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7 h 00, heure locale
Frontière entre l’Irak
et la Turquie
Rouler vers le nord-est leur permit de contourner Mossoul. Ils traversèrent la région de Ninawa, une portion désolée et désertique de l’Irak septentrional. Ils passèrent aux abords de Sinjâr et Tall Afar, deux petites villes rurales qu’ils évitèrent soigneusement afin de n’engager aucun autre combat inutile. Le désert aride laissa place à des terres cultivées et irriguées alors qu’ils roulaient plein nord au cours de leur deuxième nuit. Ils passèrent à quelques kilomètres de la frontière syrienne en bifurquant vers le nord-est pour franchir la rivière Bachuk en direction de la Turquie.
Depuis Baïji, ils avaient parcouru presque trois cents kilomètres en deux nuits et trois pleins d’essence siphonnée. Le camion, malgré ses grincements assourdissants, ne leur avait pas encore fait faux bond, comme l’avait craint Andy. Mais c’était certainement trop lui demander que de lui faire traverser un deuxième pays.
Ils passèrent la frontière turque et le poste de contrôle sans incident. La barrière avait été laissée ouverte, à l’abandon. Le camion roula sur une ligne de peinture rouge presque effacée sur la chaussée : ils étaient officiellement en Turquie.
À côté d’un pâté de petits bâtiments de béton s’étendait une cour clôturée où avaient été garés des véhicules de toute sorte : camions, bus et camionnettes, immobilisés pour diverses raisons.
Le soldat Tajican, qui avait pris son tour pour conduire le camion, cria par la fenêtre pour attirer l’attention d’Andy, appuyé contre le toit de la cabine.
« On pourrait en prendre un pour la suite du voyage, chef ?»
Andy observa les véhicules. Ce serait certainement leur meilleure chance de changer de moyen de transport, et peut-être même de trouver de l’essence, de l’eau, des vivres. Surtout de l’eau. Sous cette chaleur, ils avaient rapidement épuisé le peu de réserves qu’ils avaient emportées.
«D’accord, gare-toi dans la cour », cria-t-il en réponse.
Tajican sortit de la route et fit passer le camion par une ouverture dans la clôture métallique.
Ils mirent pied à terre.
Westley s’approcha d’Andy, en quête d’ordres qu’il pourrait répercuter à ses hommes.
« Bon, commença Andy en observant les lieux, conscient que tous les regards étaient braqués sur lui dans l’attente d’instructions concises et claires à exécuter. Il faut que quelqu’un inspecte ces véhicules pour trouver de l’essence à siphonner, et en dégoter un en bon état qu’on pourrait utiliser pour la suite. Taj a raison, on ne peut plus vraiment compter sur notre tas de ferraille, il faut trouver autre chose. Et pendant qu’on y est, on devrait aussi jeter un œil dans ces bâtiments pour voir si on ne peut pas récupérer un peu d’eau et de nourriture. Westley ?
— Chef ?
— Mettons quelques hommes de guet, le temps qu’on fouille les maisons, d’accord ?
— Pigé », répondit Westley avant de se retourner pour beugler des ordres aux onze soldats de la section.
Andy sourit. J’ai été plutôt convaincant.
Il croisa le regard de Mike. L’Américain sourit et hocha la tête.
Westley chargea Tajican d’inspecter les véhicules avec six hommes. Il envoya trois soldats sur la route pour installer un point de contrôle improvisé afin de garder un œil dans les deux directions et de repérer d’éventuels mouvements.
« On va regarder à l’intérieur ? demanda Westley dans un geste du menton en direction des bâtiments.
— Ouais, répondit Andy. Voyons si on ne peut pas récupérer quelques trucs. »
Le jeune soldat se tourna vers les deux derniers hommes, Derry et Peters, qui venaient de poser leurs fusils et s’apprêtaient à retirer leurs casques.
« Allez, relevez-vous, bande de gros nazes. On est pas à une garden-party. On va inspecter les bâtiments.
— Hé, là, Wes, on se calme », marmonna Derry.
Westley colla une claque derrière la tête de Derry.
« J’entends encore des conneries sortir de ta bouche, Dezza, et je t’arrache la bite. Allez, bougez-vous le cul et suivez-moi. »
Ils grognèrent, se redressèrent et, obéissants, ils lui emboîtèrent le pas. Juste derrière eux, Mike taquina Andy au passage. «T’as plus qu’à intégrer leur langage fleuri, Andy, et tu seras comme un poisson dans l’eau. »
Andy haussa les épaules. Jenny pourrait ressentir une vague d’excitation à voir son intello de mari tenir le rôle – plutôt convaincant, d’ailleurs – du soldat courageux. Mais il n’était pas certain qu’elle soit enchantée de l’entendre rapporter chez eux ce langage de charretier.