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AParis, en cette fin août, la réconciliation entre la Cour et les frondeurs avançait à bonne allure.

Le 25, jour de la Saint-Louis, le cardinal se rendit à la maison des jésuites de la rue Saint-Antoine. Traversant cette partie populeuse de la capitale, il ne reçut que des témoignages de sympathie et en conclut la Fronde terminée. Le soir, il y eut une fête avec d'immenses manifestations de joie le long du cortège. Une autre fut prévue au début septembre, à l'occasion de l'anniversaire de la naissance de Louis XIV. Tout allait donc au mieux pour le ministre et l'alliance entre sa nièce et le duc de Mercœur lui permettrait bientôt d'échapper à la pression du prince de Condé.

Ce dernier ne s'y trompa pas. Il rappela qu'il ne consentirait jamais à cette union si on n'accordait pas Pont-de-l'Arche à son beau-frère Longueville. Comme prince de sang, il était d'usage qu'il signe le contrat de mariage et Mazarin ne pouvait se passer de son consentement. De plus, le Prince avait rassemblé autour de lui des centaines de jeunes messieurs, insolents et railleurs, affichant partout leur mépris envers les parlementaires ralliés à la Cour et au cardinal italien.

Beaufort restait aussi une épine, mais Mazarin espérait se l'attacher par l'intermédiaire de Monsieur. Le 31 août, le roi des Halles rencontra longuement le duc d'Orléans et l'abbé de La Rivière, en vue d'un accommodement. Seulement rien ne sortit de cet entretien, car on ne lui offrit pas l'Amirauté.

Le duc décida donc de s'impliquer dans le vol des tailles proposé à Anet. Tard en soirée, accompagné de Mondreville et de Bréval retrouvés un peu plus tôt à l'hôtel de Vendôme, il se présenta chez le coadjuteur.

*

Même si la Fronde était terminée, Paul de Gondi demeurait prudent et le vestibule du petit archevêché se voyait gardé par nombre de gentilshommes amis, tous munis d'épée et pistolets.

La troupe était dirigée par M. de Bragelonne, gentilhomme aux traits grossiers, à la peau vérolée et à la moustache abondante sous un nez cassé. Il portait une lourde colichemarde, une casaque de buffle avec une miséricorde en travers de la poitrine et des bottes à éperons de cuivre.

— Monseigneur, fit-il en s'inclinant devant le duc de Beaufort, son chapeau à la main.

— Je viens voir Gondi, laissa tomber dédaigneusement le duc.

— Certainement, monseigneur ! Puis-je vous accompagner ?

En même temps, il lançait un regard incisif sur les deux inconnus qui suivaient le duc : un petit-bourgeois quelconque et un gentilhomme de province.

— Par ici, monseigneur, proposa-t-il, montrant l'escalier conduisant aux appartements du coadjuteur.

À ce moment, la porte à double battant de la grande salle capitulaire s'ouvrit et deux hommes titubants en sortirent. Le premier, la trentaine, le regard égrillard, visiblement éméché, tenait par les épaules un gentilhomme plus âgé, la quarantaine passée, tout aussi aviné, qui chantonnait :

« … Je n'ai rien dit, ne vous déplaise,

Je vous honore infiniment

J'estime votre fondement ! »

Beaufort s'arrêta un instant et laissa filtrer un sourire en reconnaissant Claude de Chouvigny, baron de Blot, membre du conseil de vauriennerie de Monsieur ; la coterie de libertins qui faisait la débauche avec l'oncle du roi.

*

Mondreville et Bréval jetèrent un regard curieux dans la grande salle capitulaire du petit archevêché. Des laquais en livrée remplissaient les verres et proposaient des pâtés et des fruits confits à deux douzaines d'énergumènes qui jouaient aux cartes en buvant et fumant du tabac dans de longues pipes. La plupart criaient, s'interpellaient ou chantaient.

C'était ce que Paul de Gondi appelait son académie de belles-lettres. S'y retrouvaient quelques bons esprits, des clercs et des abbés, parfois des écrivains de talent mais, surtout, des gentilshommes sans fortune. Tous gros buveurs, libertins et impies auxquels le coadjuteur offrait le boire et la ripaille pour autant qu'ils écrivissent des bouts-rimés contre Mazarin.

