CHAPITRE XXXV

Corran fut réveillé par un bruit. Il eut une poussée d’adrénaline en reconnaissant l’endroit où il se trouvait.

Il savait qu’il n’était plus à l’intérieur de Lusankya, au moins l’espérait-il. Mais il gardait à l’esprit que sa fuite pouvait n’être qu’une mascarade organisée par Isard.

Il se leva du très confortable divan où il s’était assoupi malgré lui. Le tunnel abritait un équipement luxueux et séduisant, surtout comparé à l’endroit où il avait passé ces dernières semaines. Corran trouva une station de rafraîchissement et put prendre sa première douche depuis sa capture.

Blaster au poing, il se dirigea vers la trappe de sortie et l’ouvrit. Devant lui, ce qui devait être un ascenseur privé semblait l’attendre. L’appareil était décoré de panneaux de bois sombre mais ne comportait aucun bloc de commande, ce qui inquiéta le fugitif. Malgré tout, il entra et laissa les portes se refermer derrière lui.

L’ascenseur monta rapidement mais en douceur.

Le pilote se tapit dans un coin, juste à droite des portes, prêt à faire feu s’il le fallait.

La cabine ralentit, puis s’arrêta. Les portes s’ouvrirent en silence. Une odeur de renfermé agressa les narines de Corran. Se glissant prudemment hors de l’ascenseur il distingua, au-delà d’un mur constellé de toiles d’araignées, une pièce grise peuplée de silhouettes. Il eut un mouvement de recul, puis regarda de nouveau.

Personne n’a l’air de bouger, nota-t-il. En dehors des araignées et de leur nourriture, il n’y a rien de vivant ici.

Rasant le mur, il pénétra dans la grande salle rectangulaire. Un nuage de poussière tourbillonna au niveau de ses pieds et recouvrit ses chaussures. Horn n’avait aucune idée de l’endroit où il se trouvait, mais il était gêné par l’atmosphère malsaine du lieu, une chose surprenante, en l’absence de menace directe.

Les silhouettes qu’il avait aperçues n’étaient que des statues et des mannequins. Lorsqu’il s’approcha de la première, une lumière brilla avant de se muer en un hologramme figurant le buste d’un homme. Une voix venant du pied de la statue annonça :

— Avan Post, maître Jedi de Chandrila. S’est distingué dans la Guerre des Clones.

Corran leva les yeux pour voir si l’hologramme correspondait à la statue, mais sa tête avait été détruite. Poursuivant son exploration, il acquit la conviction que l’endroit était une sorte de musée. Tout se ramenait d’une manière ou d’une autre aux maîtres et aux Chevaliers Jedi.

Toutes les statues avaient été défigurées ; tandis que certaines gisaient en morceaux sur le sol, d’autres avaient été mutilées ou criblées de trous.

Le pilote retira sa tunique et enfila un vêtement emprunté à l’un des mannequins : la rude toile brune irritait sa peau nue au point de le rendre fou.

Pour autant que je me rappelle, un Jedi aurait choisi ce genre de tenue pour s’entraîner à ignorer les sensations physiques susceptibles de le distraire, songea-t-il.

Il ne se souvenait pas d’où il tenait cela, peut-être de son père ou de son grand-père. Les Jedi s’étaient éteints à l’époque où Corran avait appris leur existence. Avec l’avènement de l’Empire, le sujet était devenu tabou.

Le pilote porta une main à sa gorge. Avant de partir en mission pour Coruscant, il avait confié à Whistler le médaillon hérité de son père. Mirax l’avait identifié comme étant un crédit Jedi, une sorte d’insigne fabriqué en nombre limité pour marquer la progression d’un Correlien du stade de chevalier à celui de maître.

Je suppose qu’en le portant, mon père défiait l’Empire à sa manière.

Corran s’empara d’une cape brune et la noua autour de son cou. Il la faisait tourner autour de lui quand un éclat doré attira son attention. Il ôta un peu de poussière de la vitrine d’où venait le scintillement, et sa gorge se serra.

