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Les premiers jours à la Santé sont très éprouvants pour Bruno, même après sa sortie du mitard. Malgré la bonne image qu’il a dans l’opinion publique, ou peut-être d’ailleurs à cause de cette indulgence générale, teintée même parfois d’admiration, il a vite compris que le directeur et les matons feraient tout pour rendre son existence ici la plus pénible possible. Il est en cellule avec deux types brusques et butés, qui frôlent la surchauffe s’ils essaient d’enchaîner quatre mots cohérents et correctement reliés (sans doute les deux plus irritables et crétins de tout l’établissement, ingénieusement sélectionnés), il a faim et froid, il dort tout habillé sur une couverture sale – la seule faveur qu’on lui accorde, ce sont des cachets pour trouver le sommeil. Près d’un mois après son incarcération, sa famille n’a toujours pas le droit de lui rendre visite, il reçoit son courrier avec plus de quinze jours de retard. Il aimerait écrire, pour combattre l’ennui poisseux qui le maintient sur son lit du matin au soir, trompé seulement par quelques séances de pompes et de courtes « promenades » dans la cour, sous la pluie, mais il n’y a presque plus d’encre dans son styloet on ne lui en donne pas d’autre. Les journées sont longues et lourdes, quoique vides. Il a demandé plusieurs fois une cellule individuelle et le droit d’étudier (la littérature et la philosophie), on ne lui répond pas. Il se sent sombrer rapidement, ces premiers temps. Son avocat parisien, Denis Giraud, est passé le voir et lui a dit qu’il faudrait compter, au total, sur vingt ans – maximum. Avec l’encre qui lui reste, Bruno prend des notes : L’impression que je n’y survivrai pas me poursuit.
La disparition de Steve le laisse mutilé. Il ne parvient pas à réagir. Il lui semble que l’avenir est désert, n’existe plus – vingt ans de rien, et après ? –, qu’il est en train de perdre la tête, il ne se comprend plus, il a la sensation de ne plus être lui-même – ou d’être deux en un, qui ne se comprennent pas. À moins que ce ne soit son flic intérieur, assailli de menaces, acculé, qui ait pété les plombs. Ses propres pensées le surprennent, comme les phrases qu’il écrit :
La mort arrivera un jour, un choc, l’anesthésie, la sensation que tout s’éloigne très vite, le néant.
Le 19 avril, il rencontre pour la première fois le juge d’instruction Yves Corneloup, chez qui ont été regroupées toutes les affaires qui le concernent. Dans un premier temps, il songe à refuser cette entrevue, pour protester contre le silence épais qu’on oppose à toutes ses réclamations à la Santé, mais il renonce. Le trajet jusqu’au Palais de Justice sera au moins l’occasion de revoir Paris.
Transporté sur trois kilomètres à toute vitesse dans un fourgon imprenable, avec trois voitures pleines de flics en gilets pare-balles et des motards de tous les côtés, il ne voit pas grand-chose. C’est toujours ça. Il passe par Port-Royal et sa petite gare, le boulevard Saint-Michel, où il s’est promené avec Thalie, longe le Luxembourg, la Sorbonne, croise le boulevard Saint-Germain, près de la boutique où travaillait Christine, traverse un bras de la Seine. Et l’entretien avec le juge se passe bien. Bruno détecte dès les premières minutes un homme intelligent et sensible, en qui il peut avoir confiance. Corneloup est à peu près à la justice, pour Bruno, ce que Moréas était à la police. Ils discutent pendant deux heures, mais peu des dossiers. Bruno lui parle de sa détention, de ce qu’il ressent, de ce qui pourrait l’aider à mieux tenir le coup. Yves Corneloup promet d’essayer d’intervenir en sa faveur. À la fin de ce premier rendez-vous, le juge conseille au prisonnier d’entreprendre une psychanalyse, pour comprendre pourquoi il est aussi « enfermé dans sa tête ».
