CHAPITRE XLIV

Les dix jours qui suivirent la fuite du Lusankya furent harassants pour l’Escadron Rogue. Privé de sa hiérarchie, le FPL multiplia les actions terroristes. L’unité, désormais renforcée par Corran et Tycho, dut effectuer de nouvelles missions qui réussirent à ralentir considérablement les activités de l’organisation impériale.

Quelques jours plus tard, la cérémonie promise par le général Cracken se déroula. L’Escadron Rogue se vit décerner une récompense spécialement créée pour l’occasion : l’Étoile du Courage de Coruscant.

Mon Mothma félicita les courageux pilotes sans qui la libération de Coruscant n’aurait pas été possible. Comme promis, elle disculpa publiquement Tycho Celchu, affirmant que son dévouement à la Nouvelle République ne souffrait aucune remise en cause.

Le plan de Ysanne Isard avait échoué. Ironiquement, le Krytos s’était révélé trop efficace, les malades mourant avant d’avoir pu le transmettre à leur entourage.

De plus, une analyse approfondie du germe avait permis à Qlaem Hirf de synthétiser un médicament spécifique permettant de le combattre : le rylca. Cette substance procédait d’un savant dosage de bacta et de ryll. Là encore, c’était l’Escadron Rogue, aidé par Mirax Terrik, qui avait obtenu ce composant lors d’une mission sur Ryloth.

Quant à Mirax, piégée au cours de l’attaque du convoi par les forces impériales, elle avait appris suffisamment auprès de l’unité d’élite de la Nouvelle République pour se tirer des situations les plus délicates.

Elle était donc parvenue à sortir indemne de l’aventure avec son vaisseau, le Pulsar.

La cérémonie, retransmise dans la galaxie entière via une centaine d’holocaméras, s’acheva sur une allocution de Mon Mothma, qui rappela avec sagesse que les pouvoirs qui ne tiraient pas leur légitimité de l’approbation populaire étaient voués à l’échec.

Wedge était ennuyé de ne pas se sentir très gai lors de la réception qui suivit la cérémonie.

Iella avait refusé de l’accompagner et il comprenait bien pourquoi. Tout le monde voyait en Diric une victime supplémentaire de Cœur de Glace. Mais sa femme se sentait responsable. Elle s’était persuadée que rien ne serait arrivé si elle avait fait preuve de plus de vigilance.

Antilles se rappelait la tournure désastreuse de leur dernière fête, qui avait suivi la destruction de la première Étoile Noire sur Yavin 4.

Borsk Fey’la se fraya un chemin à travers la foule et avança vers le chef des Rogue.

— Je voulais vous féliciter de cette opération rondement menée, annonça-t-il.

— Je vous demande pardon ?

— Un rapport a été établi sur l’intervention de votre unité dans le système d’Alderaan. Je comprends que cette mission ait été classée « Top Secret ».

— Elle l’a été, en effet. Il me semblait que ces informations pourraient compromettre la fabrication du rylca. Je me suis dit qu’interdire au public l’accès de ce dossier serait une bonne chose…

— Une bonne chose pour vous, coupa Borsk Fey’la.

— Non, pour vous, conseiller, répliqua Antilles.

La conversation se transformait en affrontement verbal. La colère commençait à monter en Wedge quand il sentit une main se poser sur son épaule.

Il se retourna et ne put s’empêcher de sourire.

— Par les étoiles de la galaxie ! s’exclama-t-il. Je ne pensais pas que tu viendrais, Luke.

Le Chevalier Jedi aux cheveux blonds serra la main du commandant Antilles.

— Je n’aurais pas manqué ça pour tout le gaz de Tibanna de Bespin, lança-t-il. Je suis un peu en retard parce que les reliques Jedi qu’un de tes hommes a découvertes dans le Musée Galactique sont tout à fait fascinantes.

