Grimes parlait à toute vitesse.
— On se dirige vers l’endroit où Marni Fischer a été vue pour la dernière fois. Je vais te la décrire. Elle ne correspond pas entièrement au profil des autres victimes, mais il y a des similitudes.
» Marni est âgée de vingt-huit ans, elle mesure un mètre soixante-quinze, pèse soixante-deux kilos. Cheveux mi-longs châtain clair et yeux bruns. Elle est née à Orlando, en Floride. Cette môme a une histoire intéressante, du genre de ce qu’on voit à la télé. Ses parents sont morts dans un accident de voiture alors qu’elle n’avait que trois ans. Elle a été élevée par sa tante, mais cette tante est morte quand Marni avait seize ans. Elle est entrée à l’université de Floride centrale à l’âge de dix-sept ans, grâce à une bourse prenant en charge tous ses frais. A vingt et un ans, elle en est sortie avec deux diplômes, en microbiologie et en chimie. Elle est aussitôt entrée à l’Ecole de médecine de Géorgie. Elle a obtenu son doctorat à vingt-cinq ans et est interne en gynécologie-obstétrique depuis trois ans… »
Baldwin dévisageait Grimes. Le contexte correspondait en effet au profil des autres filles. Grimes capta son regard.
— Oui, elle est médecin. Encore un rapport avec le monde médical. Tu crois que ce tueur est un toubib fou, assoiffé de vengeance ?
Baldwin secoua la tête.
— Je ne sais pas, Grimes. Je ne vois pas du tout quel genre de type il pourrait être. Il est trop tôt pour déduire son mobile à partir du choix de ses victimes. Continue.
— D’accord. Elle travaille comme stagiaire interne à l’hôpital communautaire de Noble. Un médecin qu’elle a connu à la fac de médecine lui a conseillé d’y travailler pour y acquérir de l’expérience avec les femmes pauvres qui n’ont pas les moyens de recevoir des soins corrects, notamment prénataux.
Il s’interrompit un instant.
— Au fait, elle est fiancée. Avec un certain Greg Talbot, interne en gynécologie depuis quatre ans. Ils veulent se marier et emménager dans une petite ville du Sud rural pour dispenser des soins prénataux et aider les femmes pauvres à accoucher.
Grimes venait de lui confier cette information avec un sourire en coin. Baldwin savait ce que pensait Grimes. Le fiancé était la première personne à interroger. Mais il ne fit aucun commentaire, il ne voulait pas tirer de conclusions hâtives. Grimes n’insista pas et poursuivit son récit.
— Bon, où en étais-je ? Ah oui, Marni était censée aller chez son amie Sharon Baker à Augusta après avoir fini sa journée de travail à l’hôpital de Noble. Son stage était terminé pour le mois et elles devaient fêter ça. Elle était attendue à Augusta à 19 heures. Il y a à peu près deux heures de route entre Noble et Augusta. Inquiète de ne pas voir Marni arriver, Sharon essaie de la joindre sur son téléphone portable. Elle tombe sur la messagerie. Sharon s’inquiète de plus en plus. Marni n’est pas du genre à ne pas prévenir en cas de retard. Sharon finit par appeler Greg, le fiancé, qui devait passer le week-end à Atlanta avec des copains. Il monte dans sa voiture aussitôt, se rend à Augusta. Le dimanche matin, ils se mettent à chercher Marni dans le coin. Ils refont le chemin qu’elle aurait dû prendre pour venir de Noble. Ils s’arrêtent dans toutes les aires routières et toutes les stations-service qui bordent la route. Ils se rendent chez elle et ne trouvent rien de louche. Arrivés à Noble, ils se rendent à l’hôpital et tombent sur sa voiture dans le parking. Les clés sont sous la voiture, son sac à main et son téléphone portable sont posés sur le siège avant. Ils appellent la police de Noble qui a eu la présence d’esprit de nous prévenir. Et nous voilà.
Baldwin regarda par la vitre le paysage qui défilait sur le bord de la route. Son esprit bouillonnait, essayant d’y voir clair. Le scénario était simple : enlever une fille, la zigouiller et abandonner son corps dans une autre ville, puis enlever une fille dans cette dernière ville, et ainsi de suite. Dans quelle ville allait-on retrouver Marni Fischer ?