De retour dans sa cellule, Bruno reprend un peu de force. Sa seule consolation ici, on prend ce qu’on trouve, c’est de se sentir à Paris. Tout près de la rue Barrault, où il a fait des tours de magie un soir de réveillon chez les amis de Thalie. Il se rase. Le soir, il enfile le pyjama qu’il vient de recevoir de ses parents. Ils lui ont également fait parvenir un peignoir, mais il n’a pas le droit de le mettre. Il écrit à sa mère, dont il a enfin eu la première lettre, dans laquelle elle lui parle de cet air vieilli et fatigué qu’il avait au procès, à la télé :
Ma petite barbe d’une semaine, c’était par fainéantise plutôt qu’autre chose, et peut-être aussi une espèce de sixième sens qui ne voulait pas me livrer tout à fait nu à ces vautours. […] J’ai de temps en temps subitement une sorte de dépression et tout à l’heure en écrivant à Thalie (pour la première fois) j’ai craqué. […] Mon stylo n’a plus d’encre. Mon lit sans drap est prêt. Le pyjama que vous m’avez acheté sent bon, quel régal.
Il a profité de ce moment moins sombre pour écrire une longue lettre à Thalie, qu’il ne veut pas inquiéter, il lui parle d’abord de ces quelques secondes où il l’a cherchée, avant d’entrer dans le tribunal d’Albi, de ce regard dans le vide, sur l’écran, qui l’a transpercée sur le canapé du salon de ses parents. Il lui parle d’abord comme si elle était une autre :
Je pensais qu’elle allait se débrouiller pour se libérer deux jours, pour venir me faire un petit signe, même si depuis un certain temps, de ma part, c’était le désert ! J’arrive, j’ouvre les yeux, après les flashes, et que vois-je ? personne. Enfin, du monde, mon père, quelques visages qui plus ou moins me disent. Tiens, il me semble que j’ai déjà vu cette tête-là quelque part, alors que j’en cherchais une qui aurait peut-être même dû se trouver légèrement au-dessus de la mêlée. Puis je me suis dit que sa timidité naturelle lui avait certainement conseillé de rester dans le Sud-Est, l’Ouest étant trop pervers en cette saison. Je n’ai presque plus d’encre dans ce stylo à bille. Et je n’en ai pas d’autre ! Que faire ? Arrêter là ma petite plaisanterie, t’embrasser comme si de rien n’était. […] Il doit rester un peu d’encre, autour de la bille, même si je ne la vois plus, étrange ce tube de plastique, si transparent, si désespérément vide, à l’encontre de nos habitudes, peut-être le conserverai-je, quelque part au fond d’un sac. La vie semble l’avoir quitté, l’espace d’un flash, crash ! Je sais qu’il n’en est rien, moi, puisque j’écris encore avec ce presque moribond et qu’il lui suffira, le jour où ayant surmonté sa presque mort, de me faire un signe, d’un quasi-au-delà, afin que je l’emplisse d’une sève-force-folie nouvelle pour qu’entre mes doigts, à travers moi, il te dise qu’il vit, que nos larmes, tourments, sont inutiles car avec nous il écrira encore de longues pages d’encre, de vie, si intenses à force de courir, d’aimer, d’oublier et de refuser. Il n’y a plus d’encre, Thally ! Pourtant il écrit toujours, toujours, aide-moi. Non, laisse-moi, pense à lui qui se vide et meurt un peu plus à chaque mot, chaque lettre, il était neuf encore il n’y a pas si longtemps, plein d’encre, écrivant, raturant… et le temps d’un battement de cœur, de cils, de vie, de mort, tout s’arrête, tout continue, encore il veut écrire, retenir cette encre qui fuit… Pourquoi ? Il sait, lui, Bic, encre perdue, stylo jeté, effacé, oublié, pourtant jusqu’à l’ultime goutte il écrira, te dira, vivra pour moi – que ne suis-je stylo ! – dans un dernier sursaut, dernière transfusion, vivre ou mourir ensemble (le signe, bon sang d’encre, fais-le ! que nous sombrions tous les deux). Il écrit toujours, Thally, je dois arrêter, je ne dois pas en finir avec lui, pas encore, il attend, espère, sens-tu son souffle, oui, je vais l’emplir de ma vie et il écrira encore et encore jusqu’au détour d’une phrase où sans force nous signerons, n’en pouvant plus, la fin de la lettre, ensemble, en te demandant, dans un soupir de tache d’encre, de ramasser ce stylo et qu’avec toi ton amour-beauté-folie, ta sève, il puisse ne jamais vraiment s’éteindre
Thalie, Thally, a souvent relu cette lettre depuis, aujourd’hui encore, avec, bien sûr, une sensation étrange.