— Corran m’a dit qu’il avait mis la main sur un sacré lot, acquiesça Wedge. Mais il a trouvé ça un peu macabre.

— En isolant ces salles, l’Empereur en avait fait son musée privé. Quand il a exterminé les Jedi qui y étaient représentés, il a défiguré leurs statues. Cet endroit incarne le caractère maléfique de Palpatine, mais je pense que les choses peuvent encore rentrer dans l’ordre.

Le Jedi se retourna et tendit la main à l’homme qui approchait.

— Tycho, quel plaisir de te revoir… et désormais au-dessus de tout soupçon !

— Merci, Luke. Je crois que tu connais Winter ?

Le Chevalier hocha la tête et salua la jeune femme.

— L’amie et confidente de ma sœur ? Très bien, oui… On dirait que j’ai plus souvent l’occasion de parler avec elle qu’avec Leia, surtout depuis qu’elle est enfermée dans l’ambassade de Hapès. Comment vas-tu, Winter ?

— Beaucoup mieux, maintenant que Tycho est libre. Je comprends que vous passiez le plus clair de votre temps dans le Musée.

— Oui : c’est une véritable mine. (Le jeune chevalier se tourna vers Wedge.) J’espérais que tu me présenterais le fameux Corran Horn…

— Avec grand plaisir.

Le leader de l’Escadron Rogue balaya la salle du regard. Ayant repéré le lieutenant, il lui fit signe de s’approcher. Corran fendit la foule, Mirax à son bras et Qlaem Hirf sur les talons.

— Luke, j’ai l’honneur de te présenter le lieutenant Corran Horn, Mirax Terrik et Qlaem Hirf, dit Wedge. Voici Luke Skywalker, Chevalier Jedi et fondateur de l’Escadron Rogue.

Corran sourit et serra la main de Luke.

— Je suis ravi de vous connaître, monsieur. Une des premières choses que m’ait dites le commandant Antilles, c’est que je n’étais pas Luke Skywalker. Vous êtes un modèle pour nous tous.

— Ça n’était pas mon intention. (Luke serra la main de Mirax.) Ce que Qlaem Hirf et vous avez fait pour sauver des vies sur Coruscant mérite davantage que de simples remerciements.

— Je n’ai pris en charge que le transport, précisa la jeune femme avec un haussement d’épaules. C’est Qlaem qui a fait le plus dur.

— Une trafiquante corellienne sans prétention ? s’étonna le Jedi.

— Mirax est plus intelligente que la plupart de ses compatriotes, précisa Wedge.

— Seul le travail est profitable, pas la vantardise, ajouta la propriétaire du Pulsar.

— En effet, admit Luke. (Il passa la main sur le bras de Qlaem ; celui-ci lui toucha le visage.) Nos remerciements pour avoir créé le rylca.

— Nous sommes des verachen, dit le Vratix. Notre joie réside dans nos succès.

— Et votre victoire fera beaucoup d’heureux.

Le chevalier plongea la main sous sa cape et en tira un cylindre d’argent, qu’il tendit à Corran.

— Cela vous appartient, il me semble.

— Non, monsieur. Je l’ai rendu au Musée, ainsi que le crédit Jedi. Je les avais empruntés en m’enfuyant et les ai restitués dès que tout est rentré dans l’ordre.

— Je sais… Ce que je voulais dire, lieutenant Horn, c’est que ce sabrolaser est à vous. Ces armes se transmettent souvent de génération en génération, au sein d’une même famille.

— Je pense que vous faites erreur, protesta Corran. Ce sabrolaser appartenait à un Jedi nommé Neeja Halcyon. C’est à sa famille qu’il devrait revenir.

— Il en sera ainsi. (Luke lui tendit l’objet.) Neeja Halcyon était votre grand-père.

Quoi ?

Wedge fut aussi surpris que son ami.

— Corran, tu ne m’as jamais dit que ton grand-père était un Jedi.