— Baron, reviens-nous vite ! cria un jeune abbé, le visage couperosé. J'ai besoin de toi pour les dernières strophes !

— Ne crains rien, Marigny1, rétorqua celui qui était sorti et que son ami soutenait par l'épaule. En voici déjà deux :

« Il faut louer l'acte divin,

Qui changea l'eau en vin ! »

Pendant que l'ivrogne faisait rire le corps de garde, son ami l'abandonna un instant et s'intéressa à Beaufort et à ses deux compagnons. Quand ils eurent disparu de sa vue, il reprit le baron par le bras et l'entraîna dans la cour à carrosses.

Blot examina les voitures en titubant. Dans l'une, une femme attendait un visiteur ; Gondi interdisant aux personnes du beau sexe l'entrée du petit archevêché (sauf à ses maîtresses qu'il faisait passer par la porte secrète entre sa chambre et l'église Saint-Denis-du-Pas, accolée à la cathédrale). Sous l'emprise du vin, il s'adressa à la femme, lui chantant d'une voix éraillée :

« Si tu veux, Belle, nous ferons

Tuton, tuton, tutaine, tutu,

Et ton mari cocu ! »

Devant l'expression outrée de la visiteuse, son ami entraîna le libertin à l'écart.

— Assez baron, madame est fâchée ! Vous avez suffisamment pris l'air, rentrons ! Nous laisserons la porte ouverte si vous avez encore besoin de vous ravigoter.

L'ivrogne se laissa faire, entamant un chant sinistre :

« Le monde ici n'est que misère,

Et l'autre n'est qu'une chimère… »

*

En haut de l'escalier, le maître d'hôtel de Paul de Gondi, petit homme corpulent au regard sournois, s'inclina devant le duc. Pendant que Bragelonne redescendait, il accompagna Beaufort et ses compagnons et les fit s'installer directement dans le cabinet de travail du coadjuteur, sans passer par l'antichambre.

Dans le cabinet, assis à une table, l'abbé Ménage rédigeait un courrier. Voyant le duc, le secrétaire du coadjuteur se leva aussitôt, s'inclina respectueusement et fit signe au maître d'hôtel de sortir.

— Monseigneur de Gondi est avec monsieur Joly, expliqua-t-il à Beaufort en grattant à la porte du salon du coadjuteur qu'il ouvrit ensuite sans attendre de réponse.

Paul de Gondi et Guy Joly devisaient dans un petit boudoir tendu de tapisseries.

— Monseigneur, monsieur le duc…

Il n'eut pas le temps de terminer que Beaufort était entré.

Le duc salua brièvement Joly, jeune conseiller au Châtelet que Gondi appréciait pour sa capacité à fomenter l'agitation de la populace et le désordre.

— Quelle surprise et quel plaisir, monseigneur ! s'exclama Gondi, clignant ses yeux de myope pour essayer d'identifier ceux qui accompagnaient François de Beaufort.

Le coadjuteur avait l'habitude des visites surprises du duc et fit signe à chacun de s'asseoir. Déjà, Joly s'était retiré avec Gilles Ménage.

— Paul, voici monsieur Mondreville et monsieur Bréval, commença Beaufort sans préliminaire. Monsieur Mondreville fait partie de la fine fleur de notre noblesse normande autour d'Anet. Il est principal lieutenant du prévôt des maréchaux de Rouen et proche de Mgr de Longueville.

Gondi inclina la tête poliment, n'ayant jamais entendu parler de cet homme. De surcroît, si ce Mondreville était tenu en grande estime par Longueville, homme de rien, c'est qu'il ne valait pas cher, se dit-il. Mais depuis le début de la fronderie, le coadjuteur avait une telle habitude des coquins, bouffons, aveugles et incapables qu'il les écoutait toujours avec attention, sans marquer ce qu'il en pensait.

— Monsieur Bréval, honorable négociant en grains, est son voisin. Tous deux sont des nôtres, poursuivit Beaufort. Monsieur Mondreville a payé sur ses deniers une levée de troupes pour monsieur de Longueville, laquelle faisait partie de l'armée qui ne nous est jamais parvenue…

Gondi opina. Il avait bien été le seul à ne pas croire aux promesses de Longueville, personnage irrésolu qui n'aimait que le commencement des affaires.