Le 20 avril, deux Yougos sont arrêtés place de l’Opéra en possession de bijoux provenant de la bijouterie Ruben et Heurgon, rue Royale, et de celle des Ambassadeurs, à Genève. Pasko Kaplan et Ivan Mustapic étaient des proches de Steve. Trois jours plus tard, des flics de l’OCRB et de Genève viennent interroger Bruno à la Santé. Il ne pense qu’à son ami, et leur répond, distraitement, qu’il n’a jamais entendu parler de ces types-là, évidemment, et qu’il ne sait pas où ils se sont procuré ces bijoux.
Bruno reçoit maintenant énormément de courrier, surtout des lettres de femmes, sa mère, ses sœurs et celles qu’il aime ou a aimées, mais aussi beaucoup d’inconnues – elles lui font plaisir, le distraient ou le touchent mais ne le sortent pas du gouffre où il est vite retombé après son bref passage en surface (les rues de Paris ont défilé trop vite, et l’odeur du pyjama neuf offert par ses parents s’est dissipée en quelques jours ; il sent la prison humide, maintenant). Il ne voit toujours rien devant lui. Il écrit à Marie-Christine et Christian Etelin, ses avocats :
Une évasion serait catastrophique pour eux. […] Ne me réclamant de rien, sans idéal avoué, sans cause, je deviens un modèle des plus dangereux… Bien sûr, un tas de moyens sont encore à leur disposition pour enrayer le processus et nous savons qu’ils ne reculeront devant rien. Quitte à utiliser la mort sans jugement pour stopper l’évolution dudit « mythe ».
Bruno est de plus en plus déprimé, ses nerfs, pourtant si solides, flanchent, il ne trouve même plus l’énergie de faire du sport, il se replie sur lui-même, se voit sur son lit maigre comme un animal sauvage incapable de vivre en société – ils ne sont maintenant plus que deux en cellule, mais c’est encore trop, il a envie de mordre ou de dormir tout le temps. Il lit Duras et Yourcenar, Pauline lui a fait parvenir un walkman, il met le casque sur ses oreilles, il écoute Marvin Gaye et Beethoven. Il essaie d’écrire. Les lettres, ça sort tout seul, mais il aimerait écrire autre chose. Sa seule source de clarté, pour l’instant, c’est, parmi tout le courrier qu’il reçoit de femmes qui ne vivent que sur le papier, celui d’une jeune comédienne, Johanne. Elle existe dehors, il lit ses lettres, mais il a l’impression de l’inventer. Ce sera son amour de prison. Il lui écrit beaucoup.
L’été arrive et l’écrase. Il fait maintenant trop chaud dans les cellules, il y a trop de soleil dans la cour sans ombre, trop de monde, même pas la place de faire du sport s’il voulait. Le 15 juillet, en passant près d’un surveillant, il lui dit sans arrière-pensée, plutôt comme un signe de paix :
— Vous avez vu le ciel ? On serait mieux au soleil des Caraïbes !
Le petit maton cul-serré, persuadé d’avoir été victime d’une tentative de corruption (c’est son jour de gloire), va aussitôt rapporter à son supérieur, qui trotte jusqu’au bureau du sous-directeur. Tentative d’évasion ! Le jour même, Bruno est envoyé au mitard, pour deux semaines. Dès qu’on lui en donne la possibilité, il écrit au juge Corneloup :
Il faut envisager que je puisse craquer. Recherche-t-on, ici, le drame prétexte à… ? Si la Santé n’est pas sûre à votre goût, trouvez une autre prison. Il faut cesser de me viser, d’essayer de m’annihiler par tous les moyens. Je suis à bout. J’ai besoin d’un médecin, d’une thérapie appropriée. Ce que je subis chaque jour fait partie du tout. Je crains le pire, pour moi, le jour où mes nerfs, à force de tension, lâcheront.
