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Un matin, rue Boudouresque, à 6 heures, Bruno se réveille en sursaut et en sueur, il tremble, comme si on lui avait violemment tapé sur la tête en plein sommeil. Thalie à côté s’assied dans le lit, lui caresse le bras, espère que ce n’est qu’un mauvais rêve, mais c’est pire – ou mieux : c’est son flic qui vient de le secouer pendant qu’il dormait. Il se lève et demande à Thalie de faire sa valise tout de suite, il s’occupe de la sienne. Aussi irrationnel que ce soit, elle fait confiance à cet instinct d’alarme, elle suit son chat, une heure plus tard ils sont dehors. Le temps de mettre les bagages dans le coffre de la Volvo requinquée, de commander deux chocolats dans un petit bar en haut de la rue, ils voient passer trois voitures de flics, les vrais flics, ceux qui marchent, parlent, sillonnent les villes en uniforme. Bruno fait quelques pas sur le trottoir pour s’assurer qu’il ne s’est pas trompé, les surveille de loin : ils entrent dans la petite maison.
La cavale va devenir plus pénible, l’insouciance restera là, rue Boudouresque. Avec cette nouvelle incursion de l’adversaire, après la première visite des représentants del’ordre à Miramas, Bruno commence à se dire qu’il n’a pas que des amis. La chasse à l’homme a débuté, une partie de cache-cache dont l’enjeu est la liberté ou la prison, il va s’agir de se montrer plus rapide et plus malin que ses poursuivants. Ce n’est pas vraiment pour déplaire à Bruno, ce grand jeu. Il imagine parfois qu’il aurait aussi bien pu être flic. Georges Moréas, dans quelque temps, pensera exactement la même chose : les rôles auraient pu être inversés.
Bruno répond au mouvement de l’ennemi : il prend la décision de quitter définitivement le Sud et de s’installer à Paris, il est sans doute plus facile de s’y fondre et, surtout, l’éloignement lui permettra de couper pour de bon les liens avec ses amis marseillais, amis quand ça les arrange. Il n’a pas besoin de demander à Thalie si elle veut l’accompagner, ils ont envie de s’éloigner l’un de l’autre comme dese couper une jambe chacun. Sur le trajet qu’ils font ensemble pour la troisième fois, ils s’arrêtent pour faire un supermarché à Beaune, à deux.