L’idéalisme et le réalisme
Idéalisme-réalisme. Il ne s’agit là ni de psychologie ni d’écoles littéraires. On ne songe pas à opposer Lamartine à Flaubert. Il s’agit de deux solutions possibles au problème de la connaissance.
La question fondamentale consiste à se demander où l’on situe la rationalité. Selon le point de vue du réalisme, la rationalité se trouve dans la nature. Les choses sont foncièrement rationnelles. L’homme au contraire obéit à des fantasmes, des passions, des terreurs et des rêves irrationnels. Toute l’histoire de la science, c’est l’apprentissage de la raison par l’homme grâce à la seule observation de la nature. La nature joue ici le rôle d’une éducatrice à l’infaillible sagesse vis-à-vis de ce pauvre fou qu’est l’homme.
Les « scientifiques » sont tout spontanément réalistes, si spontanément qu’ils ne le savent même pas, ce mot ne faisant pas partie de leur vocabulaire. C’est là une inconscience dangereuse qui peut leur valoir des réveils douloureux, voire des crises de somnambulisme aventureuses. Si l’on adhère à une théorie – de la connaissance ou autre – mieux vaut que ce soit délibérément et en toute conscience.
À l’opposé, l’idéalisme place la rationalité dans l’esprit humain. Il conçoit la nature comme une masse amorphe fournissant à l’esprit un matériau dans lequel celui-ci puise pour construire les diverses sciences. Pour l’idéalisme, le « fait brut objectif » apparaît comme un obstacle opaque, plus ou moins difficile à réduire, mais qui devra être assimilé pour que la science s’élabore. Le fait scientifique n’est pas ce dont est faite la science, mais ce que fait la science en se faisant.
L’idéaliste récuse toute idée de progrès, et dénonce la naïve arrogance des scientifiques persuadés que leurs connaissances sont les meilleures de toute l’histoire humaine par cela seul qu’elles sont les plus récentes. Les diverses sociétés humaines à travers le temps et l’espace – qu’il s’agisse de l’Egypte pharaonique ou des USA de F. Roosevelt – constituent des systèmes cohérents et rigides où l’on peut distinguer, comme autant d’organes solidaires, un système politique, une religion, une économie, une médecine, une astronomie, une physique, une poésie, un théâtre, une musique, etc. Aucune de ces structures ne peut être supprimée ou remplacée. Lorsque nos médecins ou nos astronomes affirment que leur médecine ou leur astronomie est meilleure ou plus vraie que celle du temps de Louis XIV, ils expriment simplement par là leur appartenance à la fin du XXe siècle.
CITATION
Esse est percipi.
Être, c’est être perçu.
George Berkeley