Nanette qui se préparaient à recevoir les instructions de Diarmid.
« Il n’a pas tort. Il a encore moins bonne mine, comme ça. Nanette semble en meilleure forme, bien plus radieuse depuis qu’ils ont changé le…
— Cameron ! murmura Sally.
— … revêtement du sol pour du lino. Pauvre Sean, quand même. On dirait que la chair de son menton brille. Et qu’elle tremblote sous son…
— Cam… ! répéta Sally d’un ton plus insistant.
— Quoi ? »
Elle pointa le doigt vers la bande Reuters.
À mesure que les mots défilaient lentement en bas du moniteur, il parcourut le texte qui prenait forme peu à peu.
« Merde ! lança-t-il en se tournant vers Sally. Il va nous falloir beaucoup d’images. Ça va monopoliser l’actualité de la journée.
— C’est si important que ça ?
— Tu déconnes ? »
Sally haussa les épaules.
« Une nouvelle bombe. Enfin quoi, on en a une bonne douzaine par jour, en Ir…
— Mais là, c’est pas en Irak », lâcha Cameron d’un ton tranchant qui la fit tressaillir.
Malgré le sentiment grandissant d’urgence et les premiers symptômes d’une migraine, il sentait qu’elle avait besoin d’un mot ou deux d’explication. « Crois-moi, cette histoire va grossir à vue d’œil et faut pas qu’on soit les derniers à monter dans le wagon. Prenons un train d’avance et récupérons toutes les données nécessaires. D’accord ? »
Sally acquiesça.
« Bien sûr, je m’y mets tout de suite.
— Merci », marmonna-t-il en la regardant sortir de la régie finale.
Il jeta un œil aux annonces Reuters, de nouveaux détails apparaissaient déjà.
Deux autres employés étaient restés auprès de lui dans la pièce et l’observaient en silence, attendant ses ordres. Il briefait généralement Sally qui les prenait alors en charge. Mais comme elle était partie en quête d’éléments indispensables, il allait devoir s’en occuper lui-même.
« Allez, Tim, passe-moi Sean et Nanette. Je pense qu’il faut que je les mette au courant de cette histoire. »