— J’ai écrit quelque chose pour toi, mon amour.
Raven était allongé sur le lit de Fane, la tête penchée par-dessus bord, et la regardait étudier un ouvrage sur les runes antiques. Elle leva les yeux, referma le livre et rampa jusqu’à lui, achevant de filer ses collants en se livrant à ses mouvements sinueux de reptation. Parvenue jusqu’à lui, elle glissa la langue dans sa bouche, lui suça la lèvre inférieure puis se blottit contre son corps.
— C’est quoi ? Un sortilège ? Une incantation ?
— Si on veut. Un sort qui te conservera une beauté éternelle, ma noire princesse de la nuit. Prononce-le trois fois à la pleine lune, et tes désirs les plus profonds se réaliseront.
— Arrête, Raven. Mon désir le plus profond, c’est toi. Tu me laisses lire ?
Il lui tendit le bout de papier. Elle s’installa pour lire, et il regarda ses lèvres remuer doucement à mesure qu’elle avançait dans sa lecture.
« ODE À ANTIGONE
Le noir bouillonne sous la chair pâle
La lave de la passion consume la raison
La charogne attaque les liens filiaux du désir
Qui gisent, exposés, sans blâme,
Dans l’œdipienne lascivité. L’avidité les a brisés,
Condamnés à un éternel enfer extérieur,
Pour les péchés indus commis par un autre
La grâce rédemptrice du sang sur ta main
S’élève à travers de terrestres liens
Vers les hauteurs sacrées de l’invisible
Et que nous importent Hadès, Zeus ou Créon ?
La simple Antigone est attirée au-delà,
Là où un foulard de soie déploie une puissance imprévue ;
L’amour d’Hémon ne peut pénétrer
La tombe nuptiale, si ce n’est par la poussée répétée du Métalfrappant la côte tandis que la vie poignardée
S’écoule dans la moisissure et la poussière
Unis à jamais par les liens du mariage funéraire
Entre deux esprits transgressant la pensée mortelle
Appelés par l’immortalité en légende
Plus loin, plus profond, cette pureté exsangue
Nouée à la sanglante passion. »
Fane essuya les larmes qui glissaient sur ses joues et le serra fort contre elle.
— C’est magnifique, Raven. Tu l’as écrit pour moi ?
— Pour toi, oui. J’avais envie de te dédier ce poème d’amour et de mort. Maintenant qu’Ambre et Thorn sont… partis, je voulais t’offrir mon âme.
Elle se laissa glisser par terre à ses pieds et lui caressa l’intérieur de la jambe.
— Je reçois ton âme et je les emmerde. Comment ont-ils osé rompre notre pacte ? Non, je ne peux pas croire qu’ils nous ont trahis, Raven. Il doit y avoir autre chose. Les parents d’Ambre ont dû lui confisquer son téléphone. Et quand Ambre va quelque part, Thorn n’est jamais très loin.
Il se laissa glisser à côté d’elle et lui entoura les épaules. Il aimait la sensation des os qui glissaient juste sous la peau, comme prêts à affleurer.
— Je sais, ma reine. Il faut croire qu’ils ont été retenus contre leur gré. Le sort que nous avons jeté hier soir est tellement puissant que je ne vois pas d’autre explication. Il faut que j’y aille, maintenant, voir si je peux découvrir ce qui leur est arrivé. Le quartier est un peu trop calme à mon goût, depuis hier.
— Tu veux aller où ?
— Chez moi. Jeter un œil dans le miroir noir. Je verrai peut-être où ils sont et qui les retient.
Il se leva et elle bondit sur ses pieds.
— Je viens avec toi.
— Non. J’ai besoin d’être seul. Tu sais que je dois me concentrer, pour pratiquer la cristallomancie. Et tu es une distraction. Une bonne distraction, mais une distraction quand même.
Il l’embrassa de toute son âme en parcourant son corps de ses mains. Lorsqu’elle noua les bras autour de son cou pour l’attirer contre elle, il se sentit planer comme un aigle. Plus loin, plus haut qu’aucune drogue ne l’avait jamais porté. Les doigts agiles de Fane se glissèrent dans son pantalon et il réagit instantanément tandis qu’elle se laissait descendre le long de son corps, les lèvres entrouvertes, la langue gourmande.
Il se débarrassa de son pantalon, la guida vers son sexe, sentit la chaleur de sa bouche et la douce tension monter pendant qu’elle le tétait avidement. Lorsqu’il se sut sur le point d’exploser, il la releva pour cueillir ses lèvres. Il aimait retrouver le goût de sa propre sève sur la langue de Fane. Tout en l’embrassant, il retroussa sa jupe. Elle portait ses jarretières préférées et sa culotte noire rayée argent, fendue à l’entrejambe. Fane était mouillée, déjà — comme une fleur éclose au calice humide. Il la souleva pour la coucher sur le lit et se perdit en elle d’une seule poussée, glissant les mains sous ses fesses pour la pénétrer aussi loin qu’il était humainement possible de le faire. Ils se murent ensemble, joignirent leurs corps et leurs âmes jumelles, atteignirent ensemble un orgasme foudroyant. Pas de sorts, pas de potions, pas de drogue. Rien que leur amour s’incarnant dans une apogée explosive.
Lorsqu’il revint à lui, Raven songea qu’il devait écraser Fane sous son poids, même si elle n’émettait aucune plainte. Il s’assit, laissa courir une lente caresse sur son corps gracile et sourit.
— Dans une heure, je suis de retour. Promis.