CHAPITRE XIX
— Je suis presque certain, colonel Vorru, de ne pas aimer la tournure que prennent les événements, grogna Kirtan Loor. (Il lança un regard hautain au petit homme, sans obtenir l’effet d’intimidation escompté.) Je vous ai invité ici par pure politesse, pour vous informer de mon plan et non pour vous permettre d’y opposer un veto.
— Mais j’y ai mis mon veto, répliqua Vorru avec un haussement d’épaules.
— Non ! Je ne peux autoriser ça ! cria l’agent impérial, les poings levés. Notre arrangement prévoyait que je vous laisse choisir des cibles pour affaiblir le gouvernement de la Nouvelle République. J’ai accepté de tenir compte de vos décisions dans les cas où elles tendaient à ce but, mais cela n’en fait pas partie.
Il piétinait nerveusement dans son bureau, s’agitant comme un papillon de nuit près d’une source de lumière.
— La destruction des Rogues était ma priorité bien avant la prise du Centre Impérial. Maintenant, ils sont à ma merci. J’ai ici un escadron d’ailes X, que je compte bien utiliser pour attaquer leur base et les anéantir. Ce sera la fin d’une mission qui m’a déjà pris beaucoup trop de temps.
Vorru se pencha en avant et posa ses pieds sur le bureau, faisant tomber une pile de cartes.
— Vos priorités m’importent peu, dit-il. Je juge cette attaque trop risquée : elle conduirait le général Cracken à se douter que je suis votre informateur.
— Ne vous inquiétez pas pour ça. Le but de cette mission est de ramener du ryll. Or, les Twi’leks n’ont pas franchement soutenu la Rébellion. Au sein de la Nouvelle République, le plus puissant d’entre eux est Nawara Ven. Ils ont besoin de lui comme négociateur. Le ministère public a donc obtenu un ajournement du procès.
« Ça laisse tout le temps à l’Escadron Rogue d’aller sur Ryloth et d’en revenir. Je sais depuis un moment où est basée cette unité. C’est ma chance de faire d’une pierre deux coups : me débarrasser d’eux et faire échouer leur mission, ce qui ébranlera considérablement la Nouvelle République.
— Votre raisonnement se tient, agent Loor, mais il ne me concerne en aucune façon. Je trouve admirable votre acharnement à détruire l’Escadron Rogue. Hélas, le moment me semble mal choisi. C’est pourquoi je ne saurais vous donner mon accord.
— Et si je décidais d’ignorer votre avis ?
Vorru secoua la tête en signe de désapprobation.
— Tenez-vous vraiment à me tester, Kirtan Loor ?
L’agent impérial hésita. Bizarrement, l’air calme et posé du petit homme l’impressionnait.
— Vous tester ne nous mènerait nulle part, se borna-t-il à répondre.
— Je vous ai toujours su raisonnable, agent Loor, approuva Vorru.
Il se leva et tira de sa poche une datacarte que Loor introduisit dans son bloc-notes électronique, avant d’ouvrir un dossier nommé « cible.meurt.doc. ».
L’hologramme d’un bâtiment apparut.
— C’est petit, remarqua Loor en se penchant pour mieux voir. Je ne distingue ni zones de stockage de bacta ni entrepôts. De quoi s’agit-il ?
— D’une école.
— Une école ? Une académie de formation, vous voulez dire ?
— Non, une école. Pour les enfants.
— Les enfants des dirigeants rebelles ?
— Ces dernières années, ils ont été trop occupés pour procréer… C’est juste une école normale, avec des enfants normaux.
— Pourquoi ?
— Pourquoi ? Parce que ces élèves sont issus de la population locale.
Loor s’assombrit.
— Ma question était : pourquoi une école ?
— Allons, agent Loor, vous n’espérez pas faire une omelette sans casser les œufs ? Vous comptiez sans doute conserver un peu d’honneur. En visant des entrepôts militaires et des usines remplies d’adultes, vous inspirez la peur. En visant des centres de distribution, vous pouvez inquiéter les parents au sujet du bien-être de leurs enfants, mais seul le Krytos est responsable de leur mort. Pas vous. Je me trompe ?
— Peut-être que…
— Peut-être que rien du tout ! C’est exactement ce que vous pensiez. Et, pour cette raison, vos efforts auraient été réduits à néant. Menacez un enfant, et vous vous mettrez ses parents à dos. Tuez un enfant, et sa famille se murera dans le chagrin. L’image de la Rébellion s’en ressentira. Les gens réclameront que des mesures soient prises, et c’est moi qu’on chargera de leur exécution.
Et vous voudriez que je vous serve de bouc émissaire, ajouta mentalement Loor. Le sentiment de contrôler la situation s’évanouit en un clin d’œil. Son avenir lui parut soudain tout tracé : il exécuterait des missions toujours plus sanglantes pour le colonel Vorru, jusqu’à ce que ce dernier le trahisse et le sacrifie à ses ambitions.
