Chapitre 70
Le Père de la Douleur entra dans la salle des Conquêtes, la traversa sans saluer et alla s’installer dans son trône. Rangés de part et d’autre de la grande table de pierre, les trois Seigneurs de Guerre, Croc-de-Haine, Griffe-de-Sang et Berger-du-Massacre, attendaient son bon vouloir.
Le corps massif et musculeux de Croc-de-Haine était couvert d’une peau indigo, épaissie, granuleuse ; une toison noire et rase qui exhalait une odeur musquée poussait dans son dos, recouvrait ses épaules, remontait encore jusqu’à couronner l’arrière de son crâne. Ses pectoraux hors-norme étaient sanglés d’un baudrier laqué de noir, ses reins noueux couverts d’une jupette en cuir de griffon, et ses poignets ornés de bracelets de force en métal teinté d’émeraude. Sa corne frontale s’agitait de droite à gauche, faisant briller le rubis de son anneau nasal, alors qu’il penchait la tête, ses yeux globuleux braqués sur la carte de Streywen dont il étudiait encore les détails.
À la droite du chef de la Horde, Griffe-de-Sang, l’hybride serpentère. Les traits reptiliens du seigneur étaient creusés par l’impatience. Il était le seul de sa race à posséder une paire d’ailes courtes à rayures cramoisies, sagement rangées dans son dos, hélas trop faibles pour lui permettre de voler ; le seul également à arborer ces reflets verts sur sa peau écailleuse. Pour seul vêtement, il portait un pagne taillé dans de la peau humaine, et comme bijou, un collier composé de doigts tranchés, certains frais, d’autres séchés, qu’il prenait et mâchouillait en guise de friandise.
Postée à l’une des extrémités de la table, figurait la reine de l’Essaim des Mantes, Berger-du-Massacre. Comme à son habitude, elle se tenait le plus à l’écart possible de ses pairs. Il était impossible de dire ce que regardaient ses yeux à facettes rosées, ou de deviner le fil de ses pensées. Les antennes annelées de son front bombé pointaient, pour le moment immobiles hors de la capuche de sa houppelande de laine violette, destinée à recouvrir tant sa silhouette fine et voûtée que sa carapace de chitine mauve. De temps à autre, ses pinces sortaient de ses manches et claquaient dans le vide. De temps à autre également, la reine ouvrait sa bouche à plis, dévoilant une paire de mandibules dentelées qu’elle faisait crisser l’une contre l’autre, sachant pertinemment que ce grincement hérissait les nerfs de ses deux alliés.
Vêtu de son habituel costume de soie noire, Leprín était également présent, en retrait, à côté du trône.
Accrochées au-dessus de la table où figurait la carte de Streywen, pendaient trois pierres de contact ; elles permettaient la liaison directe avec les chefs de régiments. Des figurines de bois taillé symbolisant les forces d’invasion, elles étaient avancées à mesure de la progression de ceux qu’elles représentaient.
Le Légat prit la parole :
— Les derniers rapports indiquent que tout va pour le mieux, monseigneur. Nos troupes ont avancé plus vite que prévu. D’ici demain soir elles devraient arriver en vue de la Citadelle. Plus tôt peut-être si elles se lancent dans une marche forcée.
— Parfait ! s’exclama le Père de la Douleur, qui n’avait pas songé à prévenir Leprín de la capture de Cellendhyll. Rien ne presse, inutile d’augmenter l’allure. J’avoue, cher Leprín que j’attends avec impatience la prochaine liaison. Cela ne devrait plus tarder. Au fait, je ne vois pas Estrée d’Eodh…
— Elle est effectivement en retard, rétorqua le Légat. Voulez-vous que j’aille la chercher ?
— Non, inutile. Tant pis pour elle, elle va manquer notre triomphe mais peu importe. Il me suffit qu’elle soit là au moment où je ferai tomber les remparts de la forteresse du Chaos.
Chacun à leur manière, les Seigneurs de Guerre exprimèrent un contentement égal à celui de leur maître ; même Berger-du-Massacre, pourtant peu démonstrative. Si dissemblables les uns des autres, et bien que rivaux, les Ténébreux réunis partageaient en cet instant rare la même confiance, la même excitation. Ils estimaient chacun avoir beaucoup à gagner de cette invasion dont ils se voyaient déjà victorieux. La supériorité flagrante de leurs troupes, l’effet de surprise, la magie que le Roi-Sorcier leur avait promise pour abattre les murs de la Citadelle chaotique… que de nets avantages. En vérité, chacun s’inquiétait bien plus des honneurs que risquaient également d’accumuler les deux autres seigneurs, que de l’ennemi.