De l’Alabama à la Louisiane, de la Louisiane au Mississippi, du Mississippi au Tennessee, du Tennessee à la Géorgie, et de la Géorgie à…
— Hé ! Grimes, tu as une carte dans cette voiture ?
— Ouais, sous ton siège. J’ai acheté une carte du Sud-Est quand j’ai quitté la Virginie.
Baldwin fouilla sous le siège et en extirpa un atlas routier. Il le feuilleta jusqu’à ce qu’il trouve une page où figurait une carte de l’ensemble des Etats du Sud-Est. Voyons cela. Huntsville, Baton Rouge, Jackson, Nashville, Noble. Le tueur allait-il se diriger vers un Etat à l’ouest de l’Alabama, en une sorte de cercle concentrique ? Ou bien irait-il vers le nord, en Caroline du Nord ? Baldwin secoua la tête. Ce n’était pas ainsi qu’il fallait raisonner. Il rangea l’atlas routier sous le siège. Non, il lui fallait examiner les points communs entre les victimes s’il voulait précéder cet assassin à l’esprit tordu.
— Grimes, parle-moi du profil des victimes. Fais comme si je ne savais rien d’elles. Commence au tout début.
Baldwin fouilla dans sa serviette et en sortit un calepin, qu’il ouvrit à une page blanche.
— Bon. Comme tu voudras. Je vais commencer par Susan Palmer. Une fille tranquille, selon sa famille. Elle venait d’obtenir son diplôme d’infirmière et avait trouvé un emploi à l’hôpital communautaire de Huntsville. Elle était un peu terne, pas une beauté comme Jessica Porter. Elle habitait un appartement au-dessus du garage de ses parents. Sa mère souffre d’une maladie invalidante et Susan préférait ne pas trop s’éloigner d’elle. Il y avait aussi une infirmière à plein temps qui s’occupait d’elle. Pas de père, il est mort quand Susan était enfant. Il n’y avait qu’elle et sa mère. On a retrouvé son corps près d’un canal dans un quartier ancien et miteux de Baton Rouge. Elle n’avait aucune raison de se trouver là. C’est pourquoi on a estimé qu’il l’avait transportée jusque-là et écarté la possibilité qu’elle s’était rendue à Baton Rouge d’elle-même et qu’elle y avait été tuée. Le rapport du médecin légiste mentionne des signes d’hésitation dans l’amputation de sa main droite. En précisant qu’on aurait dit qu’il essayait de rassembler son courage pour lui couper la main. Mais la main gauche ne portait pas d’autres traces que celle d’une scie, sans cafouillage.
Grimes se racla la gorge, regarda par la vitre comme pour chasser de son esprit la scène de l’autopsie vers les massifs qui couvraient les collines environnantes.
— C’est bizarre. Personne ne se souvient de l’avoir vue quitter l’hôpital. Elle n’y avait pas beaucoup d’amis. Elle venait le matin, remplissait ses fonctions et rentrait chez elle. Nous n’avons pas pu déterminer comment elle a pu croiser le chemin de notre tueur. Elle évitait les ennuis et ne faisait pas de vagues.
— Une invisible, murmura Baldwin.
— Comment tu dis ? Ouais, je pense qu’on peut dire ça, elle était invisible. Un choix sans risque, pour le tueur. Mais Jeanette Lernier, elle, n’était pas du tout invisible. Un peu effrontée, pleine de vie, culottée : voilà les mots qui revenaient dans les témoignages à son sujet. Elle suivait un stage en entreprise, dans une société de marketing de Baton Rouge, elle essayait d’acquérir un peu d’expérience professionnelle après la fac, avant d’entrer en second cycle. Elle avait beaucoup de copines, des copains aussi, si tu vois ce que je veux dire. Elle sortait beaucoup le soir. La rumeur dit qu’elle venait d’avoir une liaison avec un ponte de la société pour laquelle elle travaillait, et qu’elle avait du chagrin après avoir été plaquée par ce personnage. Elle venait d’une bonne famille, avait deux frères et une sœur qui sont encore sous le choc. C’était elle qui apportait de la vie dans la famille et, quand elle a disparu, la gaieté s’en est allée avec elle. Une affaire vraiment triste, quand on y pense. Elle avait tout pour réussir et elle a fini étranglée sur le bord de la route. Franchement, si on n’avait pas trouvé la main de Susan Palmer sur la scène du crime, on n’aurait sans doute pas fait le rapprochement entre les deux crimes. Même si le mode opératoire était similaire, les deux victimes étaient si différentes… A mes yeux, en tout cas.
