CHAPITRE XVIII

Gavin se sentait à peu près aussi à l’aise dans son uniforme de parade qu’un poisson hors de l’eau.

Asyr passa son bras autour du sien quand l’ascenseur s’arrêta.

— Ça n’est pas si terrible, Gavin, lui assura-t-elle. Liska Dan’kre, notre hôtesse, est une de mes vieilles amies. Nous étions à l’école ensemble avant que je parte pour l’Académie.

— Elle doit être très riche pour louer le sommet d’un griffe-ciel pour une fête.

— Riche, oui, mais tu ne trouveras rien d’éhonté chez elle. (La Bothane conduisit son compagnon jusqu’à un vestibule qui surplombait le toit du bâtiment.) Impressionnant, non ? susurra-t-elle.

Le toit circulaire formait un dôme dont partaient plusieurs chemins, qui se rejoignaient dans une cour centrale après avoir traversé des zones boisées. Avec son diamètre d’un kilomètre, le jardin suspendu dominait largement Coruscant. Plus au nord, au-delà des monts Manarai, Gavin distingua le sommet du Palais Impérial.

— Je n’arrive pas à croire que je suis ici, souffla-t-il.

— Qu’est-ce qui ne va pas ?

Par où commencer ?

— Rien, je suppose. C’est juste que, sur Tatooine, nous n’avions pas de griffe-ciel suspendus. Ils n’étaient pas jugés assez sûrs : une bonne tempête de sable, et ils seraient tombés.

— Ne t’inquiète pas pour ça ; les générateurs sont bien assez puissants pour maintenir celui-là debout, dit la jeune femme. Il est normal d’être inquiet lorsqu’on se trouve en minorité. C’est ce que je ressens chaque fois que je me trouve dans des endroits où les humains sont majoritaires.

— J’aurais dû réaliser… je suis désolé.

— Ça n’est rien. Viens, allons impressionner mes amis.

— Comme tu voudras, Asyr.

Ils suivirent un long chemin en spirale jusqu’à la cour centrale. La plupart des invités étaient des Bothans ; tous se retournèrent sur leur passage. Gavin savait que c’était en partie dû à la toilette de sa compagne. Toute de fil bleu et pourpre, la longue robe décolletée ponctuait chacun de ses mouvements d’une palette de couleurs irisées.

Les autres Bothanes portaient des tenues similaires, mais pas si élégantes. Gavin ne connaissait rien au langage corporel ni aux expressions faciales des membres de cette race, mais les fourrures qui se hérissèrent sur le passage du couple donnaient à penser qu’il faisait grande impression.

Si le jeune pilote se sentait assez élégant dans son uniforme de l’Escadron Rogue, la beauté d’Asyr l’éclipsait totalement, ce qui lui convenait à merveille.

Lorsqu’ils atteignirent la cour, une Bothane au corps svelte et à la fourrure tachetée de noir s’avança vers eux. Elle portait une robe semblable à celle d’Asyr, mais dorée et brodée de jais. Elle gratifia le couple d’un large sourire.

— Asyr Sei’lar ! s’exclama-t-elle. Tu es splendide !

— Merci pour l’invitation, Liska.

— Et vous êtes l’ami d’Asyr, dit l’hôtesse à l’attention de Gavin.

Le pilote exécuta une révérence approximative.

— Gavin Darklighter de l’Escadron Rogue, se présenta-t-il. Enchanté de faire votre connaissance.

— Pas étonnant que tu le trouves si séduisant, souffla Liska. Comment l’as-tu rencontré ?

— Au cours d’une mission, peu avant la libération.

— Elle essayait de me faire exécuter, railla Gavin.

— Tu as toujours été un peu rude, Asyr, ironisa son amie.

— Par chance, Nawara Ven assurait sa défense ; l’exécution a été retardée. Puis les Impériaux ont attaqué. Gavin m’a sauvé la vie, et j’ai sauvé la sienne dans l’incendie qui a suivi. Voilà toute l’histoire.

