CHAPITRE XIII

Corran Horn se sentait aussi lourd que le Trandoshan qui le traînait dans le corridor du centre d’interrogatoire. L’injection qu’un droïd M2 lui avait faite dans sa cellule d’isolation commençait à agir. Il perdit conscience et rêva.

Lorsqu’il revint à lui, ce fut pour se trouver face à Isard au milieu d’une pièce entièrement blanche.

Cœur de Glace fronça les sourcils.

— Je suis fascinée par le fait que toutes vos sessions d’interrogatoires vous ramènent automatiquement à la mort de votre père. Nombre de psychiatres interpréteraient ça comme une justification de votre goût pour des disciplines aussi inutiles que l’entraînement Jedi. Pas moi.

Corran cligna des yeux. Il n’avait aucun souvenir de son passage du corridor à la chambre d’interrogatoire, ni de la créature qui l’aidait à tenir debout. Les sangles qui lui maintenaient les épaules, la poitrine, la taille, les poignets et les chevilles l’irritaient à tel point qu’il devina être attaché depuis déjà un bon moment. Il ne se rappelait rien d’autre que d’avoir vu son père mourir de nouveau. De plus, sa gorge était à vif ; il avait dû hurler dans son délire.

Isard se retourna et fit signe à d’invisibles sous-fifres à travers un mur de miroirs.

— Vous n’êtes pas assez impliqué dans les affaires de la Rébellion pour m’être utile, pour autant que j’aie pu en juger. Toutefois, peut-être êtes-vous parvenu à résister partiellement.

— Vous ne vous adressez pas à la bonne personne, répliqua le prisonnier en secouant la tête.

— Alors il ne me reste qu’à faire de vous la bonne personne, non ? (Isard parut irritée.) Si Gil Bastra ne vous avait pas envoyé vers les mondes extérieurs, vous auriez fini par faire partie intégrante de la Rébellion. Vous auriez bénéficié de la confiance du général Cracken, et vous m’auriez alors été très utile. Malgré tout, il est possible qu’il vous ait fait intégrer l’Escadron Rogue dans le but de surveiller Tycho Celchu et de découvrir ses liens avec moi.

— Vous vous trompez.

— Mais si, c’est certainement ce qu’il a fait. Vous étiez son agent, non ?

— Non. Je n’étais pas un des espions de Cracken.

— Si j’étais naïve, je pourrais être tentée de vous croire. Malheureusement, il me faut des preuves.

Isard s’écarta tandis que le Trandoshan faisait demi-tour, portant un appareil hérissé de sondes. Corran sentit une odeur d’ozone quand le non humain s’approcha. Il n’aima pas le déclic qu’il entendit à ses pieds.

Isard sourit d’une manière qui donna envie à Corran d’aller mourir dans un coin.

— C’est une variante des appareils créés par Dark Vador pour torturer (entre autres) Yan Solo à Bespin, expliqua-t-elle. Comme vous le savez, les humains possèdent plusieurs types de récepteurs nerveux. L’appareil est conçu pour en stimuler trois.

« L’original agissait seulement sur les récepteurs de douleur. J’ai trouvé la stimulation de chaud et de froid plus efficace pour obtenir ce que je voulais.

« Nous allons commencer, lieutenant Horn. Dites-moi ce que je veux savoir.

 

Iella Wessiri se sentit désolée pour Erisi Dlarit quand Ettyk tenta de s’assurer sa coopération. En s’intéressant aux dépositions avant l’ouverture du procès, Iella et Halla avaient constaté que certains membres de l’Escadron Rogue se montraient réticents à dire quoi que ce soit contre Tycho Celchu. Halla avait décidé de les faire témoigner d’abord, avant les autres personnes qui pourraient, elles, attester de l’implication de Tycho avec l’Empire.

— Officier pilote Dlarit, comment avez-vous été amenée à venir sur Coruscant il y a deux semaines ?

— Corran et moi nous sommes fait passer pour un Kuati telbun et sa maîtresse, répondit-elle. Nous sommes restés ensemble durant presque tout notre séjour. Nous étions bons amis et nous entendions bien.

— Vous aviez confiance l’un en l’autre ?

— Oui, nous partagions quelques confidences. Il est difficile de garder un secret quand vous vivez dans une telle promiscuité avec quelqu’un.

— Corran se sentait-il libre de vous parler de certaines choses ?

— Objection ! C’est sans rapport avec la question, intervint Nawara.

— Ce sont les fondements de mon interrogatoire amiral Ackbar, soutint Halla. Le témoin a vécu quelque temps avec Corran dans la dernière partie de sa vie. Je pense que ça le rend apte à nous donner des informations sur son comportement.

— Objection rejetée, trancha le Calamarien.

— Nous avons parlé de différentes choses, de manière ouverte et franche, se résolut à répondre Erisi.

— Comment qualifieriez-vous Corran Horn ?

— C’était un homme combatif et sensible à la fois.

— Comment s’est-il comporté la nuit de la prise de Coruscant ?

— Il semblait anxieux et agité.