— Je vois ce que tu veux dire. Mais c’est le même tueur, aucun doute là-dessus.
— Dans ce cas, pourquoi a-t-il pris un mois de congé ? On dirait qu’il était parti pour tuer à un rythme rapide et qu’il s’est arrêté en plein élan.
— Bonne question. Je commence à avoir une idée de la personnalité de notre tueur, mais j’aimerais découvrir le mobile exact de ces meurtres. Il doit y avoir une sorte de motivation. Bon, continue… Jessica Porter ?
— Jessica Ann Porter, dix-huit ans, un mètre soixante, cinquante-cinq kilos. Née à Jackson. Elle partageait un appartement avec une amie. Elle cherchait vraiment à être indépendante. Ses parents étaient contre, mais elle a réussi à les convaincre. Tina et Steve Porter. Le papa est mécanicien, la maman institutrice. Une famille d’Américains moyens. Jessica avait deux frères : Joseph, âgé de seize ans, et James, treize ans. Ils sont brisés, ils la vénéraient. Elle suivait des cours à l’université du Mississippi, elle voulait être infirmière ou exercer une profession paramédicale, elle n’avait pas encore décidé exactement. Elle travaillait comme standardiste à l’hôpital communautaire du Mississippi, dans le but de se familiariser avec le milieu hospitalier. Je t’ai dit qu’elle travaillait bénévolement dans un foyer de SDF et livrait de la nourriture à domicile aux handicapés… Comment ça s’appelle, ce service ?
— Plats chez soi ?
— Ouais, c’est ça. Plats chez soi. Elle faisait ça deux soirs par semaine. Elle habitait avec une môme sympa, Amanda Potter. Elles ont été voisines et meilleures amies toute leur vie. C’est Amanda qui m’a parlé des cheveux.
— Grimes, je veux que tu me dises tout ce que tu sais, même s’il s’agit d’infos que tu m’as déjà transmises, d’accord ?
Grimes serra le volant très fort.
— Ouais, je sais… Où en étais-je ?
— Les cheveux.
— D’accord. Donc sa copine Amanda m’a confié qu’elle avait de longs cheveux bouclés, du genre que toutes les femmes aimeraient avoir, mais elle, elle détestait ça et elle les faisait lisser. Elle m’a aussi raconté qu’elles avaient fait quelques expériences, avec l’alcool et d’autres produits… Mais Jessica n’a jamais vraiment aimé ça. Ce n’était pas une fêtarde. Elle fumait en cachette, ses parents n’étaient pas au courant. C’était une fille souriante et douce, qui n’élevait jamais la voix et ne manquait pas de jugeote. Sa copine m’a dit qu’elle était un peu naïve, surtout avec les garçons. Elle était vierge, aucun doute là-dessus. Jusqu’à ce que ce salaud lui mette la main dessus.
— Bon. Dis-moi comment elle a disparu.
— Elle rentrait chez elle du travail à pied, vêtue d’une blouse verte comme tous ses collègues. C’est un petit hôpital, au service des indigents qui n’ont pas les moyens de se payer une assurance-maladie. Bon, quoi qu’il en soit, elle avait pour habitude de rentrer chez elle pour se changer puis de filer à la salle de gym. Amanda a précisé que Jessica angoissait sur son corps, qu’elle passait pas mal de temps à faire de la gym. Bien sûr, Amanda trouvait que Jessica avait un corps parfait, mais tu connais les jeunes filles… Elles ne se voient pas comme les voient leurs amies. Du moins, c’est ce que ma fille me dit. Tu as des enfants, toi ?
— Non. Continue, je t’en prie.
— Bon, bon, ne sois pas si susceptible… Elle a quitté l’hôpital à 17 h 15 et n’est jamais arrivée chez elle. Ses parents ont signalé sa disparition vers 21 heures, et les autorités locales ont tout de suite donné l’alerte et commencé les recherches. Ça n’a servi à rien, elle devait déjà être morte.
— Qu’est-ce qui te fait dire ça ?
