CHAPITRE XXXIV
Depuis qu’il travaillait secrètement pour Ysanne Isard, jamais il n’avait reçu un message si paniqué. Même après que l’Alliance eut pris Coruscant, quand la jeune femme avait disparu de la circulation, elle semblait, d’après ses messages, persuadée que ses activités conduiraient la Nouvelle République à sa perte.
Il devait bien admettre qu’elle était presque parvenue à ses fins. À cause de la crise du bacta, le gouvernement n’avait plus la confiance des citoyens, et l’attaque d’un convoi par le seigneur de guerre Zsinj avait encore entamé sa crédibilité. La Nouvelle République ne voyait qu’un moyen de se sortir de ce pétrin : nommer une commission dirigée par Yan Solo et chargée d’assassiner Zsinj.
Mais le plus grand tort causé à la Nouvelle République était venu du gouvernement lui-même avec le procès de Tycho Celchu, érigé en symbole de l’Empire. Aidé par les vives protestations des Rogues, les héros adulés de l’Alliance, Nawara avait démontré que ces accusations étaient probablement créées de toutes pièces.
Il ne savait pas si Celchu était innocent et ne s’en souciait guère. Isard était capable de faire paraître coupable un saint.
En plus de le convoquer, le message lui ordonnait de poster plusieurs de ses équipes à divers endroits du Centre Impérial et sur la colline du Sénat. Les hommes devraient être armés, et tirer à vue sur les personnes dont Isard avait joint le dossier.
La plupart des lieux ne pouvaient pas être rejoints à cette heure : un foyer au quarante-troisième étage du Palais Impérial, une aile abandonnée du Musée Galactique, et une ancienne salle de la sous-commission du Sénat. Il était surpris que le seul endroit où elle ne lui avait pas demandé de placer des hommes soit la Cour de Justice Impériale.
Fliry Vorru fronça les sourcils. Elle aurait pu y envoyer Loor, songea-t-il.
Allumant son bloc-notes, il consulta les rapports établis par les hommes qu’il avait chargés de surveiller l’agent impérial. Il ne s’était rien passé depuis plus d’une heure, le moment où Loor avait quitté son bureau. Au cours des dernières semaines, sa cible avait appris à déjouer sa surveillance, mais elle se montrait toujours dans des endroits où il était facile de retrouver sa trace.
Un rapport concernant les activités des hommes Loor attira l’attention de Vorru. Trois équipes de dix individus s’étaient rassemblées dans l’entrepôt qu’il utilisait pour stocker son artillerie lourde. Pourtant, il ne se rappelait pas avoir ordonné une opération requérant un tel matériel.
Vorru réalisa que c’était un de ses entrepôts qui allait être attaqué. Et les ordres d’Isard l’amenaient à disperser ses troupes pour l’empêcher de se défendre.
La cible sera sûrement la réserve de bacta, conclut-il. C’est le seul endroit sous mon contrôle qui pourrait l’intéresser. Cœur de Glace se rendra coupable d’une action terroriste contre moi, ce qui renforcera ma couverture et me dégagera de toute association avec elle.
Bien que les ordres d’Isard soient destinés à épargner sa vie, Vorru n’en retirait aucune satisfaction. Si les choses se passaient comme d’habitude, la jeune femme apparaîtrait en hologramme et le blâmerait pour une raison ou une autre. Elle le faisait chanter en le menaçant de le dénoncer aux Rebelles ; il marchait toujours dans son jeu, et elle semblait se satisfaire de l’avoir sous son contrôle.
Ce qu’elle ne comprend pas, et qu’elle n’a jamais compris, c’est que je n’ai pas peur d’elle. L’Empereur me considérait comme un rival, et elle n’est rien comparée à lui. Je travaille avec elle parce que nous poursuivons les mêmes buts. Je peux l’utiliser contre la Nouvelle République et en tirer bénéfice par la même occasion.
Vorru sourit et prépara les ordres qu’il donnerait à ses milices pour les placer où Isard le voulait. En revanche, il réduisit le nombre d’hommes de douze à trois par poste, car il destinait le reste à sa réserve de bacta.
Quand elle voudra savoir pourquoi j’ai évacué mon entrepôt, je lui dirai que l’Alliance m’a envoyé en mission. Et pour que ça ait l’air vrai…
Vorru régla son comlink sur une fréquence sûre et composa un numéro. Il laissa le temps aux crétins endormis de l’autre côté de la ligne de se réveiller, puis parla lentement et clairement.
— Pardonnez-moi d’appeler si tard, conseiller Fey’la, mais je ne savais pas vers qui d’autre me tourner. J’ai eu vent d’une attaque imminente sur une réserve de bacta. Si nous agissons rapidement, nous pourrons éviter une tragédie.
Dans le noir, tout ce que Wedge pouvait voir de M3 était les yeux brillants du droïd.
— Que se passe-t-il, M3 ? s’enquit-il.
— Pardonnez cette intrusion, commandant, mais nous venons de recevoir un message urgent de l’amiral Ackbar. Nous devons arrêter des terroristes.
Wedge secoua la tête pour se remettre les idées en place.
— Des terroristes, dans notre secteur ?
— Non, monsieur. Ils vont attaquer un dépôt de bacta. Vous devez couvrir les troupes qui partent les intercepter.
Wedge se redressa et s’appuya un instant sur le dosseret du lit.
— Avertissez l’escadron, ordonna-t-il.
— C’est fait, monsieur. Les pilotes arrivent tous, sauf maître Ven. Son comlink ne répond pas.
— Essayez encore. Quand vous aurez réussi à le joindre, passez-le-moi. Allez chercher Zraii et préparez les ailes X. Dites-lui que je ne veux pas d’un retard dû au ravitaillement en combustible.
— C’est fait, monsieur. (M3 désigna le bloc-notes posé sur le bureau de Wedge.) Le briefing préliminaire vous a déjà été transmis, indiqua-t-il.
— Merci. (Le commandant sauta hors du lit.) Du café, beaucoup de café pour moi et pour les autres, ordonna-t-il. J’ai le sentiment que nous allons devoir être bien réveillés pour cette mission.