Pendant qu’il tourne en rond au mitard, l’OCRB, alerté par le directeur de la Santé au sujet de ce projet d’évasion imaginaire vers les Caraïbes, va perquisitionner chez Johanne, confisque toutes les lettres qu’il lui a écrites et la place même en garde à vue. Moréas est bien loin (il est en train d’écrire un livre sur sa vie de policier). Bruno, impuissant derrière ses barreaux, écrit une lettre pleine de rage et de mépris à l’inspecteur qui a arrêté sa compagne sous enveloppe – La dignité t’échappe, flic. Il lui dit qu’il est trop tard, qu’ils ne peuvent plus rien contre lui : La prison, qu’elle me retienne ou pas, restera une sensation de victoire pour moi, et malgré tout une frustration pour vous. Je suis sûr que s’il n’est pas complètement abruti, le flic en question n’a pu s’empêcher d’approuver, à contrecœur. Sulak en prison, bizarrement, ça reste une frustration pour l’Ordre.
La colère lui redonne du sang, de la force, l’envie de ne pas se laisser écraser. Il s’est surpris lui-même en écrivant : La prison, qu’elle me retienne ou pas… Ils ne l’auront pas si facilement, il ne faut pas qu’il oublie qui il est.
À sa sortie du mitard, grâce à l’intervention du juge Corneloup, il peut enfin entamer une psychothérapie, prendre des cours de philo et de lettres, ses parents sont enfin autorisés à venir le voir, ils font le trajet depuis les Bouches-du-Rhône pour une demi-heure de parloir. (Bruno confie à son père : « Si je voulais faire tomber des têtes dans la politique et la finance, j’en ferais tomber. » Mais il n’en dit pas plus, et ne le fera jamais, pirate sans cause.) Et on lui trouve enfin une cellule individuelle. Après l’avoir fait délicieusement attendre pendant quatre mois, le sous-directeur, un certain Lauseral, ne lui a cependant rien déniché d’autre, comme par hasard, qu’une cellule dans le bloc B, celui des Noirs (à l’époque, à la Santé, pour « limiter les conflits », les prisonniers sont répartis en quatre blocs selon leur « race » : les Européens dans le bloc A, les Africains dans le bloc B, les Maghrébins dans le bloc C et le « reste du monde » dans le bloc D). Bruno n’a évidemment rien contre les Noirs, mais chez les Blancs déjà, sa notoriété attirait tous les regards sur lui ; là, seul Blanc dans la cour au milieu de quatre ou cinq cents Noirs, il est la grande attraction de la promenade quotidienne. Merci Lauseral, visage pâle. Mais ce n’est pas bien grave, il a sa cellule pour lui, un vrai petit palace : trois mètres soixante sur un mètre quarante, un lit de quatre-vingt-dix centimètres de large (ce qui laisse un espace de cinquante bons centimètres jusqu’au mur si on ne relève pas la table murale rabattable (sinon, bon, tant pis)), un placard de contreplaqué véritable et un chiotte des années 40, émouvant, avec un petit lavabo juste au-dessus (c’est pratique). Le sol est en ciment brut, pas de chichis, nature.
Bruno écrit à sa petite sœur, Stella, pour lui demander de passer prendre un thé ou un café chez Johanne un après-midi, de vivre ça pour lui. Pas trop sucré pour moi, le café. Dans une autre lettre, il encourage Christine à ne pas se contenter de leurs souvenirs communs : Fais l’amour pour moi, que ne s’oublie pas complètement le plaisir. Seul dans son palace, il se reconnecte comme il peut avec le reste du monde. Il s’en nourrit, se sent dorénavant, peu à peu, plutôt dans une sorte de base arrière qu’au fond d’un puits. Il met des photos sur ses murs, s’approprie le petit espace. (Ce qu’il ne sait pas, c’est que Lauseral est encore plus farceur qu’il ne le pense : s’il a daigné lui accorder, après s’être laissé supplier pendant quatre mois, une cellule miteuse pour lui seul, c’est qu’il a appris que le détenu Sulak Bruno allait, très bientôt, être transféré dans un autre établissement – juste le temps de l’aménager un peu, son trou, et hop, fous le camp.)