— Pas mal pour un premier rendez-vous. Il fallait avoir du cran pour sortir avec toi après ça. Je vous la vole pour quelques minutes, juste histoire de rattraper le temps perdu, ça ne vous ennuie pas ? lança Liska à l’attention du jeune homme.

— Absolument pas. Elle languissait de vous revoir depuis que nous avons reçu votre invitation. Je vais aller me chercher quelque chose à boire.

Gavin regarda les deux femmes s’éloigner, puis balaya la pièce du regard. L’assemblée était essentiellement constituée de Bothans. Il avança en direction du bar.

— Une bière, s’il vous plaît, demanda-t-il.

Un humain au crâne dégarni le regarda en souriant.

— Vous devriez prendre des trucs plus chers, lança-t-il, ce sont les Bothans qui payent.

— Peut-être, mais j’aime la bière.

— Herrit Gordon, ministère d’État, se présenta l’homme. Barman intérimaire…

— Gavin Darklighter, Escadron Rogue…

— Ravi de vous connaître. J’ai fait un voyage officiel avec le Corps Diplomatique sur Bothawui. Alors, ils se sont sentis obligés de m’inviter. (Herrit désigna une femme dépourvue d’élégance.) C’est mon épouse, Tatavan. Elle est assez appréciée ici : elle a appris à parler le Bothan.

— Très utile, sans aucun doute. Pour ma part, je connais seulement quelques mots, avoua Gavin. Je suis venu avec Asyr Sei’lar, une amie de Liska Dan’kre.

— Je connais la famille Sei’lar. J’ai travaillé en liaison avec le père sur Bothawui. Petite noblesse, mais ils possèdent des commerces florissants et donc un peu plus de pouvoir que ne le laisse supposer leur position hiérarchique.

— Ils sont puissants, vraiment ? s’étonna Gavin.

— Elle a réussi à vous faire venir, non ? sourit Herrit.

— Vous semblez insinuer qu’elle l’a fait pour ennuyer certaines personnes.

— Ce n’est pas ce que je voulais dire. Asyr est une sorte de renégate parmi les siens… Elle a été à l’école avec Liska et certains autres.

— Je sais, elle me l’a dit.

— Cette école était censée la préparer au commerce ou à une fonction gouvernementale. Mais sans l’autorisation de ses parents, elle a présenté sa candidature à l’Académie Martiale bothane où elle a été reçue. Elle s’y est distinguée. Pourtant, ses parents se demandent quand elle abandonnera ce qu’ils considèrent comme une vie d’aventurière.

— Je doute que ça arrive de sitôt, s’amusa Gavin. Asyr semble se plaire au sein de l’escadron.

— Ne sous-estimez pas l’influence des familles bothanes. Elles sont très soudées.

— Ça n’est pas un problème…

Herrit se tourna vers son épouse et pâlit. Le jeune Rogue suivit son regard et aperçut trois mâles bothans qui approchaient du bar. Le plus impressionnant était aussi grand que lui, mais il n’avait pas sa carrure. Sa fourrure couleur crème et ses yeux mordorés contrastaient avec son uniforme noir. Ses subordonnés arboraient la même tenue, mais leur fourrure était un patchwork de noir et d’orange.

Le Bothan s’arrêta devant Gavin, mais il ne lui tendit pas la main.

— Je m’appelle Karka Kre’fey, commença-t-il, petit-fils du général Laryn Kre’fey. Vous étiez avec l’Escadron Rogue à Borleias ?

— Oui. Que puis-je pour vous ?

— Un rapport sur cette bataille affirme que mon grand-père était mal préparé et qu’il a pris des décisions stupides.

— Et ?

— Je voulais savoir si vous pensiez que c’était exact, demanda le Bothan, le regard empli de colère.

— À mon sens, ça l’est, confirma Gavin, ignorant l’air crispé d’Herrit.