La forêt de Streywen retenait son souffle. Répartis en files, arme à l’épaule, les Sanghs avançaient sur trois sentiers parallèles, les seuls qui s’offraient à eux au sein de l’épaisse canopée. Enfoncés sous les hautes frondaisons des arbres, les guerriers ténébreux étaient prudents mais confiants. Les éclaireurs qui devançaient le gros de la horde n’avaient repéré aucun signe de l’ennemi.
Fracasseur-d’Espoir, qui dirigeait les forces sanghs, était impatient d’en découdre. Il avançait en tête de son régiment, balançant sa lourde hache devant lui, taillant sans merci ou piétinant les herbes et les broussailles qui lui faisaient l’affront de barrer sa route. Dans sa main libre reposait la pierre de gemmelitte qui lui permettait de faire ses rapports.
Quelque chose attira son attention, une trentaine de pas devant lui, une curieuse excroissance qui semblait collée en travers du tronc d’un grand chêne, au bord du sentier, et qui déparait avec l’unité de la sylve.
Levant le poing, le colosse sangh ordonna l’arrêt de ses guerriers. Avec deux de ses meilleurs officiers, il se rapprocha. Il lui fallut une bonne demi-minute avant de comprendre.
L’excroissance qui l’avait interpellé de la sorte se révélait être le corps décapité de son éclaireur en chef, cloué à l’arbre par une série de pieux.
Fracasseur-d’Espoir n’eut pas le temps de donner ses ordres. Au-dessus des têtes ténébreuses résonna le claquement d’une corde que l’on tranchait, suivi du grincement du bois contre le bois. Crevant le plafond formé par l’épais feuillage des chênes, un gigantesque tronc d’arbre hérissé de pointes taillées tomba du ciel, son élan latéral orienté à l’aide d’une série de cordes. Le bélier faucha une dizaine de guerriers sanghs, brisant les corps et les vies. Déjà d’autres troncs surgissaient du haut des arbres, tandis que du même endroit jaillissaient une nuée de flèches.
D’autres Sanghs tombèrent, lardés de traits, fracassés ou empalés par les troncs géants. Les frondaisons étaient trop denses, ils ne voyaient rien de leurs adversaires, juste ces flèches sifflantes, trop vives, trop parfaitement ajustées pour être évitées. C’était comme si la forêt elle-même se défendait, crachant sa colère de la cime des arbres.
Le premier des cristaux qui pendait au-dessus de la table, celui qui correspondait au régiment des Sanghs, se mit à pulser d’un feu jaune. La communication s’établissait. Le cristal clignota une dernière fois, signe que le contact était établi.
— Hé bien, Fracasseur-d’Espoir, quelles bonnes nouvelles as-tu à m’apprendre ? susurra le Roi-Sorcier, tout en se penchant en avant.
Il reçut pour toute réponse un hurlement violent qui le renvoya contre le dossier de son trône, tandis que le visage grimaçant du chef de troupe sangh apparaissait dans la gemme de communication.
— C’est un piège ! écuma Fracasseur-d’Espoir à travers le cristal, tandis que le bruit d’un combat intense se répercutait derrière lui. Sécurisez le flanc droit ! dit-il encore en s’adressant à ses hommes.
— Qui vous attaque ? Quel est leur nombre ? questionna Leprín.
— Impossible de le dire. Ils nous frappent des arbres… Des archers ! Je viens de perdre un quart de mes guerriers et nous n’avons pas encore repéré le moindre adversaire.
Ébranlé par ce retournement de situation, le Père de la Douleur rassembla ses pensées. Il finit par annoncer :
— Repliez-vous. Trouvez une position pour vous défendre et reprenez le contact.
Il avait donné ses ordres, tout en songeant que ses troupes étaient trop éloignées des portails de transfert à présent pour les rejoindre saines et sauves.
— Vous entendre, c’est obéir, mon roi, opina Fracasseur-d’Espoir.
Une flèche se ficha dans l’épaule du chef des Sanghs. Il l’arracha de sa chair d’un geste agacé, lâcha l’ordre de la retraite, et rompit le contact avec Mhalemort.
Les Ténébreux échangèrent un regard lourd d’inquiétude. Que signifiait cette soudaine embuscade ?
Mâche-les-Forts menait sa meute de Serpentères blancs et verts, serpentant fièrement à travers la canopée. Les grands reptiles remontaient une sente pointant au nord qui commençait à s’évaser jusqu’à déboucher sur une vaste clairière.
Au centre de l’endroit se tenait un homme. Assis sur le sol sableux, les jambes en tailleur, il portait une tunique verte rehaussée de petites feuilles brodées d’argent. À l’arrivée des Serpentères, il se releva nonchalamment. Sa chevelure était d’un blanc de neige, sa barbe courte d’un noir d’encre. Son regard assuré brillait d’un gris aux reflets dorés. Il était pieds nus.
Plus curieux qu’inquiet, Mâche-les-Forts fit avancer la moitié de sa troupe à découvert, sommant les autres de surveiller le sentier et ses alentours. Aucun ennemi ne fut repéré.
