CHAPITRE XI

À l’arrière d’un véhicule antigrav, Wedge tentait de deviner en quoi ce que Mirax avait découvert à bord du Pulsar pouvait menacer l’Alliance. Pourvu qu’il s’agisse d’autre chose que de bacta, souhaitait-il.

Son droïd le conduisit jusqu’au hangar où se trouvait le Pulsar. Même s’il voulait arriver le plus vite possible, le ton qu’avait employé Mirax le poussa à demeurer prudent. Il avait appris beaucoup au contact du père de la jeune femme, Booster Terrik, et notamment à ne pas se précipiter.

Wedge regrettait de ne pas disposer d’une arme. En revanche, il possédait un comlink sur lequel il prit le temps de présélectionner la fréquence d’urgence de l’escadron.

Il s’obligea à ralentir à l’approche du hangar et vérifia régulièrement qu’il n’était pas suivi. Arrivé devant la porte, il s’annonça. L’ordinateur reconnut sa voix et le laissa entrer.

Wedge pénétra dans l’aire de sécurité.

Il sourit en voyant le Pulsar. L’engin de type Baudo modifié avait la forme d’un gros poignard. Il ressemblait beaucoup à un célèbre poisson corellien.

Wedge traversa le hangar et se dirigea vers la rampe de chargement. Au sommet de la passerelle, il salua le Sullustéen Liât Tsavy, qui lui répondit par un simple signe de tête et écarta son arme pour le laisser passer. Il avança vers la soute ouverte et aperçut Mirax assise sur une caisse de duraplast.

Une unique lampe rouge éclairait la soute dans un rayon d’à peine plus de deux mètres. Pourtant, à la manière dont la jeune femme regardait autour d’elle, Wedge devina que quelque chose de vivant se cachait dans la pièce.

Un frisson lui parcourut l’échine, et des pensées folles lui traversèrent l’esprit. Il s’efforça de découvrir ce qui pouvait bien captiver l’attention de Mirax et crut voir briller une lumière rouge au sommet d’un dôme noir, qu’il prit pour le casque de Dark Vador.

Non, il est mort, ça ne peut pas être lui, se persuada-t-il.

Il sourit à Mirax.

— Je suis là. Comment vas-tu ? s’enquit-il.

— Je tiens le coup, Wedge, lui assura-t-elle.

Le ton de sa voix semblait optimiste, donnant à Wedge une raison d’être légèrement soulagé.

— Merci d’être venu si vite. Je ne vois pas qui d’autre aurait pu m’aider. (Elle désigna la partie obscure de la pièce.) Wedge Antilles, voici Qlaem Hirf, un Vratix de Thyferra, membre du Cercle Ashem.

— Enchanté de faire votre connaissance, commandant Antilles.

La voix grave et calme avait prononcé son nom avec une précision respectueuse. Qlaem s’avança. Sa tête d’insectoïde comportait deux yeux proéminents à facettes ; Wedge réalisa que c’était la lumière reflétée dans l’un d’eux qui l’avait fait penser au casque de Dark Vador.

Ses antennes pendaient sur son visage et ses mandibules incurvées demeuraient pressées l’une contre l’autre.

Son cou filiforme était vissé sur un thorax et un abdomen cylindriques. La première de ses trois paires de membres se terminait par trois doigts délicats et un pouce plus épais, tous pourvus de griffes crochues.

— Ravi de vous rencontrer, Qlaem Hirf.

Wedge sourit et tendit la main au Vratix. À son tour, celui-ci avança la main vers Wedge, la leva et passa ses doigts sur le visage du commandant.

— Il trouve que l’ouïe et la vue sont des sens incomplets, expliqua Mirax.

— Une perspective intéressante, admit Wedge. Qlaem, êtes-vous l’agent ashem qui nous a renseignés sur le bacta détenu par Zsinj ?

— En effet, confirma la créature insectoïde. Nous aurions préféré vous l’amener, mais c’était impossible. Nous ne sommes pas assez riches.

— Je ne suis pas certain de vous comprendre.

— Assieds-toi, Wedge, suggéra Mirax. C’est assez compliqué.

— Est-ce que je vais apprécier ? interrogea-t-il en s’installant près d’elle.

— En partie, je crois.

Qlaem se plaça de manière à mettre son visage à leur hauteur.

— Vous connaissez notre monde, commença-t-il.

— Un peu. Thyferra appartient au système Plolith, un milieu très propice à l’agriculture. Le bacta y est produit et distribué par Zaltin et Xucphra, les deux corporations qui en détiennent le monopole. Elles sont de nature féodale, permettant aux humains de gouverner un monde où les Vratix sont majoritaires.

— Exact. Vous n’en savez pas autant que Mirax, mais c’est exact.

— S’il vous plaît, dites-moi ce que j’ignore.

— Nous ne pensons pas disposer de suffisamment de temps pour ça.

— Alors, dites-moi ce que vous jugez utile que je sache.

— Les propriétés curatives du bacta ont été découvertes sous l’Ancienne République. Beaucoup le considéraient alors comme une panacée. Les corporations qui contrôlent maintenant Thyferra ont obtenu de faibles profits, mais sur une plus grande quantité de ventes. Ils ont créé de nombreux centres de manufacture annexes, tous sous licence, supervisés par un Verachen vratix. Leur idée était de produire du bacta au prix le plus bas.

— Vous voulez dire qu’il y a eu un jour une compétition pour le marché du bacta ?

