CHAPITRE V

Quand il entra dans la salle de réunion, Wedge aperçut les membres de l’escadron qui s’installaient à leur place. Riv Shiel, l’homme loup shistavanéen, affichait son habituel air sévère et impénétrable. Gavin Darklighter, le cadet, semblait de très bonne humeur, quoiqu’un peu sous pression. Wedge dépassa Aril Nunb et s’arrêta devant la table d’holo-projection.

— J’apprécie que vous soyez venus si vite, commença-t-il. J’espérais que nous aurions au moins une semaine de liberté après la conquête de Coruscant…

— Nous n’avons pas eu le temps de fêter ça, grogna Pash Cracken avec un haussement d’épaules.

— Je sais, reprit Wedge. La mort de Corran, puis l’arrestation de Tycho, nous en ont empêchés. Mais ce dont nous pouvons être sûrs, c’est que l’Empire est la source de tous nos problèmes. Toutefois, nos ennuis ne sont rien comparés à ceux que connaissent des millions de gens ici.

Il désigna du doigt Nawara, Riv Shiel et Aril Nunb.

— Trois d’entre nous ont contracté le virus Krytos, poursuivit-il, mais ils ont pu bénéficier d’un traitement au bacta. La demande est énorme maintenant, et les réserves sont au plus bas.

— Je sais que les cartels en produisent autant qu’ils peuvent, tout au moins le groupe de Xucphra intervint Erisi Dlarit, une pilote thyferrienne. J’ai adressé plusieurs messages à mon grand-père pour l’informer de notre besoin de bacta.

— Merci, Erisi : toute aide, même minime, est vitale. Le seigneur de guerre Zsinj a intercepté un convoi de bacta en provenance de Thyferra. Je pense qu’il provenait du groupe Zaltin, et donc pas de l’entreprise de votre famille. Zsinj a transféré la cargaison dans un entrepôt, mais un Rebelle ashem…

— Terroriste ! lâcha la jeune femme.

— … se trouvait à bord du convoi. Il a pu intercepter un message concernant l’emplacement spatial loué par Zsinj.

Wedge fit signe à Aril Nunb, qui projeta une représentation holographique.

— Ceci est une station de type impérial située dans le système Yag’Dhul, expliqua-t-il. Elle possède un armement de dix batteries turbo-laser et six canons laser. Elle peut abriter jusqu’à trois escadrons de chasseurs Tie. Le bacta est stocké là, et nous allons le récupérer.

Pendant qu’il parlait, de petites icônes rouges apparurent autour de la station, chacune représentant un vaisseau et décrivant son rôle dans l’opération.

— Nous utiliserons deux escadrons des Défenseurs du général Salm, poursuivit-il, avec lesquels nous effectuerons un rase-mottes éclair sur la station pour obliger les Impériaux à sortir leurs chasseurs. Les escadrons Gardien et Champion nous accompagneront. Vous vous souvenez certainement d’eux : ils nous ont secourus à Borleias.

Un Gand assis au fond leva la main.

— Autant que Ooryl se rappelle, risqua-t-il, les Défenseurs ont des ailes Y. Pousser des chasseurs Tie à sortir pour les attaquer me semble potentiellement dangereux.

— Je tiens compte de votre inquiétude, Ooryl. L’escadron Protecteur, troisième force des Défenseurs, est équipé d’ailes B, ce qui lui donne une puissance de feu considérable. Nous ferons sortir les Tie et nous les éloignerons de la station. Les ailes B les attaqueront à ce moment et nous les soutiendrons.

« Les ailes Y poursuivront leur route vers la station et liquideront les systèmes de défense avec leurs canons ioniques. Une demi-douzaine de navettes d’attaque nous suivront, ainsi que suffisamment de transporteurs pour emporter le bacta. On attaque, on prend et on s’en va, résuma Wedge.

— Ça a l’air d’une promenade de santé, ironisa Gavin.