Le samedi 18 août 1984 (on se mariera un samedi 18 août, Anne-Catherine et moi, dix-sept ans plus tard), bien qu’elle n’ait toujours pas le droit de quitter le Vaucluse, jusqu’en février 1985, Thalie vient à Paris. Par Pauline, elle a appris l’endroit approximatif où se trouve la cellule de Bruno. Le soir, elle se place devant la petite porte de bois du 23 bis rue Jean-Dolent, lève les yeux vers le dernier étage de la prison et l’appelle, fort. Au deuxième cri de son prénom, il répond. Il a reconnu la voix, la voix de Thalie. Il crie son prénom lui aussi, il est surpris et heureux de l’entendre, ils se crient qu’ils s’aiment. (Si un lecteur me dit un jour que c’est mièvre, je lui arrache la langue avec mes dents.) Dans l’obscurité, elle ne le voit pas, juste la main qu’il tend entre les barreaux de sa fenêtre. Ils se crient encore qu’ils s’aiment, ils ne savent pas quoi ajouter, quoi échanger, de si loin, chacun pense à l’autre et c’est tout, il n’y a rien d’autre à dire, bon courage, à bientôt, je pense à toi, je t’aime. Thalie regarde une dernière fois la main de Bruno, qu’il agite à travers les barreaux, et s’en va.
(Quand il aura tout à fait retrouvé l’envie de vivre, d’être libre, dehors, Bruno enverra depuis sa cellule de Fleury-Mérogis une petite chronique au mensuel Zoulou, « Braquage, mode d’emploi ». Il y racontera quelques-unes de ses prouesses joaillières, donnera de précieux conseils aux apprentis cambrioleurs, et proposera un petit jeu aux lecteurs. À la fin de son texte, il promet d’aller cacher un bijou lui-même (quand il se sera évadé, donc), le mois suivant, devant l’entrée d’un immeuble parisien : il donnera l’adresse sous forme de charade dans le prochain numéro (Et soyez plus rapides que les flics). En guise d’entraînement, il propose dans celui-ci une première charade, dont la solution est : « 23 bis rue Jean-Dolent ». (Malheureusement, le mensuel n’aura pas tenu longtemps, il n’y aura pas de prochain Zoulou, qui s’est arrêté au huitième numéro.))
Le 25 août, au moment de retourner vers les cellules après la promenade, il s’arrête quelques secondes pour discuter avec un autre détenu. Un surveillant s’approche et lui gueule d’avancer.
— Ça va, tout le monde n’est pas encore rentré, faites pas chier.
Le maton n’apprécie pas et le pousse vers l’intérieur. Bruno secoue la tête :
— Allez-y, faites un rapport bien salé, vous ne savez faire que ça, et rentrez-moi dans mon cagibi.
En arrivant devant sa cellule, il donne un coup de poing dans la porte. Le soir même, il est envoyé au mitard pour quatre jours. Il y écrit un genre de poème sur la mort – Lancinante, perverse, guetteuse, la mort s’aboule à petits pas feutrés, entreprendre votre âme, la séduire.
Peu après sa sortie des profondeurs du mitard, le 31 août, il est transféré à Fleury-Mérogis, escorté comme un terroriste. Bien qu’il arrive tout droit d’une autre prison, il est fouillé deux fois entièrement, une première à l’admission, une seconde avant d’entrer dans sa cellule. C’est parfaitement inutile, mais ici, on ne rigole pas avec les voyous : si tu espères te faire la belle un jour, bonhomme, tu rêves. Il est étiqueté DPS, détenu particulièrement surveillé.