— Oui, mais vous n’étiez pas encore né. La Guerre des Clones a révélé une chose : le bacta soignait les soldats les plus grièvement blessés et les rendait réceptifs à des prothèses mécaniques. Ils pouvaient ainsi retourner au combat, épargnant à l’armée la formation de nouveaux hommes. En tant que pilote, vous avez une idée de ce que coûte un apprentissage ; l’économie est donc évidente.

— Je sais aussi que de nombreux pilotes, dont moi, doivent leur vie au bacta.

— Il en est ainsi. L’Empereur décida que seule son armée devait bénéficier d’une réserve de bacta. Il supprima alors toutes les petites manufactures au profit de Zaltin et de Xucphra, qui réalisèrent d’importants profits et utilisèrent des soldats impériaux pour anéantir leurs concurrents.

— Que signifie le terme « verachen » ? s’enquit Wedge.

— Ce que nous sommes, expliqua Qlaem. Le bacta est un produit organique à base d’alazhi et de kavam ; les Verachen veillent au bon dosage de ces composants. Chaque lot possède une force minimale, mais certains s’avèrent plus efficaces. C’est le cas de la cargaison que nous vous avons offerte.

« Verachen est un mot au pluriel parce que nous communiquons à un niveau subsensoriel… ce qui crée une certaine unité entre nous, même si nous sommes éloignés géographiquement.

— Qlaem n’est pas un il à proprement parler, ajouta Mirax. Les Vratix sont à la fois mâle et femelle ; ils changent de sexe à différents stades de leur vie qui, je crois, est assez longue. Lorsqu’il évoque la Guerre des Clones, il en parle par expérience.

— Alors, voudrais-tu éclaircir cette histoire de cadeau pour moi ? s’enquit Wedge.

— Bien sûr. Si vous n’y voyez pas d’inconvénient, Qlaem, dit Mirax, en se tournant vers la créature.

— Nous vous sommes reconnaissants pour votre aide.

— Il t’offre le bacta, expliqua Mirax, prenant une profonde inspiration.

— Pourquoi à moi ? interrogea le pilote Rogue.

— Votre réputation est parvenue jusqu’à nous. Vous êtes un homme bon et prudent qui apprécie la loyauté. C’est également notre cas, sourit Qlaem.

— J’en suis très honoré, affirma Wedge. Mais je ne comprends toujours pas.

La créature se tourna vers Mirax.

— Vous expliquerez ça mieux que nous, dit-elle.

— Les Vratix te donnent ce bacta car ils veulent que tu les représentes auprès du Conseil Provisoire. Ils veulent rejoindre la Nouvelle République.

— Quoi ?

La surprise de Wedge céda rapidement à une sensation de catastrophe. Bien que seul fournisseur de bacta, Thyferra était demeuré résolument neutre, de manière à conserver à la fois la clientèle de l’Empire et celle de l’Alliance. Pour lui plaire, cette dernière avait même été jusqu’à inclure dans l’Escadron Rogue deux Thyferriens, l’un issu d’une famille Xucphra, et l’autre d’une famille Zaltin.

Bror Jace, le pilote représentant les Zaltin, avait été tué en combattant l’Empire. Quant à Erisi Dlarit, elle volait encore avec l’escadron, et considérait les Ashem comme de monstrueux terroristes.

C’est bien là le problème, songea Wedge. Si la Nouvelle République accordait un statut aux Ashem, la réaction du gouvernement thyferrien ne se ferait pas attendre. Et, malgré les efforts d’Erisi, tout espoir d’obtenir du bacta de la part du cartel s’évanouirait.

— Il n’y a aucun problème avec le bacta que vous avez mis à notre disposition, n’est-ce pas ? Vous ne devez pas y ajouter quelque chose pour le rendre efficace, de telle sorte que si je refusais, il serait inutile ? interrogea Wedge.

— Jadis, des Verachen ont pollué une cargaison de bacta. Ils avaient de bonnes raisons, mais les conséquences furent inacceptables. Les Vratix vous demandent de l’aide, mais ils ne peuvent le faire au détriment de vos hommes. Le bacta est un cadeau.

— Quoi ?

— Nous sommes venus sur Coruscant parce que nous savions que vous ne pouvez mettre vos hommes en péril en prenant notre parti. En tant que Verachen, nous avons les moyens de mettre en jeu plus que du simple bacta. Nous sommes ici pour étudier ce virus et le vaincre.

— Mais il pourrait vous tuer, protesta Wedge.

Qlaem haussa les épaules.

— De grands risques sont nécessaires pour triompher des grands maux. Vous le savez.

— En effet. Votre offre m’impressionne, mais je ne peux prendre une telle décision seul. Je dois en parler à certaines personnes.

— Pas au Conseil ? s’enquit Mirax.

— Non, pas au Conseil. Pas tout de suite. Je n’ai qu’une possibilité : le général Cracken. Si on venait à apprendre la présence de Qlaem, ou si Erisi savait qu’un Vratix travaille pour nous, Thyferra en serait rapidement informée, et nous nous retrouverions dans une impasse. Cracken peut nous apporter la sécurité et toutes les ressources dont Qlaem aura besoin.

— Et ça pourrait lui faire oublier Tycho, ironisa la jeune femme.

— En effet.

— Je suis heureux que vous soyez ici, Qlaem Hirf, conclut Wedge. Si vous pouvez faire quelque chose pour vaincre le virus, je vous représenterai avec plaisir auprès du Conseil et je prendrai votre parti sur Thyferra en cas de besoin.