— Il ne l’était pas, lui assura le lieutenant. Mon grand-père se nommait Rostek Horn. Il travaillait pour la CorSec. Il a fait équipe avec un Jedi à une époque, mais c’est tout. (Corran montra le médaillon qu’il portait autour du cou.) L’homme qui figure sur ce pendentif devait être son ami, mais ce n’était pas mon grand-père.

— Votre père se nommait Hal Horn ? insista Luke.

— Oui.

— Et son nom de baptême était Valin Horn ?

— Oui, mais tout le monde l’appelait Hal. Vous ne croyez pas que c’était le diminutif de Halcyon ?

— Ce que je crois, Corran, c’est que Neeja Halcyon est mort pendant la Guerre des Clones et que son ami Rostek Horn a soutenu sa veuve et son fils dans cette tragédie. Rostek a épousé votre grand-mère et adopté votre père.

« Quand l’Empereur a entrepris d’exterminer les Jedi, Rostek Horn, compte tenu de sa position au sein des forces corelliennes, s’est arrangé pour modifier les registres afin de protéger la famille de Neeja. Vous et moi venons tous deux de familles à forte tradition Jedi, mais nous avons découvert cet héritage très récemment.

Le jeune chevalier mit le sabrolaser dans les mains de Corran.

— Vous pouvez croire que trouver cette arme était une coïncidence, mais il n’en est rien. Je dois vous dire une chose : sur les deux douzaines de sabrolasers stockés dans la pièce, trois seulement auraient fonctionné sans avoir besoin d’être rechargés. Et celui-ci reposait dans un coffre depuis bien plus longtemps que les autres.

— Vous voulez dire que mon grand-père n’était pas mon grand-père ? souffla Corran.

— Il était votre grand-père. Il a pris sur lui d’élever votre père d’une manière qui ferait honneur à Neeja Halcyon, et le protégerait du Côté Obscur de la Force. C’était très courageux. Quant à moi, je consacre ma vie à rétablir l’ordre des Chevaliers Jedi. Je veux que vous vous joigniez à moi. Apprenez et entraînez-vous avec moi. Devenez un Jedi.

— Vous voulez faire de moi un Chevalier Jedi ? répéta Corran, incrédule.

— Oui. Ensemble, nous nous assurerons qu’aucun Empereur ne réduira plus la galaxie en esclavage.

Mirax serra le bras de son compagnon.

— Chevalier Jedi. C’est un sacré honneur, souffla-t-elle.

— Non, répondit Corran.

— C’est un honneur, renchérit Wedge. Je t’envie.

— Vous ne comprenez pas. Je suis conscient de l’honneur que me fait Luke, mais ma réponse est non.

Borsk Fey’la en resta bouche bée.

— Non ? couina-t-il.

— Non. Il y a encore certaines choses que je dois faire… Erisi et Cœur de Glace doivent payer pour leurs crimes.

— Méfiez-vous de la vengeance, Corran, l’avertit Luke. Pareils sentiments ouvrent la voie au Côté Obscur de la Force.

— Ce n’est pas une question de vengeance. J’ai fait une promesse à des gens qui m’ont aidé. Des prisonniers qui sont encore sur le Lusankya. J’ai promis que je reviendrais les libérer. Nous savons où se trouve le vaisseau : il est sur Thyferra. Je dois retourner les chercher.

— Nous ne pouvons pas laisser Ysanne Isard et Fliry Vorru contrôler les réserves de bacta de la galaxie, approuva Wedge. Nous devons poursuivre Cœur de Glace, et le plus tôt sera le mieux.

— Commandant, vous ne serez jamais autorisé à mener cette opération, protesta Borsk Fey’la. Vous avez ordre de rejoindre le Mon Remonda et de poursuivre le seigneur de guerre Zsinj.