— Peut-être. (Pash Cracken se pencha en avant.) Où est supposé se trouver le Poing d’Acier ?

— Je n’ai reçu aucune directive le concernant, admit Wedge.

Le navire amiral du seigneur de guerre Zsinj était un des superdestroyers construits par les chantiers Kuat avant l’effondrement de l’Empire. Ces vaisseaux remplaçaient une véritable flotte à eux seuls. Ils transportaient cent quarante-quatre chasseurs et plus d’un million de personnes, et étaient armés de plus d’un millier de lance-missiles, canons ioniques et batteries de turbo-laser.

Chacun savait que si la flotte rebelle était parvenue à détruire l’Exécuteur, c’était un coup de chance. Si le Poing d’Acier se manifestait à Yag’Dhul, l’opération serait vouée à l’échec. Wedge en était conscient, tout comme les pilotes présents dans la pièce.

— Je suis aussi inquiet que vous sur ce point, poursuivit-il. Mais les services secrets ont repéré ce vaisseau et il ne devrait pas nous gêner. S’il apparaissait, tout ce que nous aurions à faire serait de nous retirer.

Et d’espérer que personne n’y reste.

Rhysati Ynr, une femme blonde assise près de Nawara Ven leva la main.

— Volerons-nous à couvert quand les navettes d’assaut arriveront, ou allons-nous entrer dans la station aussi ? demanda-t-elle.

— Pour l’instant, nous sommes censés voler à couvert. Si les choses évoluent, vous en serez les premiers informés. Nous partons dans douze heures ; vous êtes donc tous en quarantaine de sécurité. Regagnez vos quartiers et préparez-vous. Rendez-vous ensuite au hangar pour un briefing plus approfondi et un exercice de simulation. D’autres questions ?

— Oui monsieur, répondit Gavin, l’air nerveux. La présence de Nawara à nos côtés ne risque-t-elle pas de compromettre la défense de Celchu ? Je veux dire, ne devrait-il pas rester pour l’organiser ?

— Vos inquiétudes sont fondées, Gavin, mais mineures comparées à ce qui nous préoccupe. La mort de Corran nous a déjà privés d’un pilote ; nous avons besoin de tout le monde.

— Whistler et M3 procèdent pour moi à une recherche informatique, ajouta Nawara. La partie purement juridique interviendra plus tard. Il me semble que si nous parvenions à récupérer le bacta, la pression politique diminuerait et que cette affaire serait peut-être classée, comme elle le mérite.

— Que la Force soit avec vous sur ce point, souhaita Wedge. Si c’est tout, nous pouvons y aller. Je veux tout le monde au hangar dans une heure au plus tard.

Tandis que les pilotes commençaient à quitter la salle, il croisa le regard d’une Bothane à la fourrure noir et blanc.

— Sei’lar, pourriez-vous m’accorder un moment ? demanda-t-il.

— Oui, commandant.

Elle s’approcha et se mit au garde-à-vous.

— Repos, Sei’lar.

— Merci, monsieur.

— Vous devriez garder vos remerciements pour plus tard, quand vous aurez entendu ce que j’ai à vous dire. (La fourrure de la Bothane se hérissa.) Tout d’abord, Gavin.

— J’avais cru comprendre que les couples n’étaient pas interdits au sein de l’escadron, s’offusqua-t-elle : Nawara et Rhysati, Erisi et Corran…

— Je ne crois pas qu’il y ait eu quelque chose entre Corran et Erisi, répliqua Antilles.

— Mais la manière dont elle a réagi à sa mort…

— Ils étaient proches, pas plus, pour autant que je sache.

Wedge se tut quelques instants. Mirax Terrik avait été abattue par la mort de Corran, et elle lui avait parlé de leur projet d’avoir une liaison une fois la conquête de Coruscant achevée. Bien que Corran n’ait jamais révélé ses sentiments envers Erisi ou Mirax, son attirance pour cette dernière était évidente, ce qui conduisait Wedge à penser qu’Erisi était hors du coup.