— Comme nous tous, messieurs Mondreville et Bréval sont enragés de voir le gredin de Sicile toujours en place. L'idée de monsieur Bréval est que tout n'a pas été tenté contre le Mazarin, en particulier ne pas avoir cherché à l'affamer.

— Comment cela ? demanda Gondi, intrigué.

Bréval prit la parole :

— Le Sicilien a vaincu en affamant Paris, mais le même moyen pourrait être utilisé contre lui. Qu'il ne reçoive plus d'argent, et, tant ses troupes que ses fidèles l'abandonneront. Le cardinal se trouve actuellement en grande disette financière. Déjà, cet hiver, c'est Monsieur le Prince qui lui a prêté le nécessaire, or il est impensable qu'il l'aide à nouveau…

— Je suis tout ouïe, fit Gondi, joignant l'extrémité de ses mains.

— Les impôts ne rentrent plus, en particulier la gabelle…

— Je le sais. Monsieur Joly venait justement m'en parler, car on ne paye plus les rentes de l'Hôtel de Ville gagées sur les fermes de la gabelle.

Bréval hocha la tête.

— La taille reste le dernier impôt sur lequel Mazarin peut compter. Qu'on empêche les recettes d'arriver à Paris et le cardinal n'aura plus rien.

— Séduisante construction de l'esprit, monsieur, mais la taille vient de tous les gouvernements de province. Comment assécher un tel courant ?

— Le quart ou le cinquième arrive de Normandie. Il est facile de le détourner.

— De quelle manière ?

— Monsieur Mondreville, racontez au coadjuteur ce que vous avez découvert.

— En 1617, monseigneur, le maréchal d'Ancre, alors gouverneur de Normandie, a organisé pour lui-même le vol de la recette des tailles…

Mondreville fit un récit de l'entreprise que Gondi écouta, le visage impassible. Quand il eut terminé, le coadjuteur laissa tomber, d'un ton assez méprisant :

— Vous nous proposez de faire ce qu'a fait Concini ? Voler les tailles ?

— Ce ne serait pas un vol mais un butin, remarqua Beaufort.

Gondi afficha une moue dédaigneuse pour marquer qu'à ces yeux la nuance relevait de l'infime.

— En prenant les tailles, nous ferions d'une pierre deux coups, car ce butin nous permettrait de disposer de quelques clicailles pour poursuivre la lutte, ajouta Beaufort. Quand monsieur Mondreville est venu me voir à Anet, j'étais là pour obtenir de mon père les ressources me faisant défaut. Mais il a refusé de me prêter le moindre écu tant que je n'aurais pas salué le Mazarin.

— C'est tout à ton honneur, François. Tu sais pouvoir compter sur ma bourse, bien que moi-même, je dépende aussi beaucoup de mon frère2.

— Mais je ne te propose pas cette entreprise afin de nous enrichir, Paul ! Tu me connais, peu m'importe l'argent ! s'emporta le duc, voyant combien le coadjuteur restait réservé. Après tout, les harengères des Halles m'ont proposé une pension de soixante mille livres si je m'opposais au mariage de mon frère avec la guenon Mazarine. Je n'ai donc besoin de rien. Seulement les tailles de Normandie nous donneraient les moyens de lever des hommes.

— Combien cela représenterait-il ? s'intéressa Gondi.

— Monsieur Mondreville s'est renseigné. Plusieurs transports de tailles ont été repoussés par Longueville, mais il doit maintenant laisser agir le receveur général, puisque la paix est faite. Le prochain transport se déroulerait en octobre. Deux millions de livres que Mazarin attend déjà avec hâte.

— Deux millions ! Mazette !

— Sans cet argent, l'Italien sera complètement démuni. Une telle privation sera bien supérieure à une victoire militaire.

— C'est certain, reconnut le coadjuteur qui commençait à être tenté par l'entreprise.

— De surcroît, nous avons autant de droits sur cet argent que ce gredin !

Le silence se fit.

Malgré le noble discours de Beaufort, Gondi avait parfaitement deviné que le duc voulait surtout s'approprier la recette des tailles. Néanmoins, priver Mazarin de ressources représentait un solide argument en faveur de l'opération. Quant à lui-même, il reconnaissait intérieurement que disposer d'une part de ce butin soulagerait ses finances. Même s'il utilisait sans vergogne les ressources du diocèse de Paris, il manquait continuellement d'argent, d'autant que le chapitre de Notre-Dame lui reprochait de plus en plus souvent ses dépenses. C'est qu'il menait grande vie, recevait beaucoup, venait d'acheter de la vaisselle d'argent et du linge, bref de s'endetter pour quatre cent mille livres.

