Nashville
19 heures
Ariane froissait les plantes aromatiques entre ses paumes, les frottant de manière à alimenter régulièrement le feu sacré.
— Isis, Astarté, Diane, Hécate, Déméter, Kali, Inanna.
Quatre fois encore, elle répéta la mélopée, d’une voix calme, monocorde, en allongeant le « a » final d’Inanna, la déesse sumérienne — se sentant devenir une avec son panthéon. La divination par le feu était celle qu’elle préférait. Et elle était sûre qu’elle parviendrait à entrer en contact psychique avec le sorcier, à présent qu’il était séparé de son coven. Il devait émettre des signaux répétés pour essayer de retrouver les siens. Et Ariane était certaine qu’elle parviendrait à se connecter à lui par ce biais.
Les flammes montaient, hautes et claires, parfumées au romarin pour le souvenir, au jasmin car c’était la senteur fétiche du sorcier. Elle ferma les yeux et tomba dans une transe de plus en plus profonde. Puis elle souleva les paupières. Le regard fixe, elle aiguisa sa vision, s’ouvrit à l’invisible.
Elle vit un autel. Simple, presque grossier, même, et un athamé avec un manche noir. Deux corps — un féminin, un masculin — unis dans le Grand Acte. Puis elle vit la fille pleurer, et le garçon disparut.
Et ce fut tout.
Ariane revint à elle et dessina l’autel de sa vision. La déité que priaient les deux jeunes était féminine. Elle le voyait aux objets symboliques placés sur l’autel entre les lares et les pénates. Mais quelles conclusions en tirer ? La figure masculine qui s’était dessinée dans les flammes correspondait au sorcier qu’elle avait vu au Subversion. Mais elle ne parvenait pas à lui donner un nom. La sorcière féminine semblait être la plus forte des deux, mais elle pouvait se tromper dans son interprétation. Les hommes, parfois, mettaient leur puissance mentale en sourdine, en présence de la femme qu’ils aimaient, et ils la traitaient en égale. Lorsqu’elle les avait vus au centre de la piste de danse, le garçon lui avait donné le sentiment d’être le plus fort des deux. Une chose était certaine : un lien intense les unissait.
Ariane ne pouvait rien faire de plus pour le moment. Elle avait fait passer le message parmi ses frères. Ils étaient nombreux, désormais, à chercher le sorcier meurtrier. Elle finit par tomber dans un sommeil léger, son carnet de notes ouvert à côté d’elle, priant pour que le panthéon lui indique la voie à suivre par le biais de ses rêves.