Le grand reptile blanc se rapprocha de l’Humain jusqu’à pouvoir distinguer la gemme aux reflets bleutés qui perçait sa narine droite. Il s’immobilisa et donna l’ordre aux Serpentères verts qui le flanquaient d’aller entourer leur proie. Les Verts s’exécutèrent dans un glissement d’écailles, formant autour de l’homme un cercle épais et grouillant, hérissé de leurs chairs écailleuses, de leurs sifflements gourmands. Seules les volontés de leurs congénères blancs, les meneurs de meute, les retenaient encore de s’abandonner à leur faim dévorante de violence.
Mâche-les-Forts s’apprêtait à questionner l’individu sur sa présence ici. L’Écailleux blafard n’en eut pas le loisir.
— Vous n’êtes pas les bienvenus dans Streywen, lui asséna le duc Elvanthyell.
Le Serpentère avait enfin compris qui était son interlocuteur, le très connu Archimage du Chaos. Sa raison désirait la capture du Puissant du Chaos, mais son instinct lui scandait de lui déchirer la gorge avant de goûter à la saveur de sa chair d’humain. Mâche-les-Forts décida que la capture lui rapporterait bien plus d’honneur ; on ne pouvait en effet trouver de prisonnier de plus haut rang en la circonstance.
Il n’obtint ni l’un, ni l’autre.
La chevelure d’Elvanthyell se mit à voleter, comme agitée par la brise. Le corps du souverain d’Eodh décolla du sol, tandis que ce dernier ouvrait largement les bras.
— Vous n’êtes pas les bienvenus, répéta l’Archimage.
Son dernier mot prononcé, il déchaîna son pouvoir.
L’assaut du Puissant pris la forme de filaments bleu cobalt qui fusèrent de ses doigts pour se métamorphoser en étoiles luminescentes. Au contact des étoiles de mana bleu, les carapaces d’écailles s’enflammèrent, provoquant des sifflements de détresse, les chairs serpentines grésillèrent, fendues, grillées par la chaleur extrême que leur infligeait l’Archimage.
Le duc avait invoqué un large bouclier d’esprit qui apparut sous forme d’une bulle azurée. L’écran ne se contentait pas de protéger son invocateur, il enflammait également chacun des Serpentères qui osait le toucher, le transformant peu après en un modeste tas de cendres.
Les étoiles bleues frappaient toujours les Serpentères qui se bousculaient en vain, elles frappaient et rebondissaient vers d’autres proies, toujours plus impérieuses, plus gourmandes. À deux mètres du sol, l’Archimage se mit à tourner sur lui-même, balayant la clairière de son feu destructeur, l’arrosant de sa constellation meurtrière.
Les Ténébreux amassés dans la salle des Conquêtes n’eurent pas le temps de se concerter sur la première attaque et la conduite à tenir. Le second cristal palpitait à son tour.
La voix chuintante de Mâche-les-Forts se fit entendre dans un cri étiré, incompréhensible. Avant que le cri ne retombe, le cristal rougit comme chauffé à blanc, investi d’une force étrangère. Il explosa en menus fragments qui allèrent éclabousser la carte de Streywen, renversant les figurines des envahisseurs.
Croc-de-Haine éructa, Griffe-de-Sang siffla, Berger-du-Massacre crissa, ses antennes agitées, Leprín serra les poings. Quand à leur maître, il garda son immobilité mais sa contrariété muette valait un concert de jurons.
Pour ajouter à la confusion des Serpentères, ceux des leurs qui étaient restes en arrière surgirent en désordre, repoussés par une grêle de flèches crachée du haut des arbres. L’arrière-garde s’écrasa contre les survivants de la clairière, provoquant un effondrement général.
Elvanthyell les consuma impitoyablement de ses étoiles ou de son bouclier, les uns après les autres. Les rares qui parvinrent à échapper à son mana fulminant furent abattus par ces flèches qui semblaient tirées de nulle part.
Pas un des reptiles, qu’il soit blanc ou vert, ne survécut.
— Vite, lança le Roi-Sorcier qui venait de sortir de sa torpeur, contactez immédiatement mon troisième chef de troupe !
Suivant son ordre de marche, le régiment des Mantes descendait toujours vers le sud, se frayant un chemin à travers fougères et broussailles. La Reine des mantes établit la liaison sans perdre la moindre seconde. Le visage de Xxiri’xsia, sa protégée, prit forme dans le cabochon de gemmelitte.
— Des nouvelles ! clama le Roi-Sorcier d’un ton pressant.
— Tout va bien, signifia une voix aigrelette formée par le cristal de traduction qui ornait le torse de la guerrière mante – la langue originelle des Mantes était incompréhensible par leurs alliés.
— Bon, c’est déjà ça, soupira le Père.