— Comment voyez-vous ça ? laissa-t-il tomber d'une voix indifférente.

Mondreville raconta le vol des tailles tel que l'avait conçu et réalisé Petit-Jacques, en 1617.

— Vous pensez que c'est à nouveau réalisable ?

— Oui, monseigneur, pour autant que nous sachions quand le convoi partira. En 1617, Concini était l'organisateur. Cette fois-ci, il nous faudra avoir la participation de monsieur de Longueville.

— J'en fais mon affaire, asséna Beaufort. Tu sais que Longueville a donné son accord pour mon mariage avec sa fille. Devenant son gendre, il ne peut me refuser ce service.

Ce ne sera sans doute pas si simple, songea Gondi. S'il avait toujours jugé Longueville comme un médiocre, il ne sous-estimait pas son sens de l'honneur.

— Donc tu y es favorable, François ? s'enquit-il, soucieux.

— Oui, Paul, répliqua le duc sans hésiter.

— Je ne suis pas entièrement convaincu, mais si tu en es, j'en serai. J'y mets cependant deux conditions : en aucune manière nous ne devons apparaître dans cette entreprise qui sera uniquement conduite par monsieur Mondreville.

— Vous pouvez compter sur moi, monseigneur, accepta ce dernier.

— Combien d'hommes avez-vous ?

— Nous sommes trois, avec monsieur Bréval et mon fils. Il nous faut au moins trois hommes de plus.

— Peux-tu les trouver, François ? demanda Gondi à Beaufort.

— Bien sûr. Je peux solliciter Fontrailles et ses amis.

— Non, Fontrailles, déjà poursuivi par le Parlement, est trop connu.

Il resta méditatif un instant avant d'ajouter :

— Comme en 1617, il serait bon que des voleurs prennent cet or. Donc, il faudrait engager de véritables pendards qu'on reconnaîtrait… en cas de pertes… Comme cela s'est passé avec Concini, suggéra-t-il, s'adressant à Mondreville.

— Je m'en occupe ! intervint Beaufort. Je peux trouver facilement quelques drilles de la cour des Miracles. Quelle est la deuxième condition ?

— Que Monsieur le Prince soit aussi d'accord. Ne pas l'avertir serait le rejeter dans le camp de Mazarin, d'autant que nous avons besoin de Longueville, son beau-frère. Peux-tu en parler, Beaufort ? Moi, il refuse de me rencontrer.

— Je le ferai, même si ce sera malaisé. Je chercherai une opportunité. Penses-tu qu'il nous suivra ?

— Monsieur le Prince connaît le mal dans toute son étendue, donc il ne sera pas surpris. Mais insiste bien sur le fait qu'il s'agit de priver Mazarin de moyens financiers.

Il fit une pause avant d'ajouter :

— Comme il conviendra aussi de parler du partage, abordons ce sujet. Combien voulez-vous, monsieur Mondreville ?

— Cent mille livres pour moi, autant pour mon fils et pour monsieur Bréval, monseigneur.

Gondi remarqua qu'il n'avait pas hésité. C'était un homme de grand sang-froid, et fort habile. Il aurait présenté l'affaire comme un vol, Beaufort l'aurait fait bâtonner. En affirmant qu'il s'agissait de ruiner Mazarin, il avait été écouté.

— Soit. Promettez cinquante mille livres aux truands. Un million ira à Monsieur le Prince. Trois cents pour toi, François, car tu n'as rien eu de la Cour. J'utiliserai le reste à bon escient.

L'accord était scellé.

*

Dans l'escalier, le duc de Beaufort proposa aimablement à Mondreville et à Bréval de les ramener à leur hôtellerie des Trois-Pigeons, située non loin de l'hôtel de Vendôme.

Au moment où ils arrivaient dans l'antichambre, un homme éméché s'approcha d'eux, venant de la grande salle capitulaire à la porte ouverte. C'était celui qui avait soutenu le baron de Blot lors de sa sortie dans la cour.

— Monsieur de Vincent ! s'exclama-t-il en tentant d'accoler Mondreville. Quel plaisir de vous revoir ici !