— Quand vous avez trouvé son corps à Nashville, elle était morte depuis un bon moment. Trois jours s’étaient écoulés entre son enlèvement et la découverte du corps. Le médecin légiste a dit qu’elle était morte depuis au moins vingt-quatre heures.
— Aucune idée de l’endroit où il l’a séquestrée ? Je suppose qu’il n’est pas resté dans l’appartement avec le cadavre.
— Pas la moindre idée. On a vérifié autant qu’on a pu les motels sur la route de Jackson à Nashville. On a montré sa photo un peu partout. Merde, mec, il y a plein d’hôtels, de motels et de chambres d’hôtes entre Jackson et Nashville. Trop, pour qu’on puisse tout contrôler en aussi peu de temps. En plus, l’assassin est peut-être un mec du coin, qui dispose d’un local discret où il peut séquestrer ses victimes.
Baldwin réfléchit un instant et dit :
— Je ne suis pas d’accord avec cette hypothèse. Ce mec a un plan. Je n’arrive pas à imaginer qu’il ait choisi un motel au hasard. Il doit bien connaître les régions où il frappe, mais il ne peut pas avoir un pied-à-terre dans chacune d’elles.
Il se tut, réfléchit de nouveau. Le tueur était déjà passé dans cinq Etats. Baldwin songea qu’il faudrait procéder à des recoupements géographiques, déterminer s’il y avait un point équidistant d’où le tueur pouvait opérer. Il nota ce détail dans son calepin.
— Je vais donner un coup de fil, dit-il. Je veux savoir ce que la police de Nashville a glané sur Shauna Davidson.
Il appela Taylor sur son téléphone portable, content de l’entendre décrocher à la première sonnerie.
— Agent Baldwin à l’appareil, dit-il en s’efforçant de prendre un ton officiel.
— Salut, agent spécial, répondit-elle d’une voix taquine.
Baldwin jugea qu’elle devait être seule. Il aurait aimé être avec elle.
— Je vais mettre le téléphone en fonction haut-parleur. Je suis dans une voiture avec l’agent spécial Jerry Grimes, qui enquête sur les meurtres de Louisiane et d’Alabama. Il a besoin d’entendre ce que vous avez à dire. Vous avez trouvé des éléments contextuels sur Shauna Davidson ?
La voix de Taylor résonna dans le haut-parleur, claire et professionnelle.
— Oui, voilà ce qu’on a trouvé : vingt et un ans, un mètre soixante-huit, soixante-quatre kilos, yeux bruns, cheveux bruns. Elle suivait des cours à l’université d’Etat du Tennessee central, en prépa de médecine. Nom des parents : Carol et Roger Davidson, tous les deux comptables de profession, plutôt aisés — ce qui explique le luxe relatif de l’appartement de leur fille. Fille unique, un peu gâtée selon ses amies.
» Elle faisait partie d’une bande de copines qui se nommaient elles-mêmes le Gang. Leurs noms : Megan, Kimber et Tiffany. Elles ne se quittaient pas. Elles étaient toutes les quatre de sortie le soir où Shauna a disparu. Elles ont fait la tournée des bars, se sont un peu soûlées. Elles ont terminé la soirée dans un bar nommé Jungle Jim. Megan et Kimber ont été abordées par deux gars, ont essayé de se faire payer à boire. Tiffany s’est séparée d’elles à ce moment-là. Son petit ami est arrivé pendant qu’elle dansait avec un autre garçon. Elle était éméchée, il était furieux. Elle s’est assise avec lui à une autre table et ils se sont mis à causer dans leur coin, absorbés par leur conversation. Shauna était avec Megan et Kimber pendant qu’elles bavardaient avec les deux autres garçons. Apparemment, la situation ne lui plaisait pas trop. Et quand l’un des garçons a essayé de la draguer, elle l’a rembarré. Selon Megan, elle lui a adressé un doigt d’honneur, ce qui a fait rire Kimber et Megan. Kimber a précisé que Shauna n’était pas un ange mais qu’elle ne s’amourachait pas du premier venu. Et c’est la dernière fois qu’elles l’ont vue.
» Elles se sentent terriblement coupables. Elles étaient ivres et ne faisaient pas trop attention à leur amie. Megan et Kimber ont vu Tiffany partir du bar avec son petit ami et, quand elles ont décidé de quitter les lieux, Shauna n’était plus là et elles ont pensé qu’elle s’était fait raccompagner par Tiffany.
