La poussière tourbillonnait, créant des configurations complexes.
Une plume se détacha du bandeau d’un danseur.
Sam transforma la configuration, effaçant la poussière soulevée par sa trajectoire.
La plume flotta jusqu’au cercle, loin des pieds des danseurs.
La Danse continuait.
* * *
La sécurité de Gaeatronics s’était tue. Les codes d’accès du sous-marin avaient été transmis. Les automates étaient prêts pour Noguchi, les systèmes périphériques de Han bloqués.
La phase suivante pouvait commencer.
Il y avait les manifestations physiques d’Arachné. Il y avait les manifestations astrales. Il y avait aussi le cyberspace.
Sam voulait détruire la Matrice de Mère-Grand.
Il était impossible d’effacer le réseau d’informations. Trop d’intervenants étaient des êtres de chair. Mais piéger les banques de données handicaperait beaucoup les serviteurs d’Arachné.
Dodger et Morgane volaient vers la toile de cristal.
Il ne s’agissait plus d’une simple visite. Ils se préparaient à piller des données d’une importance capitale. Mais Morgane était pur esprit et Dodger possédait maintenant des pouvoirs surpassant les capacités de n’importe quel decker. Tandis que l’elfe vérifiait la structure des fichiers, à la recherche des blocs clés, Morgane s’occupait des GLACES. Une purge totale aurait été par trop inélégante : ils n’élimineraient que les dossiers importants, semant d’autant plus de confusion chez l’ennemi. Comme cadeau d’adieu, ils abandonneraient des virus et des chevaux de Troie. Des bombes logicielles et quelques programmes de combat prendraient soin du reste des données. Ce serait un joyeux bordel.
Dodger travaillait. A la limite de sa conscience, il sentit une présence, juste à l’extérieur du système de Mère-Grand.
Il l’ignora. Si la chose constituait une quelconque menace, Morgane s’en occuperait.
* * *
Le voyage dans la roche était lent, car ce n’était pas sa terre.
Il était également fatigant, ce qu’Urdli attribuait à la présence d’Estios. La terre n’appréciait pas qu’un étranger se déplace en son sein. Forcer le passage était épuisant.
A mesure qu’ils approchaient de leur destination, les secousses augmentaient. L’odeur de la pierre n’était pas bonne. La région était souillée par un parfum qu’il ne connaissait que trop bien.
Peut-être le chaman Chien ne s’était-il pas trompé, après tout…
Leur progression fut soudain bloquée par un mur. Il n’y aurait pas dû y en avoir. Urdli focalisa sa force, sentit une source de puissance inattendue. Un rythme de danse, des bribes de chants résonnèrent dans son esprit. Puisant dans la force qu’on lui offrait, l’elfe balaya la barrière.
Ils pénétrèrent dans une caverne illuminée et Estios s’écroula. Urdli ne perdit pas de temps à s’occuper de lui. La bombe était là, dans son container de transport.
Mais ce n’était pas son premier sujet d’intérêt.
La chose qui se trouvait entre lui et le container était vêtue d’un patchwork coloré. Des bandes de métal et des colliers de vertèbres d’animaux décoraient ses membres et son cou. Urdli reconnut différentes matrices magiques communes aux cultures primitives humaines. Pourtant la chose n’avait rien d’humain. De grands poils noirs poussaient sur sa poitrine, des pustules déformaient le velouté de sa peau d’ébène. Deux paires de membres déformés pendaient de ses épaules, et son visage était caché par un masque de bois et de plume.
— Je te connais, elfe, dit la chose.
— Je te connais, Arachné.
Le masque tomba sur le sol dans un bruit sec. La chose sourit. Ses lèvres humaines s’écartèrent tandis que les mandibules déchiraient son visage.