— Je ne suis pas celui que vous croyez, monsieur, répliqua Mondreville d'un ton sec, en se dérobant. Je suis Jacques Mondreville, lieutenant du prévôt des maréchaux de Rouen.

— Tête Dieu ! Je vous ai confondu avec mon ami Vincent !… L'obscurité sans doute…

— La boisson, plutôt… laissa tomber Mondreville avec mépris, rejoignant Beaufort et Bréval qui s'étaient déjà éloignés.

*

Cet homme était l'un des nombreux agents que Basile Fouquet payait pour savoir ce qui se tramait au petit archevêché. Ami du baron de Blot, il s'était introduit dans le cercle des pamphlétaires du coadjuteur en écrivant quelques chansons paillardes ayant même fait rire le cardinal. Trois jours après la visite de Beaufort, il se rendit donc chez son maître, rue de Richelieu, pour son compte rendu du vendredi.

Il raconta à l'abbé ce qu'il avait appris et dit quelques mots de la visite du duc de Beaufort. Il ajouta qu'il était parvenu à faire révéler son nom à l'un de ceux qui accompagnaient le roi des Halles : un prévôt nommé Mondreville.

Comme à chaque fois, Basile Fouquet lui remit cinq écus au soleil que l'autre empocha avec satisfaction.

Le dimanche, l'abbé rencontra Tomaso Ganducci et lui narra le rapport de son espion. Mais quand le gantier apprit que Mondreville et Beaufort s'étaient retrouvés chez le coadjuteur, il ne put se retenir de jurer tant il ne s'attendait pas à cette visite.

Il ne parvint à voir le cardinal que le lundi, entre deux audiences. Là, en présence de l'abbé Giuseppe Zongo Ondedei, il informa Mazarin de l'embarrassante réunion.

— Il n'existe qu'une explication à cette visite, fit Ondedei. Mondreville s'est mis à son compte. Persuadé du transport de ces deux millions, il a proposé à Gondi et Beaufort de les voler.

— Quelle importance, puisqu'il n'y aura aucun transport sur la Seine ! s'exclama Mazarin en haussant les épaules. Quand ils le comprendront, cela ne fera qu'attiser la défiance entre eux !

— Sans doute. Seulement il y a Fronsac, remarqua Ganducci.

— Quoi, Fronsac ? aboya Mazarin.

— S'il poursuit son enquête, il finira par apprendre que Mondreville a vu Beaufort et le coadjuteur. Il ira alors voir Gondi. Vous savez que ce sont de vieux amis. Au bout de combien de temps Fronsac découvrira-t-il que cette histoire n'est qu'une imposture ? Au bout de combien de temps comprendra-t-il qu'il s'agissait d'un piège pour compromettre Longueville ? Et, surtout, que nous en sommes les auteurs ? Imaginez maintenant qu'il le dise à Son Altesse ? Que se passera-t-il si Monsieur le Prince découvre qu'on lui a tendu un piège ?

Ondedei haussa les épaules :

— Vous prêtez à ce Fronsac des capacités surnaturelles ! Comment pourrait-il découvrir que Mondreville a rencontré Beaufort et Gondi ?

— Vous ne le connaissez pas ! répliqua Ganducci en haussant les épaules.

Mazarin savait que Ganducci avait raison. Il ignorait comment, mais il était certain que ce satané Fronsac allait à coup sûr tout comprendre… sauf si…

— Vous allez rencontrer monsieur Fronsac, Ganducci. Et vous lui révélerez la vérité. Toute la vérité, sans rien cacher. Le marquis de Vivonne a le sens de l'État. Il comprendra ce que j'ai voulu faire et mes raisons justes. Comme c'est vous qui lui aurez appris l'opération, je sais qu'il gardera le silence tant devant Condé que devant Gondi. Il n'est pas homme à me nuire et à nuire à la reine. Quant à Beaufort, si cela l'amuse de tenter de voler un convoi d'or qui n'existe que dans son esprit, laissons-le agir et se ridiculiser !

Mais le mardi 7 septembre, quand Ganducci se présenta chez Fronsac, rue des Blancs-Manteaux, celui-ci était rentré à Mercy.

Jacques Carpentier, abbé de Marigny et prieur de diverses abbayes, auteur de nombreuses mazarinades.

Le duc de Retz.