Le hurlement d’un loup résonna en arrière-plan, issu des profondeurs de Streywen. Il fut bientôt repris par d’autres.
— On nous attaque ! glapit Xxiri’xsia.
Des fourrés qui encadraient la piste suivie par les guerrières-insectes, surgirent les grands loups de Streywen, aussi hauts que le plus haut des poneys, leurs pelages gris fumé ondoyant sous leurs formidables masses musculaires, leurs regards rougeoyants éventrant l’horizon. D’ordinaire solitaires, les prédateurs ultimes de la forêt chaotique s’étaient ralliés à trois cent quatre-vingt-seize pour défendre leur territoire ; répondant ainsi à l’appel impérieux d’Elvanthyell d’Eodh.
Les loups se jetèrent sur les Mantes, qu’ils renversèrent de leur densité et de leur fureur, leurs griffes déchirant sans difficulté l’armure de chitine qui protégeait habituellement les guerrières de l’Essaim. Combattant de concert, tel un commando d’élite, les assaillants lupins combattaient par groupes de trois ou quatre, désarçonnant les insectes par des feintes. Ils attaquaient ensemble et reculaient ensemble, se mettant hors de portée pour revenir à la charge quelques instants plus tard, surgis d’une autre direction.
Les Mantes tentèrent bien de se regrouper, de faire front, mais les loups se révélaient trop vifs, esquivant ergots et pinces, ripostant avec une puissance supérieure, une adresse sans pareille, une intelligence cruelle. Dès le début de leur attaque surprise, ils avaient pris soin d’éliminer les insectes-officiers, reconnaissables à leurs tabards, privant les créatures ténébreuses d’une stratégie de défense convenable. Déjà impressionnante, la moisson perpétrée par les loups était telle que l’issue du combat s’annonçait sans aucun doute possible.
Impuissants, le Roi-Sorcier et les siens ne purent qu’assister à une nouvelle déroute ; les guerrières de l’Essaim se faisaient proprement massacrer. Une masse crénelée de muscles renversa brusquement Xxiri’xsia et le contact fut rompu alors même que les hurlements triomphateurs des loups commençaient à jaillir de leurs gorges ensanglantées.
Un gémissement furieux monta du capuchon du Père de la Douleur, vite réprimé, modulé en un ordre implacable :
— Va chercher Estrée, Leprín. Amène-la-moi. TOUT DE SUITE !
Le Légat se ruait déjà dans les couloirs ; son visage noir avait pâli sous la fureur de son maître. Jamais il ne l’avait vu ainsi.
Il dévala les couloirs jusqu’à arriver devant les portes de la suite. Les trois gardes gisaient sur le sol, braguettes ouvertes, membres dévoilés.
Le premier avait l’une des boucles d’oreille d’Estrée plantée dans l’œil, le second la gorge tranchée, et le troisième la nuque brisée. L’esclave gisait évanouie dans le salon, un hématome sur la tempe.
Leprín ressortit aussitôt, les poings serrés, il rugit le nom de la Fille du Chaos et son cri se réverbéra dans les couloirs de la forteresse.
Elvanthyell caressa doucement les épaules d’Aashti’kalkarn, le meneur des loups de Streywen. Allongé nonchalamment à quelques pas d’un charnier composé du régiment des Mantes, le guerrier lupin arborait un pelage au noir presque opaque. L’éclat rouge de son regard dégageait une surprenante aura de douceur tandis que la main de l’Archimage passait et repassait dans sa fourrure.
— Bien joué, Estrée, murmura le duc. Tu as fait exactement ce que j’attendais de toi. Grâce à toi, le Chaos a contré les Ténèbres.
Aashti’kalkarn lâcha un grognement approbateur.
— Allons, Ash’, mon vieux compagnon, sourit Elvanthyell, il nous reste quelques Sanghs à retrouver, m’accorderas-tu ton soutien, cette fois encore ?
Le loup se remit sur pattes. D’un signe de sa mâchoire épaisse, il intima au Seigneur du Chaos de monter sur son dos. Le duc ne se fit pas prier, il savait qu’Aashti pourrait supporter son poids sans effort.
Le guerrier-loup, monarque d’un jour, leva la tête au ciel et hurla son cri de ralliement. Les siens réapparurent silencieusement du couvert environnant, prêts à répondre à sa volonté. En ce jour particulier, les loups de Streywen suivaient tous la même voie.
Aashti’kalkarn grogna ses ordres, invoquant une nouvelle chasse à mener. S’élançant sur un bout de piste, il n’attendit aucune réponse de ses congénères. Il savait bien qu’ils allaient suivre. Un loup de Streywen était incapable de refuser ce genre de combat.
Aashti courut à travers les bois tel le vent, précédant ses guerriers. Emporté dans une grisante galopade, Elvanthyell se mit à rire aux éclats.