Ce médaillon, souffla-t-il, ressemble à celui que je portais, excepté que les yeux ont été arrachés. Qui représente-t-il ?

Agacé que la légende holographique de la statue devant laquelle il l’avait trouvé ne fonctionne pas, Corran flanqua un coup de pied dans la vitrine. Un hologramme apparut, montrant la silhouette d’un homme mince. Puis une voix de soprano s’éleva et annonça :

— Neeja Halcyon, Maître Jedi de Corellia. Mort durant la Guerre des Clones.

L’image se figea, montrant Halcyon debout aux côtés d’un adolescent. La légende disait : « Neeja Halcyon et un apprenti ». Puis l’hologramme disparut. Mais il fallut quelques secondes à Corran pour réaliser une chose.

Ce garçon, c’était mon père…

Il avait vu des reproductions de son père enfant, et l’apprenti d’Halcyon lui ressemblait trait pour trait à cet âge. Mirax lui avait expliqué que ces médaillons étaient donnés à leurs familles, à leurs amis, à leurs apprentis et à leurs maîtres par les chevaliers qui figuraient dessus.

Si mon père a étudié avec Halcyon, ça expliquerait pourquoi il possédait cette pièce. Mais il ne m’a jamais dit avoir connu un Jedi ou s’être entraîné avec. Mon grand-père l’a fait, mais il n’a jamais parlé d’Halcyon. Je dois me tromper.

Corran flanqua un nouveau coup de pied au socle de la statue, mais rien ne se produisit.

J’ai besoin de lumière pour voir qui se trouve réellement sur cet hologramme.

Il enroula sa tunique de prisonnier autour de son poing et le lança contre la vitrine.

Le verre se brisa. Corran regarda nerveusement autour de lui, s’attendant à avoir déclenché une alarme. Puis il plongea la main dans l’étalage et ramassa le médaillon pour le fourrer dans sa poche.

Un autre objet attira son attention. Il saisit un cylindre d’argent d’une trentaine de centimètres de long, couronné par un ovale concave. On aurait dit la garde d’une arme ; un bouton noir était niché à l’endroit où se positionnait naturellement le pouce droit.

Corran appuya dessus.

Un rayon de lumière blanc argenté long d’un mètre jaillit du cylindre. Le jeune pilote exécuta quelques moulinets. Ainsi équipé, il se sentait de taille à défier n’importe qui. Il appuya de nouveau sur le bouton noir, mais la lame resta en place. Il fronça les sourcils, puis exerça deux pressions successives. La lame se rétracta.

Une double pression pour désactiver le sabrolaser permet d’éviter qu’il se rétracte accidentellement durant un combat, réalisa-t-il.

Corran sourit et fit rouler l’arme dans sa main.

— Je crois que tu feras un formidable passe-partout, souffla-t-il.

Soudain, il entendit un son bref et aigu qui se répercuta à travers la pièce.

On dirait que quelqu’un d’autre a trouvé un moyen d’entrer, grogna-t-il. Cette pièce est trop exposée, il n’y aucun endroit où se cacher.

Trois silhouettes vêtues de noir apparurent dans l’embrasure de la porte. Elles s’arrêtèrent et balayèrent le musée avec la lampe fixée sur le canon de leurs fusils-blasters.

Faute d’une autre option, le fuyard se figea, retenant sa respiration. Les lumières passèrent au-dessus de lui.

— Rien ici, lança une voix.

Le plus grand des trois hommes hocha la tête.

— Alors on attend, décida-t-il. (Il se tut un instant.) Un des mannequins avait quelque chose de bizarre.

Il braqua la lumière de son projecteur vers Corran.

— Celui-ci a un visage.

— Ouais, j’ai un visage et je voudrais le garder, lâcha Corran. (Il actionna le sabrolaser.) J’espère que ça ne pose de problème à personne.