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Stanislas Sulak a dû quitter provisoirement Marcelle, il a été muté à Paris en janvier 1954, pour remonter le moral des blessés, des cassés. Affecté au service du capitaine Ollier, rentré aveugle du Tonkin, il a pris sa mission à cœur, le moral englobant pas mal de choses : il a proposé au capitaine de lui donner l’un de ses yeux, pour qu’il puisse voir son fils, né peu de temps après son départ pour l’Indochine. « Quand on peut vivre avec un seul bras, on peut vivre avec un seul œil. » (Le raisonnement est peut-être un peu simpliste – quand on peut vivre avec une seule oreille, peut-on vivre avec une seule jambe ? Mais après tout, oui, sans doute.) Le capitaine Ollier, bien sûr, a refusé. Ça fait plaisir quand même, c’est l’intention qui compte, et le moral remonte.
Envoyé ensuite, toujours sans Marcelle, à Puyloubier, près d’Aix-en-Provence, où il est devenu adjudant de compagnie, Stanislas en a profité pour aller faire un petit tour à Miramas. À la mairie de Miramas. Dans le bureau du fonctionnaire modèle qui lui avait expliqué que puisqu’il était polonais et avait une carte d’ouvrier agricole, il était ouvrier agricole. Il s’est planté devant lui (une vague lueur est sans doute apparue au fond des yeux jaunes du rond-de-cuir : « Je l’ai déjà vu quelque part, celui-là… ») et illui a montré la seule main, de paysan ou non, qu’il lui restait :
— Et maintenant, dites-moi que je ne suis pas français.
Ahuri, le rond-de-flan n’a pas moufté, pas bougé une oreille, et il a bien fait, il s’est épargné un œil au beurre noir – le droit, en l’occurrence.
La vie de Stanislas commençait enfin à prendre une bonne tournure, les comptes se réglaient, l’avenir s’éclaircissait. Pour ajouter un peu de lumière encore, Marcelle est venue le rejoindre à Puyloubier, où la nature est accueillante.