— Quelqu’un l’a vue quitter le bar ?
— Oui, un videur croit se souvenir l’avoir vue partir toute seule. Il dit qu’il l’a vue marcher vers le nord sur Front Street, c’est-à-dire vers chez elle. Depuis, plus rien. Jusqu’à ce qu’elle réapparaisse en Géorgie. C’est le même type ?
— Oui, c’est le même type. On a retrouvé une main dont on pense que c’était celle de Jessica Porter près du cadavre. Elle est au labo. Mais on a un nouveau problème…
— Je préfère ne pas savoir…
— Une nouvelle disparition. Une femme médecin de Noble, en Géorgie. On est en route vers cette ville pour en savoir plus. Ne vous éloignez pas de votre téléphone, on devrait pouvoir vous transmettre de nouvelles informations sous peu.
— D’accord. Merci de me tenir au courant. A bientôt.
Baldwin raccrocha et dit à Grimes :
— Parle-moi des lieux de crime. Qu’est-ce que vous avez trouvé comme indices aux endroits où les corps ont été retrouvés ?
— Rien. Que dalle. Zéro. Les victimes étaient étendues sur le dos, les bras en croix, les jambes croisées au niveau des chevilles. Mais rien n’indique qu’elles n’ont pas été juste abandonnées là, sans mise en scène. On n’a même pas vu de traces de pneus. On a seulement ramassé des détritus, des boîtes de conserve, des bouteilles vides, des vieux journaux, ce genre de trucs. C’était la même chose à Nashville ?
Baldwin inspira profondément.
— Non, rien d’intéressant pour l’enquête. Juste le corps de Jessica et ce qui est sans doute la main de Jeanette. Il faut attendre les résultats des analyses ADN pour en être certain.
— Même chose, ici, en Géorgie. Mec, c’est vraiment un truc de dingue.
— Il ne nous laisse pas grand-chose à nous mettre sous la dent, hein ? Et maintenant voilà que cette Marni Fischer a disparu à son tour. Elle n’a pas été vue depuis quand ?
— Depuis hier, à la fin de sa journée de travail, vers 17 heures.
— S’il les garde pendant trois jours, cela nous laisse jusqu’à demain soir, je me trompe ?
— Non, c’est bien ça. Et ce mec se déplace en roulant sur l’autoroute. Il pourrait être n’importe où à l’heure qu’il est.
Baldwin consulta le dossier qui était posé sur ses cuisses. Marni Marie Fischer, âgée de vingt-huit ans. Un visage ravissant le fixait d’un œil rieur. Il examina soigneusement ses traits, notant au passage les différences avec les autres victimes. Elle était plus âgée, cela sautait aux yeux. Les trois premières victimes sortaient à peine de l’adolescence. Et Marni avait les cheveux châtain clair, alors que les trois précédentes étaient toutes brunes. Il se surprit à prier au plus profond de lui-même pour que Marni Fischer ait simplement disparu et qu’elle soit encore en vie, quelque part. Pour qu’elle ne soit pas la nouvelle victime de l’Etrangleur du Sud.
Le téléphone de Grimes se mit à sonner. Il décrocha et écouta attentivement les propos de son correspondant. Il raccrocha et secoua la tête, comme pour se remettre les idées en place. Puis son regard revint à Baldwin.
— Bon, voilà, je vais te dire en deux mots ce qu’ils ont trouvé. Presque rien… Le shérif souhaite qu’on le rejoigne à l’hôpital. Les flics du coin voulaient mettre sa voiture à la fourrière, mais finalement ils sont d’accord pour nous attendre. Je sais que tu aimes examiner toi-même les scènes de crime telles qu’elles sont.
Baldwin hocha la tête.
— Très bien, ça va nous faciliter le travail.
— Il apporte aussi des photos de la scène, afin que tu puisses avoir un aperçu des choses dans l’état où ils les ont trouvées.
— Il n’y a plus qu’à espérer qu’on y dégotera un détail qui puisse nous éclairer un peu.
Baldwin se cala dans son siège en se mordillant la lèvre inférieure. Il avait un mauvais pressentiment, redoutant de ne rien trouver qui puisse leur permettre de sauver Marni Fischer.