— De toute façon, reprit-il, ça n’a rien de commun. Gavin n’a que dix-sept ans. Il est très jeune et n’a pas l’expérience que vous a procurée votre éducation au sein de l’Académie martiale bothanne. Il est intelligent, mais il a été élevé sur Tatooine ; il est resté quelque peu idéaliste.

Asyr ouvrit de grands yeux.

— M’ordonnez-vous de cesser de le voir ?

— Non, pas du tout, fit Wedge, amusé. Vous êtes sortis ensemble seulement deux fois.

— Quelqu’un nous a-t-il espionnés ? s’enquit Asyr.

— Non, justement. Gavin est tellement obsédé par vous qu’il ne contrôle pas toujours bien son enthousiasme. Même s’il reste très discret sur vos entrevues, il est heureux de faire savoir combien vous vous amusez ensemble.

« C’est innocent et naturel, mais ça montre qu’il est en train de tomber amoureux de vous. Il serait certainement très blessé si vous le quittiez brusquement. Je ne veux pas le voir souffrir, alors si vous ne l’aimez pas vraiment, quittez-le tout de suite, s’il vous plaît.

— Qu’est-ce qui vous fait croire que je pourrais me jouer de lui ?

— C’est la seconde chose dont je voulais vous parler, Sei’lar. Je me demande si vous ne travaillez pas sur un autre projet. Vous êtes sortie parmi les premiers de votre promotion à l’Académie bothanne, mais vous n’êtes jamais officiellement entrée dans l’armée.

« Vos références sont vagues, pourtant j’imagine, au vu de votre âge, que vous avez été recrutée par les services secrets bothans dans le cadre du remplacement des agents morts en piratant les plans de la seconde Étoile Noire.

— Vous oubliez que j’ai participé aux opérations de l’Alliance pour reprendre la planète, protesta la jeune femme.

— Je n’ai jamais dit que vous étiez stupide, Sei’lar. Bien au contraire, je vous crois très intelligente. Vous avez saisi une occasion et tout mis en œuvre pour la faire aboutir. C’est pour cette intelligence que je vous veux dans l’escadron.

« Je pense que vous constituez un atout majeur pour la Rébellion. D’autre part, il est évident que vos maîtres bothans vous jugent eux aussi très utile. Ce qui signifie que, tôt ou tard, vous allez devoir prendre une décision.

— Une décision concernant Gavin…

— Et votre loyauté envers votre planète, ajouta Wedge.

— Ou mon escadron.

— Précisément.

— Exigez-vous que je me décide maintenant ?

— Attendez d’en ressentir la nécessité, mais je veux conserver la confiance que j’ai en vous. Si vous décidez que vous ne voulez pas faire partie de l’escadron, vous pourrez vous en aller et je serai fier de vous avoir comptée parmi nous.

— Aucune menace de représailles si je vous trahis ?

— Si vous décidez de nous faire défaut, j’ignore si nous survivrons assez longtemps pour nous venger de vous. D’un autre côté, les Rogues sont assez rancuniers : vous pouvez donc imaginer la suite des événements.

— Je m’en souviendrai. (Sei’lar sourit, ce que Wedge trouva de bon augure.) Et, commandant… Au sujet de Gavin, je n’ai pas d’autre projet. Sa vision des choses est rafraîchissante. J’ai longtemps vécu dans l’ombre, et revenir à la lumière me fait beaucoup de bien. Je ne ferai rien pour le blesser.

— Bien. (Wedge la reconduisit à la porte.) Allez vous préparer pour le briefing. Je suis persuadé que vous décèlerez les failles de ce plan et que vous nous aiderez à les combler avant que Zsinj n’accomplisse ce que rêve l’Empire : la destruction de l’Escadron Rogue.