Virginie du Nord, 17 juin 2004
Charlotte attendit que Baldwin monte en voiture avec l’un des policiers du comté de Fairfax avant d’explorer la maison d’Arlen à son tour. Elle était profondément perturbée par la scène qui venait de se dérouler. Arlen avait donné une impression de grande sincérité lorsqu’il leur avait assuré qu’il n’était pas coupable, que les photos sur son ordinateur avaient été placées là pour le piéger. Il avait reconnu qu’il lui arrivait de regarder un peu de porno ici et là, mais rien de bien méchant. Que pouvait-il faire d’autre que regarder, alors qu’il était sous castration chimique ? Quel intérêt pour lui, honnêtement ? Il n’était pas en mesure d’expliquer comment les photos des petites filles mortes étaient arrivées sur son ordinateur. Et il était en larmes au moment où les flics de Fairfax l’avaient embarqué.
Les bruits de l’orage se rapprochaient et les claquements secs montaient rapidement en puissance. Policiers et techniciens procédaient dans l’urgence. Tout le monde appréhendait d’avoir à transporter du matériel de preuve sous une pluie battante. Une équipe s’employait à créer un passage couvert de fortune entre les camionnettes de scènes de crime et la maison. Arlen ayant été arraché de chez lui, Charlotte avait le sentiment d’être seule sur place en compagnie des pensées de cet homme.
Elle passa un long moment dans sa chambre à coucher. L’homme était organisé, méthodique, pointilleux. Les chemises dans son armoire étaient classées par couleur — toutes blanches ou bleues. Elle compta cinq pantalons en toile plus un cintre vide ; trois paires de mocassins marron. Son peignoir avait été accroché avec soin derrière la porte. Le contenu de l’armoire à pharmacie était spartiate. De la crème à raser et de l’aspirine, de la même marque : Kirkland. Il faisait ses courses à Costco. La douche était propre, ce qui n’avait rien pour surprendre. Sa maison le trahissait : il était férocement maniaque, dans l’hyper-contrôle. Une croix de plus à cocher sur le profil auquel Arlen correspondait point par point.
Charlotte parcourut la maison pas à pas. L’organisation obsessionnelle sautait aux yeux partout. Trouver une pièce à conviction dans ces conditions relevait de l’exploit. Et sans preuve matérielle, jamais ils ne pourraient démontrer qu’Arlen était le tueur dit « le Métronome ». Quelque part dans cette maison se trouvait un couteau avec une lame de vingt-cinq centimètres, des liens et une batte ou une barre de fer dont il se servait pour briser les jambes de ses victimes. Le légiste était quasiment certain que les petites filles étaient attaquées en position allongée, et qu’il utilisait un instrument arrondi pour casser proprement tibias et péronés.
Alors, où avait-il l’habitude de procéder ? Dans un lit ? Par terre ? Sur une table ? Charlotte s’efforça de se mettre dans la tête d’Arlen. Que ferait-elle si elle voulait mater la volonté d’une enfant ?
Elle ferma les yeux et laissa la terreur l’envahir.
La fillette avait dû être enfermée dans un lieu inquiétant. Dans le noir. Avec des bestioles grouillantes : des rats, des araignées. L’air était froid, humide et sentait le renfermé, comme dans tous les lieux enterrés. Les souterrains.
Un souvenir refoulé remonta à la surface. Son père, un tyran dans le meilleur des cas, l’enfermant dans la cave à vin, sous la maison, pour la punir de ce qu’il considérait comme une transgression.
Charlotte frissonna et descendit visiter le sous-sol.