Quantico, 3
novembre
7 h 10
— Qu’est-ce que tu comptes faire, alors ? demanda Garrett.
Baldwin avait retrouvé son supérieur et ami pour un petit déjeuner dans leur café-restaurant préféré. Il n’avait pas dormi de la nuit, et sa barbe de la veille lui picotait les joues. Revenir sur l’affaire Arlen l’avait retourné comme un gant. Son récit l’avait replongé dans les heures les plus sombres, les plus troubles de son existence.
Le fait que les connards du comité de discipline l’avaient suspendu — peut-être définitivement — n’était pas fait pour arranger son état.
— Tu veux la vérité ? J’ai envie de partir en Caroline du Nord, voir si je peux donner un coup de main pour l’affaire Pete Fitzgerald. Je sais que le Prétendant est mêlé à sa disparition. Et on ignore pendant combien de temps encore ils vont s’amuser à me maintenir « suspendu ».
— Jusqu’à ce que Tucker estime que tu as compris ta leçon et que tu ne joueras plus les francs-tireurs. Et d’après ce que tu me dis, c’est précisément ce que tu as l’intention de faire.
— Garrett, cette affaire va exploser. Je le sens. Et si on ne prend pas les devants, on se prendra encore plus d’œufs pourris sur la figure. Tu ne crois pas que le FBI a déjà suffisamment mauvaise presse comme ça ?
Garrett haussa ostensiblement les sourcils sans répondre. Baldwin soupira.
— Oui, je sais, je sais… Pour l’instant, je fais partie de ceux qui salissent la réputation du Bureau. Raison de plus pour me tirer d’ici et faire ce qu’il faut pour me rendre utile.
— Tu es suspendu de tes fonctions, Baldwin. Rentre donc à Nashville et joue tranquillement les hommes d’intérieur jusqu’à ce qu’on te rappelle.
Il reposa ses couverts sans avoir touché à ses œufs frits.
— C’est ce que tu ferais à ma place ?
Garrett lui adressa le sourire en coin que Baldwin connaissait bien.
— Bien sûr que non. Mais toi, c’est toi. Je ne suis pas sûr de pouvoir faire grand-chose pour te repêcher, si tu continues à contrarier Tucker. Il a une grosse dent contre toi.
— Ça, j’ai remarqué, oui. Heureusement que Reever était là, sinon il m’aurait carrément viré.
Garrett finit de boire son café.
— Va en Caroline du Nord, et vois ce que tu peux faire. Mais sois discret. J’essaierai d’arrondir les angles.
— Tu es le meilleur, Garrett.
— Que comptes-tu dire à Taylor ?
Il fit tourner sa tasse entre ses doigts.
— Le moins possible. Elle est déjà suffisamment ensevelie sous les problèmes. Un tueur en série la harcèle, elle doit composer avec une figure paternelle défaillante, et elle vient de retrouver le commandement de sa brigade. La dernière chose dont elle a besoin, c’est d’entendre des obscénités à mon sujet et à celui de Charlotte.
— Crois-moi, Baldwin, je pense qu’il serait plus malin de ta part de lui dire la vérité. Toute la vérité.
— Elle ne me pardonnerait jamais.
— Baldwin… Ça fait cinq ans que tu traînes ce fardeau. Personne ne te jettera la pierre.
— Je ne suis pas sûr. Et ce n’est pas le moment.
— Il n’y aura jamais de bon moment. Charlotte est morte, mais le garçon est bien vivant. Réfléchis, mon vieux, car tu vas finir par la perdre.
— Je sais. Merci pour l’avertissement.
Il se leva et jeta un billet de vingt dollars sur la table, s’efforçant de chasser de son esprit l’image souriante de son fils roux aux yeux verts.
— On se revoit bientôt, Garrett.