Karka le gifla à la volée. Le jeune pilote vacilla, mais le bar l’empêcha de tomber. Il voulut secouer la tête pour arrêter le bourdonnement de ses oreilles. Au lieu de ça, il regarda Karka dans les yeux.

— Je comprends que vous soyez affecté par la mort de votre grand-père, lui assura-t-il.

— Je suis bouleversé parce que vous avez sali son honneur.

— C’est votre droit, mais ne me giflez plus.

— Sinon ? s’enquit Karka, menaçant.

— S’il vous plaît, ne vous battez pas ici, intervint Herrit.

— Nous n’allons pas nous battre, monsieur, annonça le pilote.

— Vous avez sali l’honneur de la famille Kre’fey ! cria le Bothan. Je vous provoque en duel.

— Ma réponse est non.

— Vous refusez ?

— Je ne me battrai pas avec vous.

— Alors, vous êtes un lâche.

Gavin éclata de rire. Un an plus tôt, il se serait précipité sur Karka pour le rouer de coups. Mais son passage dans l’Escadron Rogue avait modifié son comportement. Wedge, Corran et même Tycho l’avaient amené à réaliser que l’opinion des autres comptait peu.

— Traitez-moi de lâche si ça vous amuse, je m’en fiche, déclara-t-il. Vous n’êtes pas mon ennemi. Mon ennemi est l’Empire. Peut-être pouvez-vous comprendre ça. Votre grand-père en était capable, lui. Je suis quand même touché de voir que vous honorez sa mémoire en poursuivant sa croisade plutôt qu’en essayant de dissimuler ses erreurs.

Il tendit la main au Bothan. Karka le regarda comme s’il était un serpent, puis grogna et tourna les talons. Ses hommes lui emboîtèrent le pas.

Herrit posa une bière fraîche sur le bar.

— À votre santé, monsieur, souffla-t-il. Vous avez été parfait. Désolé de m’en être mêlé.

Asyr apparut près des deux hommes.

— Que s’est-il passé ? s’enquit-elle.

— Rien, vraiment, lui assura Gavin.

— Il faisait juste un peu d’exercice, plaisanta Herrit.

— De l’exercice ? répéta la Bothane.

— Comme tu disais, j’ai atteint l’âge de pratiquer la remise en forme, sourit Gavin.

— On peut partir, si tu veux.

— Non, reste avec tes amis et amuse-toi. Je ne crois pas qu’il y ait d’autres animations ce soir.

 

Que Borsk Fey’la ne soit pas dans les parages encouragea l’amiral Ackbar quand il pénétra dans les quartiers de Mon Mothma. La présence du général Cracken soulignait l’importance de cette convocation officieuse.

— Merci d’être venu si vite, dit Mon Mothma avec un sourire de bienvenue. Je sais que le procès vous prend beaucoup de temps.

— En effet, mais ça n’est que provisoire. Mon véritable souci est d’assurer une sécurité totale à la Nouvelle République.

Mon Mothma conduisit Ackbar à une table où se trouvait déjà le général Cracken.

— Certains événements requièrent l’attention du Conseil, annonça-t-elle. Vous voudriez peut-être donner à l’amiral quelques informations sur le sujet ? suggéra-t-elle en se tournant vers Cracken.

— Bien que la dernière attaque du Front Palpatine remonte à dix jours, expliqua celui-ci, elle a eu un effet paralysant sur la distribution du bacta. Le Krytos se propage plus rapidement que nous ne l’avions prévu. Les gens sont pris entre la peur du virus et la crainte des attaques terroristes. Les prix du marché noir recommencent à grimper, et la demande explose.

— Vorru et sa milice ne sont pas parvenus à l’endiguer ? s’étonna Ackbar.