— Ces ordres ont été donnés avant la fuite de Cœur de Glace avec Erisi et Fliry Vorru, et avant qu’elle ne s’empare de Thyferra. On ne peut pas nous demander de les suivre. Ça ne serait pas juste.

— Si, commandant. Rappelez-vous que les Thyferriens ont eux-mêmes destitué leur gouvernement et choisi Isard comme dirigeant. Cette révolution relève de la politique intérieure de Thyferra.

— Et le Conseil Provisoire ne peut se permettre d’intervenir dans la politique intérieure d’un monde, parce que ça pourrait en dissuader d’autres de rejoindre la Nouvelle République, murmura Wedge.

— Ça pourrait même en convaincre certains de la quitter et de tenter de la détruire. Vous feriez aussi bien d’accepter l’offre de Luke, parce que votre unité ne peut rien pour Thyferra…

— Puisque c’est comme ça, je démissionne, annonça Corran.

— Vous ne pouvez pas ! s’étrangla Fey’la. Antilles, faites-lui entendre raison.

— C’est lui qui est dans le vrai, lança Wedge. J’ai rejoint la Rébellion pour combattre la tyrannie de l’Empire. Et ça n’est pas parce que nous avons pris Coruscant que la lutte est terminée. La Nouvelle République ne peut pas attaquer Thyferra, mais certains Rebelles le peuvent. Je démissionne aussi.

Borsk Fey’la se tourna vers Tycho.

— Il semble, capitaine Celchu, que l’Escadron Rogue soit désormais sous votre commandement, souffla-t-il.

— Je ne crois pas. Je suis redevenu un civil depuis trop longtemps. Considérez-moi comme hors du coup.

Le coéquipier de Corran lui posa une main sur l’épaule.

— Ooryl démissionne, grogna-t-il.

— Idem pour Nawara et moi, enchaîna Rhysati Ynr.

— Je démissionne aussi, renchérit Gavin.

Aryl Nunb, Inyri Forge et Riv Shiel suivirent le mouvement.

— Nous partons, déclarèrent-ils de concert.

Asyr Sei’lar prit le bras de Gavin.

— Je démissionne, lâcha-t-elle à son tour.

— Vous êtes une Bothane, vous ne pouvez pas, cria Fey’la.

— Je suis avant tout une Rogue. C’est fini.

— Vous ne pouvez pas faire ça. Vous n’avez pas d’appareils ! argumenta le conseiller bothan.

— Sauf votre respect, je n’ai jamais fait don de mon aile X à la Rébellion. Donc, j’ai un appareil, riposta Corran.

— Tant mieux pour vous, lieutenant Horn, mais vous êtes le seul. Les autres n’ont pas les moyens d’acquérir des vaisseaux. Une aile X et un transporteur déglingué peuvent-ils s’attaquer à un superdestroyer ?

Mirax lança à Fey’la un regard noir.

— Le Pulsar n’est pas déglingué, fit-elle. Si les Rogues ont besoin d’appareils, je peux leur en trouver.

— Et payer pour eux ?

Tycho sourit avec malice.

— Pour autant que je me souvienne, dit-il, la Nouvelle République a fait grand bruit au sujet de certains comptes bancaires garnis de sommes conséquentes… qui m’appartiendraient.

— Cet argent a été fourni par Isard pour vous discréditer ! cria le Bothan.

— La meilleure utilisation qu’on puisse en faire serait de l’employer pour la combattre, ne croyez-vous pas ?

— C’est de la folie ! Vous ne pouvez pas ! hurla Fey’la, le poil hérissé. Jedi Skywalker, ramenez-les à la raison. Ils échoueront s’ils essayent.

— Comme disait toujours mon maître, répondit Luke, il n’y a pas d’essai. On peut faire une chose ou on ne peut pas. Il semble que tu aies déjà choisi, Wedge.

— Ce n’est pas un choix. Nous sommes, euh… nous étions l’Escadron Rogue. Nous agissons et nous réussissons même l’impossible.