Le chat et le chien

 

Le chat et le chien sont les plus domestiques de tous les animaux, c’est-à-dire les mieux intégrés à la maison (domus). Mais ils s’y intègrent de façon bien différente.

On a dit du chat que c’était un tigre d’intérieur, un fauve en miniature. Il est bien certain que sa docilité à l’égard des exigences de l’homme est beaucoup plus limitée que celle du chien, de telle sorte qu’il conviendrait de le qualifier d’apprivoisé, plutôt que de domestique. Quelle différence y a-t-il entre un animal domestique et un animal apprivoisé ? Le premier est né dans la maison. Le second est né dans la nature, et n’a été introduit que plus tard dans la maison. Or il est bien connu que les chattes aiment à faire leurs petits au-dehors pour les apporter ensuite un par un au foyer humain.

L’indépendance du chat vis-à-vis de l’homme se manifeste de cent façons, notamment par son peu de goût pour le sucre et les mets sucrés dont raffole le chien, mais surtout par son refus d’apprendre les gestes qui rendent service à l’homme. Jean Cocteau disait qu’il préférait les chats aux chiens, parce qu’on n’a jamais vu de chat policier. Mais on n’a jamais vu non plus de chat berger, de chasse, d’aveugle, de cirque, de traîneau, etc. Le chat semble mettre un point d’honneur à ne servir à rien, ce qui ne l’empêche pas de revendiquer au foyer une place meilleure que celle du chien. Il est un ornement, un luxe.

C’est aussi un solitaire. Il fuit ses semblables tandis que le chien recherche les siens avec ardeur.

Le chien souffre de son dévouement excessif à l’homme. Il est avili par son maître qui le contraint parfois à des tâches ignobles. Pis que cela : on dirait que les éleveurs mettent en œuvre toute la science génétique pour fabriquer des races de chiens de plus en plus laides et monstrueuses. Après les teckels – qui tiennent du serpent par la petitesse de leurs pattes – et les bouledogues – qui ne respirent qu’en suffoquant –, on a inventé des bergers allemands à l’arrière-train surbaissé, des levrettes affligées d’un tremblement incoercible, des chiens dépourvus de poils, etc. Ces infirmités ont visiblement pour fonction d’exciter sans cesse la pitié et la sollicitude du maître, et de leur donner un objet.

Il y a des hommes à chat et des hommes à chien, et ces deux traits coexistent rarement. Du chien, on attend une impulsion à ouvrir la porte et à partir à la conquête du dehors. L’homme ne promène pas son chien, c’est lui qui est promené par son chien. Il compte sur lui pour explorer en son nom les coins et recoins de la rue, de la campagne ou de la forêt environnante. Son flair – dont le chat est dépourvu – est un instrument de détection à distance que l’homme prétend s’approprier.

Au contraire, le chat invite à rester à la maison, à s’acagnarder au coin du feu ou sous la lampe. Il ne s’agit pas de sommeiller, mais de méditer au contraire. C’est par sagesse – et non par paresse – que le chat dédaigne l’agitation inutile. Le chien est un primaire, le chat un secondaire.

CITATION

Mieux vaut être un chien vivant qu’un lion mort.

L’Ecclésiaste