— Comme tu le vois, elfe, tout ne se passe pas selon votre plan. Arachné est sage, et tôt ou tard, tu te feras prendre dans sa toile. Vos efforts sont voués à l’échec. Arachné est une bonne tisseuse. Je l’ai appris il y a longtemps, quand j’ai accepté son offre de puissance. Toi aussi maintenant, tu peux recevoir sa bénédiction. Il n’est pas trop tard pour la rejoindre.
— Ton chemin ne me tente pas.
Urdli tendit son bras. Le mana claqua en un éclair puissant, blanc à force d’intensité contenue.
Le chaman dévia l’éclair. Une toile pourpre en dévora l’énergie.
Un rire de fausset emplit la caverne. Le combat avait commencé.
* * *
Esquivant le premier missile antiaérien, Willie précipita son engin vers le sol. Hart et ses mercenaires étaient secoués dans leurs harnais, impuissants. L’interfacée inversa la poussée et passa les turbines en mode atterrissage. Les turbulences cessèrent. Le VTOL était dans l’œil du cyclone.
Sur les moniteurs, Hart voyait voler les débris, la poussière et les orks qui gardaient les murailles de Weberschloss.
Seule une interfacée pouvait réussir à poser le VTOL dans la cour de la forteresse. Willie coupa les moteurs et l’engin tomba comme une pierre. Une brusque poussée au dernier moment… et c’était fini. Pas un atterrissage en douceur, mais pas un crash non plus.
Hart et sa demi-douzaine de mercenaires se dégagèrent instantanément de leurs sièges. Le vent hurlait quand ils sortirent de l’engin. Géorgie stoppa trois orks en pleine course et les mercenaires se déployèrent. Hart les suivait, en contact permanent avec Aleph. D’après ses informations, les Herbstgeist n’avaient pas de magiciens… Mais dans ce genre d’opération, on n’était jamais trop prudent.
Ils firent sauter les portes à la grenade et avancèrent méthodiquement, étape par étape. Une moitié de l’équipe prenait position, assurait le passage, puis faisait signe à la seconde moitié de foncer. Ils progressèrent ainsi par bonds jusqu’aux escaliers. Là, les cartes de Hart se révélèrent fausses. Des tunnels s’ouvraient où il devait y avoir des murs. Les sous-sols étaient en travaux et des machines-outils encombraient les couloirs, rendant la progression malaisée.
Le canal de communication de l’interfacée s’ouvrit :
— On a de la visite. Une troisième force. Ils sont au moins…
La transmission fut coupée.
Hart poussa ses mercenaires en avant, tentant d’ignorer l’inquiétude qui l’assaillait. Les elfes de Tir Tairngire les auraient-ils trahis ? Etaient-ils des agents d’Arachné ? Il fallait qu’ils atteignent les bombes et qu’ils finissent leur travail avant que les nouveaux arrivants s’interposent.
Vingt mètres plus loin, Hart localisa la planque et commença à travailler sur la porte blindée. Caliban n’avait pas été capable de lui donner la combinaison, mais il avait identifié le modèle. L’ouverture prit dix minutes. Moins qu’elle n’attendait, plus qu’elle n’espérait. Précautionneusement, elle se glissa à l’intérieur de la chambre forte.
On y voyait assez pour travailler. Ouvrant sa sacoche, Hart commença à répandre la poudre qu’elle avait conçue en suivant les spécifications de Sam.
— C’est le gros lot, dit Géorgie avec un long sifflement.
Trop occupée à se rappeler le chant que lui avait enseigné Sam, elle n’entendit même pas le commentaire du mercenaire. Il fallait faire vite. La mystérieuse « troisième force » ne devait plus être loin.
Elle faillit ne pas entendre un faible sifflement, derrière elle.
Elle se retourna. Géorgie était devant elle, son masque à oxygène et ses lunettes de vision nocturne lui donnant l’apparence d’un gros insecte.
Le sifflement sortait du cylindre qu’il tenait dans ses mains.
Hart eut le temps de lire l’inscription avant qu’il jette la bouteille à ses pieds. Dexsarin – Neurotoxique – Aérosol.