— Vorru affirme que ses hommes s’appliquent à garder l’existence du FPL secrète. Bien que cette information n’ait pas été révélée au public, ils ont découvert deux bombes qu’ils supposent liées à ce mouvement. Je n’ai pas une grande confiance en Vorru, mais ses hommes maintiennent l’ordre dans un secteur que nous n’avions aucune chance de contrôler.

— En quoi cela me concerne-t-il ? s’enquit Ackbar.

— Le général Cracken est responsable d’un programme de recherches ultra-secret sur le Krytos, intervint Mon Mothma. Je n’en connais pas tous les détails. La poursuite de ces recherches nécessite une certaine quantité de ryll.

— Donc, une expédition sur Ryloth, devina le Calamarien.

— Précisément. En plus de nous procurer le ryll, elle serait une excellente occasion d’entamer un dialogue avec les Twi’leks.

— Et vous voudriez que maître Ven s’y rende.

— L’Escadron Rogue dans son intégralité, en réalité. Le commandant Antilles a produit une assez bonne impression là-bas, il y a quelques années, et la contribution de Nawara Ven à la prise de Coruscant a attiré l’attention sur Ryloth. Cette notoriété accroîtra notre poids dans les négociations.

— Donc, vous avez besoin que je reporte le procès et que je charge l’Escadron Rogue de cette mission.

— Cela pose-t-il un problème ? s’enquit Mon Mothma. Vous trouverez bien une raison d’ajourner les débats.

— Trouver une raison ? souffla Ackbar. Je pourrais en trouver une myriade. J’applaudis le général Cracken d’avoir démontré si vite les liens du capitaine Celchu avec l’Empire. Le procès évolue si rapidement que la défense n’a aucun moyen de se préparer correctement. Maître Ven fait de son mieux, mais il semble évident que c’est l’affaire la plus difficile qu’il ait eu à plaider depuis son arrivée dans l’escadron.

— Alors, ça n’est pas un problème ?

— Non. Je suppose que nous ne pouvons pas justifier l’ajournement par le départ de l’Escadron Rogue pour Ryloth ? Je plaisantais, ajouta Ackbar, suite au silence qui accueillit cette question.

Cracken rit, mais Mon Mothma se contenta de sourire.

— Excusez-moi, mon ami, mais je n’ai rien entendu de drôle depuis quelque temps, soupira-t-elle.

— Je comprends, assura le Calamarien. Je vais informer l’escadron de cette mission. Voudrez-vous qu’Erisi Dlarit y participe ?

— Y a-t-il une raison pour qu’elle ne le fasse pas ?

— Le rôle qu’elle joue pour pousser Xucphra à nous vendre une importante quantité de bacta me fait dire qu’il serait risqué de mettre sa vie en danger.

Mon Mothma se tourna vers le chef des services secrets.

— Dlarit serait-elle en danger, général ? interrogea-t-elle.

— Nous ne redoutons rien de particulier.

— Et si le FPL apprenait l’existence de la mission ?

— Nous tenons leur espion, non ? C’est bien pour ça que Tycho est inculpé ?

— Évidemment. Ce que suggère le général, c’est que nous ne pouvons être certains que le capitaine Celchu était le seul espion au service de l’Empire. Le risque d’une trahison existe toujours. Mais si associer Erisi à cette mission peut la mettre en danger, la garder à l’écart pourrait être mal perçu par les officiels thyferriens et compromettre les négociations.

— Les Thyferriens semblent accorder beaucoup d’importance au fait qu’Erisi Dlarit accompagne l’Escadron Rogue. Je suppose que nous devrons la laisser partir, conclut Mon Mothma.

— Je suis d’accord, approuva Ackbar.

— Et vous, général Cracken, assurez-vous que cette mission n’est pas menacée. Nous ne pouvons nous permettre de la voir échouer… pas plus que de perdre Erisi Dlarit.

— J’en suis conscient. S’il y a une fuite, nous la trouverons, et nous la supprimerons. Nous ne saurions faire moins pour la Nouvelle République.