Il lui semblait presque comique de juger Vorru démoniaque parce qu’il projetait de s’attaquer à une école, alors que lui-même considérait l’anéantissement de l’Escadron Rogue comme son devoir. La différence, c’était qu’en agissant ainsi il servirait l’Empire, alors que Vorru ne servait que sa propre cause.
Kirtan Loor appuya sur un bouton de son bloc-notes et lut la liste des fournitures nécessaires à l’opération.
— Quand ? demanda-t-il.
— Dans une semaine. D’ici là, le procès ne sera plus au centre des conversations, et nous pourrons monopoliser l’attention du public.
— Vais-je devoir sacrifier certains de mes hommes à votre milice ?
— Pas dans l’immédiat. J’ai sous la main quelques individus gênants qui mourront dans un accident d’airspeeder. La composition chimique des explosifs sera la même que pour l’école. Cela entraînera Cracken dans la direction que je veux lui faire prendre, et vous pourrez agir librement.
— Allez-vous désigner d’autres cibles ?
— Non. Faites simplement la liste d’une demi-douzaine de celles que vous visez, et j’en choisirai une ou deux. Je les utiliserai pour tester mes subordonnés ; la compétition stimulera leur efficacité.
— J’imagine.
— J’en suis certain, agent Loor. (Vorru esquissa un vague salut.) Dans l’attente des résultats de votre œuvre…
Wedge jeta un regard autour de lui. Il se trouvait dans un laboratoire situé au cœur du Centre Impérial.
— Alors, c’est ici que le Krytos a été élaboré ? demanda-t-il.
Le général Cracken acquiesça.
— Vous aurez remarqué en entrant que cette pièce est maintenue sous une pression négative, précisa-t-il. Si les scellés sont brisés, l’air rentre mais ne sort pas, ce qui évite que des virus puissent s’échapper.
Cracken conduisit Wedge au milieu d’une horde de blouses blanches, dans une arrière-salle où se tenait déjà Qlaem Hirf, occupé à saisir des informations. Plusieurs droïds travaillaient à l’intérieur et à l’extérieur de la pièce, dirigés par un Verpine qui ressemblait à un clone du Vratix.
— Commandant Antilles, nous sommes honorés de votre visite, fit celui-ci, effleurant la joue du pilote en guise de salut.
Wedge lui toucha le bras.
— Tout le plaisir est pour moi, répondit-il. J’espère vraiment que mon escadron dirigera cette expédition vers Ryloth.
— Oui, nous savons cela. Nous savons également que Mirax vous accompagnera.
— C’est exact, confirma Wedge.
Le voyage du Centre Impérial à Ryloth prendrait cinq jours et c’était un peu long, coincé dans le cockpit d’une aile X. Dix des douze appareils seraient chargés à bord d’un transporteur rebelle modifié, le Courage de Sullust. Wedge et Mirax voyageraient dans le Pulsar à l’intérieur de l’aire de chargement qui, si tout allait bien, serait remplie de ryll au retour.
— Comme vous me l’avez demandé, dit Airen Cracken au Vratix, je vous ai amené le commandant Antilles. Vous aviez quelque chose à lui dire ?
— Oui. Nous avons analysé le virus. Le ryll aura certains effets sur lui, mais nous avons appris que les Twi’leks le classent selon différents degrés d’efficacité. La majeure partie de l’épice disponible sur Ryloth est du plus bas niveau.
— Ils n’exportent pas le meilleur, je peux comprendre ça.
— Le type de ryll le plus rare est connu sous le nom de kor. Il représente à peu près trois pour cent de la production totale. C’est de celui-là dont nous avons besoin.
— Comment ferai-je la différence ? s’enquit Wedge.
— Le kor a un goût de… Vous devriez être capable de le distinguer, je crois.
— Probablement pas.
— Il absorbe la lumière, à l’exception des ultraviolets.
— Ce qui signifie ?
— Il semble noir comme du charbon, sauf pour les gens qui perçoivent les ultraviolets, expliqua Cracken. Je possède un appareil capable de différencier le kor du ryll coloré en noir. Vous devriez vérifier, même si votre Gand est sans soute capable de se débrouiller seul en la matière.
Ça ne me surprendrait guère, songea Wedge. Il ne dort pas, ne respire pas, et peut reconstituer un membre endommagé.
— Je demanderai à Ooryl s’il voit les ultraviolets, assura le pilote. Quoi qu’il arrive, je vous ramènerai votre kor.
— Faites-le, Wedge, et nous pourrons enfin soigner cette infection.
Alors, je serai tenu par ma promesse de vous représenter auprès du Conseil Provisoire.
— Nous serons revenus très bientôt, je vous l’assure. Et vous savez que je suis un homme de parole.