— Pourquoi, d’après vous ?

— Corran disait… (Erisi hésita.)

— Objection, opposa Nawara, ce ne sont que des ouï-dire.

— Je maintiens ma question, Votre Honneur, dit la représentante de l’accusation. Le témoin a établi que Horn était inquiet et agité.

— Ma distinguée collègue comprendra sans doute que ça ne justifie aucunement sa question, déclara le Twi’lek.

— Objection accordée, trancha Ackbar.

— Très bien. Pilote Dlarit, reprit Ettyk, avez-vous parlé avec le lieutenant Horn avant de partir en mission ce soir-là ?

— Oui.

— Vous avez spécifié qu’il semblait inquiet et agité. Avez-vous trouvé cette attitude inhabituelle ?

— Objection : l’avocat influence le témoin, intervint à nouveau Nawara.

— Reformulez votre question, commandant, ordonna Ackbar.

— Pilote Dlarit, que vous a inspiré l’état d’esprit de Horn à ce moment ?

— Je pouvais comprendre son inquiétude. Nous étions tous anxieux au sujet de la mission et de son issue.

— Et son agitation ?

— Ça ne lui ressemblait pas.

— Avez-vous vu ou entendu quelque chose qui aurait pu, d’après vous, l’expliquer ?

— J’ai vu Corran parler avec le capitaine Celchu, admit le témoin après une hésitation. Mais je n’ai pas entendu ce qu’ils se disaient. Puis Corran est venu discuter avec moi.

— Et qu’en avez-vous conclu ?

— Que quelque chose dans cette conversation avait perturbé Corran.

Iella baissa les yeux sur son bloc-notes. Halla avait obtenu d’Erisi tout ce qu’elle espérait : un témoignage démontrant que Corran était de mauvaise humeur à l’issue de sa conversation avec Tycho Celchu.

— Le témoin est à vous, annonça-t-elle.

Le Twi’lek se leva.

— Officier pilote Dlarit, combien de temps s’est écoulé entre les deux derniers entretiens que vous avez eus avec Corran ?

— Une heure.

— Vous dites avoir vu Corran parler avec le capitaine Celchu. L’aviez-vous vu parler avec quelqu’un d’autre avant ?

— Non.

Nawara leva la tête comme si cette réponse le surprenait.

— Vous n’avez pas vu le lieutenant Horn s’entretenir avec Mirax Terrik ?

— Si, je suppose, admit Erisi avec un haussement d’épaules. Je les ai vus l’un près de l’autre, puis je l’ai vue, elle, partir en courant. Mais je ne me rappelle aucune conversation.

— Pourtant, vous admettez qu’ils ont pu parler ?

— Oui.

— Donc, pour autant que vous sachiez, le lieutenant Horn a pu être perturbé par d’autres conversations ?

— Je suppose. C’est possible.

— Merci, officier pilote, ce sera tout.

 

Corran se sentait comme un bloc de glace brûlante. Sa chair était bouillante alors que ses os semblaient gelés. Chaque récepteur de douleur de son corps réagissait de manière quasi constante. La douleur partait de ses pieds et remontait comme une vague.

Il entendit un sifflement ; l’instrument de torture se rétracta. Corran pendait mollement au bout des sangles ; il accueillit avec plaisir la souffrance qu’elles causèrent en s’enfonçant dans sa chair. De la sueur perla sur son visage et piqua violemment à l’endroit où il se mordait les lèvres, mais cette sensation était un profond soulagement en comparaison de ce qu’il venait de subir.

Ysanne Isard pénétra dans la chambre d’interrogatoire et intima au Trandoshan de sortir.

— Je vous trouverais fascinant si vous en saviez davantage, Horn. Votre résistance à la douleur est remarquable.

Le prisonnier aurait voulu hausser les épaules, mais il n’en avait plus la force. Il ne se rappelait pas ce qu’il avait dit. Il se souvenait juste que, dans de brefs instants de lucidité, il avait tenté de se focaliser sur le froid ou la chaleur, ce qui avait un peu atténué la douleur.

— Vous me posez un problème. Vous n’en savez pas suffisamment pour m’être utile, et vous n’avez qu’un rôle secondaire au sein de la Rébellion. Si je vous renvoyais vers eux, ils vous traiteraient probablement comme Celchu. Mais je pourrais vous retourner contre vos amis de l’Escadron Rogue et me servir de vous pour les détruire.

Corran parvint à rassembler des forces qu’il n’espérait plus et sourit.

— Vous ne vivrez pas assez longtemps pour voir ça, lâcha-t-il.

— Très bien, vous êtes en colère contre moi, c’est excellent. Haïssez-moi ! Je transformerai cette haine en désir de vengeance contre ceux qui ne vous ont pas secouru. Vous ne serez ni le premier ni le dernier dans ce cas.

— Je ne céderai pas.

— Oh si ! Ils finissent tous par céder. Et quand vous aurez plié, vous ferez tout ce que je vous demanderai, pour me remercier, sans poser de questions ni chercher à vous montrer aussi loyal envers vos amis.